Suite logique de leurs fiançailles en 2007, les deux syndicats d'employeurs Snaséa et SOP sont unis depuis le 1er janvier. Le fruit de leur alliance ? Le Syndicat des employeurs associatifs de l'action sociale et santé (Syneas). Fusionnant les forces, les équipes et les adhérents des deux organisations, il peut se vanter de représenter 50 000 bénévoles et 5 000 établissements employant 230 000 salariés. Objectif de l'opération nuptiale ? Peser de manière plus significative « face aux pouvoirs publics, aux organisations syndicales de salariés et aux divers partenaires ». La branche associative sanitaire, sociale et médico-sociale (Bass) comptant quelque 700 000 salariés (1), le Syneas se place, d'entrée de jeu, comme un acteur majeur.
Un périmètre d'action élargi
Plus que la simple addition de leurs troupes, les ex Snaséa et SOP rassemblent des forces complémentaires. Le premier, un des trois cosignataires (avec le SOP et la fédération d'employeurs Fegapei) de la convention collective nationale du 15 mars 1966 (CCN 66), bénéficie d'une expertise reconnue en matière de formation professionnelle ainsi que d'une forte implantation régionale. Quant au SOP, couvrant des effectifs moins importants dans le cadre de la CCN 66, il apporte un autre atout dans la corbeille de la mariée : il est aussi cosignataire de la convention collective des foyers de jeunes travailleurs, ainsi que seul signataire des accords collectifs applicables dans les centres d'hébergement et de réadaptation sociale et les services d'accueil, d'orientation et d'insertion pour adultes. Dorénavant, le Syneas dispose donc d'un large périmètre d'action. « Le syndicat couvre trois champs conventionnels sur deux branches. Cela nous donne une autre mesure en termes d'actions et de responsabilités », affirme Jean-Luc Durnez, son directeur général. « Acteur majeur du dialogue social, nous avons l'intention de mener une stratégie proactive et d'occuper toutes les places qu'un syndicat de cette importance doit occuper », prévient Michel Ridou, le président exécutif.
Un rapprochement inéluctable
Les raisons d'une telle fusion ? « Il fallait réunir les synergies pour apporter un soutien plus efficace aux employeurs face aux contraintes imposées par les financeurs et à la réduction du nombre d'interlocuteurs des pouvoirs publics », détaille maître Gilles Ducrot, second président du Syneas. Au rang des défis à relever : restructurations, rénovation de la CCN 66, modification de la représentativité des syndicats de salariés, montée du dialogue social dans les structures, gestion des fins de carrière... Mais, outre ces éléments de contexte et le constat de l'émiettement de la représentation patronale, un déclic (prétexte ?) était nécessaire. « Depuis la transformation, en 2005, du syndicat Snapei en fédération (2), nous restions les seuls syndicats stricto sensu de la branche. Et la dissolution de la fédération des employeurs de la CCN 66 (3) , en 2007, a accéléré notre rapprochement », rappelle Didier Tronche, ex directeur général du Snaséa, aujourd'hui rattaché à la présidence du Syneas et délégué auprès du directeur général sur les questions relatives à la vie régionale et à la formation professionnelle. En 2009, les deux organisations franchissaient une nouvelle étape en soumettant le projet d'union à leurs assemblées générales respectives. « Le traité de fusion a été plébiscité. Cela montre que nous répondons à un besoin profond de nos adhérents », se satisfait Michel Ridou.
Stratégies
Quant à son positionnement vis-à-vis des unions associatives (Unasea et Uniopss), le Syneas reste résolument campé sur son rôle de syndicat d'employeurs (tout en élargissant son offre de service via son institut IADES, qui ne s'adresse pas uniquement à ses adhérents...). Il entend bien jouer la carte de la complémentarité. « Pour nous, les différents leaderships se déclinent très clairement : les mouvements associatifs sont engagés dans des réflexions politiques à long terme, mais pas sur les négociations collectives, ni sur la réalité gestionnaire », explique ainsi Michel Ridou.
Cela changera-t-il quelque chose pour la poursuite de la rénovation de la CCN 66 ? Non, aux dires des organisations patronales et salariales, puisque les employeurs arrivaient déjà en séance avec une position commune. Avec une nuance toutefois : le Syneas devient majoritaire.... Mais c'est surtout au sein de l'organisation des employeurs de la Bass (Unifed), qui passe de six à cinq organisations membres (4), que les cartes risquent d'être redistribuées. Que pensent les partenaires de cette fusion ? « La Fegapei s'en félicite ! Cela va dans le sens d'une plus grande maturité du secteur, structuré autour de trop nombreuses associations. C'est la démonstration que les acteurs ont compris qu'il fallait agir ensemble. Ce que la Fegapei fait de son côté pour rassembler les acteurs du handicap via l'enseigne Handéo ou la fondation internationale », lance son directeur général, Philippe Calmette. « En outre, la représentation des employeurs ne constitue que 15 à 20 % de nos activités... », se démarque-t-il. Du côté de la Fehap, même prise d'acte. « Nous nous réjouissons de la réunion de ces deux organisations. Mais il est important de maintenir les équilibres actuels au sein d'Unifed, auxquels la Fehap est attachée alors même que son poids au sein de la branche est conséquent », nuance son directeur général, Yves-Jean Dupuis.
