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Réforme tarifaire des Ehpad
Une copie déjà à revoir ?

23/08/2017

À peine déployée, la réforme tarifaire des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) est déjà contestée. En particulier par les gestionnaires du secteur public et, dans une moindre mesure, associatif, frappés par la baisse des moyens alloués à la dépendance.

« Je vous ai compris. » En annonçant le 4 juillet la mise en place, prévue le 25 septembre, d’un comité de suivi de la réforme tarifaire des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), la ministre Agnès Buzyn aura-t-elle apaisé les inquiétudes ? Car, dès le printemps, la réception des arrêtés de tarification intégrant les nouvelles modalités d’allocation de ressources, et en particulier des budgets « dépendance » forfaitisés, laissait déjà présager des lendemains qui désenchantent pour les gestionnaires. Pour nombre d’entre eux, issus notamment du secteur public, le réveil est douloureux.

Équité de façade

Le nouveau financement automatisé de la dépendance a changé la donne. Fini les négociations avec le département : le niveau de ressources résulte maintenant d’une équation tarifaire, assise entre autres sur une valeur annuelle de point groupe iso-ressources – GIR – départementale, déterminée par la collectivité. Un tarif moyen vers lequel tous les Ehpad du territoire sont priés de tendre progressivement, entraînant mécaniquement une baisse des moyens des uns au profit des autres moins bien lotis. À ce jeu de la convergence, les perdants se trouvent indéniablement dans le camp public. « Calculée sur la base des dépenses constatées durant les trois dernières années dans tous les établissements du territoire, cette valeur de point GIR ne tient pas compte des statuts juridiques, qui impactent pourtant la structure des dépenses, bondit Daniel Cassé, président de la conférence nationale CNDEPAH. Or, le secteur public fait face à des contraintes particulières, notamment en termes de statut, de rémunérations et de fiscalité. » Perte sèche à terme, prédit la Fédération hospitalière de France (FHF) : 200 millions d’euros pour les seules maisons de retraite de l’hospitalière. Pas mieux dans la territoriale : à Clermont-Ferrand, la casse se chiffre même, dès cette année, à 375 000 euros pour les six Ehpad du centre communal d’action sociale (CCAS), relaie leur union nationale Unccas. « Temps de psychologues supprimés ici, réorganisation du temps de travail là… Les conséquences sont lourdes dans ces structures qui accueillent les plus fragiles, pointe Annie Lelièvre, responsable du pôle Autonomie à la FHF. Avec une section "soins" dépendant elle aussi d’une évaluation forfaitaire (basée sur des coupes Pathos pas toujours renouvelées) et un tarif hébergement très encadré, les marges sont devenues inexistantes. À tel point qu’aujourd’hui, certains conseils d’administration refusent d’endosser la responsabilité de tels budgets synonymes d’un encadrement et de soins en baisse et votent contre les états des prévisions de recettes et de dépenses (EPRD) [1]. »

Le malheur des uns…

Une fois le secteur public déshabillé, le privé s’en trouve-t-il mieux pourvu ? Au syndicat national des établissements Synerpa en tous cas, on applaudit. « La grande majorité de nos adhérents vont y gagner, se félicite sa déléguée générale Florence Arnaiz-Maumé. Cette réforme entraîne enfin une équité de traitement, au moins au niveau départemental, là où l’ancien système prenait d’abord en compte les tarifications historiques. » Mais côté associatif, la situation semble plus contrastée, à en croire l’enquête interne de la fédération des établissements Fehap. Outre les 10 % d’adhérents « gagnants », la réforme s’annonce quasi indolore pour près de 80 % des gestionnaires. « En revanche, les autres connaîtront une forte baisse de leurs dotations, indique Julien Moreau, directeur du secteur social et médico-social. À nous de les accompagner pour trouver des dispositifs permettant d’éviter des situations compliquées. »  

Qui plus est, selon les territoires, les gestionnaires ne sont pas logés à la même enseigne. « Des départements ont choisi de reporter l’application de la convergence à 2018, reprend Julien Moreau. D’autres ont opté pour des financements complémentaires pour aider les Ehpad les plus en difficulté à passer le cap. Sans compter ceux qui, fin juin, n’avaient toujours pas publié leur valeur de point… » Autre différence bien plus problématique ? Les écarts de moyens alloués à la perte d’autonomie, révélés par la publication des points GIR : « de moins de six euros à plus de neuf », relaie la fédération des associations Fnadepa…  De quoi interpeller les organisations qui, par courrier, ont aussitôt demandé des comptes aux exécutifs locaux quant aux modalités de calcul de leur valeur de référence. « Les premiers retours montrent leur volonté de transparence, rassure Caroline Selva, conseillère technique à l’union interfédérale Uniopss. C’était important, car la réforme de l’aide à domicile a montré combien, au nom de la libre administration, des départements peuvent prendre des libertés avec les textes. » 

Déshabiliter, la fausse bonne idée ?

Du côté des principaux intéressés, on s’explique. On s’inquiète aussi. « Mes services m’ont alerté sur l’ampleur du problème, relève le président du conseil départemental de l’Allier, Gérard Dériot, également vice-président de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). 17 des 46 établissements du territoire sont en convergence négative, dont 15 relèvent du seul secteur public ! L’impact de cette usine à gaz a été sous-estimé, a fortiori par les parlementaires qui ne sont pas saisis des aspects techniques quand ils se prononcent. » « Transformés en porteurs de mauvaises nouvelles, les départements sont contraints de porter une politique d’aide sociale défavorable au public dont ils ont la charge, confirme Annie Lelièvre. En outre, ils réalisent que cette réforme, qui induit du travail supplémentaire pour leurs agents, est une équation à somme nulle pour eux. » 

En attendant, dans les établissements, on s’arrache les cheveux pour trouver des marges de manœuvre (lire l'encadré). « C’est pas compliqué, le budget "dépendance", c’est 90 % des dépenses de personnels, résume Daniel Cassé. Le reste, ce sont des couches et des produits d’entretien. Or, vous vous doutez bien que, sur ça, on a déjà rogné tout ce qu’on pouvait … » De quoi relancer les tentations gestionnaires de déshabiliter en partie pour retrouver de l’oxygène, parfois sous la pression des financeurs ? « Cela peut être une option, notamment en ces temps de généralisation des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) et d'EPRD qui poussent à la recherche de capacité d’autofinancement, reconnaît le président de la Fnadepa, Claudy Jarry. Mais ce ne peut être qu'un choix défensif. Il faut une stratégie réfléchie, et en mesurer les impacts (possible limitation d’accès au plan d'aide à l'investissement – PAI, éventuel assujettissement à la TVA…). » Le groupe de travail, annoncé en avril à la CNSA – et toujours attendu – devrait y contribuer [2].

Pour l’heure, les demandes de moratoire, voire d’abrogation, du dispositif se multiplient.  « Cette réforme n’a pas été pensée, accorde Caroline Selva. Il faut revoir les textes réglementaires [3], et prévoir un accompagnement financier des structures en forte convergence négative. »« À l’Etat de trouver une solution, soit en imaginant une autre mécanique, soit en mettant la main à la poche, renchérit Gérard Dériot. L’objectif d’uniformisation est certes souhaitable, mais avons-nous les moyens de se payer cette convergence-là ? » Un sujet dont la mission flash, créée début juillet par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, ne manquera pas elle aussi d’entendre parler.

 

[1] Instruction n° DGCS/SD5C/CNSA/2017/207 du 19 juin 2017
[2] Lire Direction[s] n° 154 p. 6
[3] Décrets n° 2016-1814 et n° 2016-1815 du 21 décembre 2016

Gladys Lepasteur

« Un tarif calibré selon les revenus »

Maryse Duval, directrice générale du groupe SOS Seniors, à Metz

« Après avoir récupéré des établissements vétustes, nous avons cherché en 2013 avec le conseil départemental de Moselle la meilleure façon de dégager des ressources permettant d’entretenir les murs et de maintenir la qualité d’accueil. Deux ans plus tard, nous avons instauré le principe d’un surloyer solidaire dans nos Ehpad. Innovant et calqué sur le modèle existant en crèches, il consiste à calibrer le tarif "hébergement" en fonction des revenus de la personne. Trois niveaux existent : au maximum, ceux percevant plus de 3 000 euros, paient huit euros de plus par jour que le tarif "aide sociale", pour des prestations identiques. Permettant une vraie lisibilité sur nos ressources, ce système nous autorise à mener des politiques de réhabilitation ou d’embauches. Ce qui serait impossible autrement, compte tenu de la situation budgétaire des départements et de la faible évolution de leur tarif. »

 

Repères

  • « Nombreux sont les établissements, notamment publics mais aussi associatifs, dont les dotations vont subir des baisses programmées de 10, 15 ou 20 % (jusqu’à 30 % et plus), sur les sept ans », alerte le Syncass-CFDT.
  • 200 millions d’euros : c’est la perte de recettes estimée par la FHF pour les seules structures publiques d’ici 2023.
  • « L’impact négatif de la convergence à la baisse du tarif "dépendance" est contrebalancé par la convergence des tarifs "soins". Avec cette dernière, le gain est respectivement de 163 millions d’euros pour les Ehpad publics, et de 105 pour ceux du privés non lucratifs sur la période 2017-2023 », a indiqué la ministre Agnès Buzyn.

Publié dans le magazine Direction[s] N° 156 - septembre 2017






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