Nouvelles règles du jeu
Pas sûr, alors, que les projets du Syneas les enchantent... Celui-ci entend œuvrer en faveur et au sein de branches « fortes et agissantes ». « Unifed ne doit pas être qu'un rassemblement d'employeurs se retrouvant sur des développements minimalistes, prône Didier Tronche. En matière de professionnalisation, nous demandons que l'organisation se dote de moyens techniques et humains pour un réel pilotage. Concernant la représentativité et le paritarisme, nous souhaitons une ligne directrice forte pour renforcer le dialogue social. Au-delà des intentions, Unifed doit pouvoir montrer sa volonté de s'ancrer sur ces objectifs. »« La fusion des deux syndicats peut créer une dynamique intéressante en termes de représentation politique. Et créer un nouvel équilibre qui peut permettre d'avancer sur un certain nombre de dossiers, analyse Jean Pallière, directeur général de l'organisme paritaire collecteur agréé Unifaf. Au regard des enjeux concernant la politique régionale de formation, plus la représentation employeurs sera clarifiée et consolidée, plus la branche pourra être un interlocuteur incontournable des instances territoriales. »
La création du Syneas réinterroge donc le positionnement d'Unifed. Mais aussi ses équilibres internes. « Eu égard à notre nouvelle force, nous avons présenté à nos partenaires nos propositions pour revoir les principes régissant le collège employeurs. Nous voulons aussi discuter du financement du dialogue social », confirme Jean-Luc Durnez. La règle actuelle pour le comité directeur est : une organisation, une voix (avec droit de veto), chacune contribuant pour un sixième du budget. Au sein du collège employeurs (10 sièges), chaque organisation en a deux, sauf la FNCLCC et la Croix-Rouge qui n'en ont qu'un. Le Syneas propose d'introduire une dose de proportionnalité dans sa composition. Ce qui pourrait se traduire par trois sièges pour la Fehap et le Syneas, sans changement pour les trois autres.
Résistances
La fusion a donc bien changé la donne. Les chiffres de la collecte gérée par Unifaf donne une idée du poids de chacune de ses composantes en terme de masse salariale. En 2008, la Fehap confirmait sa première place avec 36,5 % des fonds de la formation. L'addition des données concernant les ex Sop et Snaséa montre que le Syneas talonne la Fehap en représentant 33,9 % de la collecte, désormais loin devant la Fegapei (12,9 %). Quant aux deux autres composantes (la FNCLCC et la Croix-Rouge), elles représentent respectivement 3,3 % et 2,6 %. Restent 10,8 % issus d'employeurs non couverts (aucune convention n'étant étendue), des cibles à conquérir... Concernant le financement du paritarisme (actuellement 900 000 euros, partagés entre les organisations), le Syneas propose la création d'un fond dédié.
Des questions à l'ordre du jour des comités directeurs d'Unifed depuis plusieurs mois. Mais toujours pas réglées...
Les satisfecit ne seraient-ils alors que des félicitations de circonstances cachant quelques grincements de dents ? La simplification de la représentation des employeurs est une question ancienne dans le « landerneau ». Une nécessité qui butte depuis aussi longtemps sur les résistances d'organisations jalouses de leurs « pré carrés ». Pas sûre alors qu'elle puisse aller plus loin. Pour le moment ?
1) Source : rapport d'activité 2008 d'Unifaf, consultable sur www.unifaf.fr
2) Lire Direction(s) n°22, p. 24
3) Lire Direction(s) n° 43, p. 43, p.10
4) L'Unifed regroupe la Fehap, la Fegapei, la FNCLCC, la Croix-Rouge et le Syneas.
Noémie Gilliotte
Point de vue
Hubert Allier, directeur général de l'Uniopss
« Le secteur non lucratif est questionné dans son identité, voire dans ses modalités de gestion. Il doit affirmer, syndicats et mouvements associatifs confondus, qu'il entend exister par lui-même car il porte des spécificités, notamment dans son rapport aux territoires, aux usagers et aux politiques publiques. Dans le contexte de marchandisation et d'européanisation, il est important que la fonction politique et la fonction employeurs soient portées de manière distincte. Et nous avons besoin de syndicats forts. Or, la multitude d'organisations d'employeurs peut nuire, surtout dans le cadre d'une même convention collective. Par ailleurs, il nous fait prendre conscience qu'il faut des conventions collectives moins nombreuses et... étendues. Nous appelons ainsi les organisations d'employeurs à une réflexion commune avec les unions, afin d'étudier les solutions afin d'aller vers des champs d'intervention plus cohérents. »