Délais excessifs de prise en charge, démographie médicale préoccupante, importance du coût des soins laissés à la charge des familles, carence de la réponse apportée aux troubles des adolescents... Si d'indéniables progrès ont été accomplis, le dépistage précoce et la prise en charge rapide des enfants et des adolescents constituent toujours les points noirs de la pédopsychiatrie. Or, même si leur nombre est parfois insuffisant dans certaines régions, voire leur accès dans le secteur libéral non remboursé, comme pour les psychologues, les praticiens existent. Leur mise en réseau apparaît aujourd'hui indispensable pour créer une dynamique et sortir parents et enseignants de leur isolement. L'hôpital aurait toute sa place, dans ce dispositif, mais n'en serait pas le seul acteur.
Définir, dans un plan pour la pédopsychiatrie, une véritable stratégie en faveur de la santé mentale des enfants et adolescents est un moyen de fixer des priorités, de les inscrire dans un calendrier précis, d'évaluer les effets obtenus et d'apporter les mesures correctrices qui s'imposent. La mise en place d'une véritable politique de dépistage précoce et d'une meilleure organisation de l'offre de soins, notamment par un partenariat « public/privé », pourraient constituer les deux principaux volets de ce plan. La détection tardive des troubles débouche sur une prise en charge lourde. Cette issue n'est pas seulement coûteuse pour la collectivité, elle est dramatique pour la qualité de vie future de l'enfant ou de l'adolescent. […]
Favoriser la prévention à travers un repérage précoce
Le repérage précoce est un enjeu clef. Détectés tôt, chez les enfants dont le cerveau continue de se développer même après la naissance, les troubles sont moins graves et, dans certains cas, peuvent disparaître. En outre, ce repérage permet la mise en place de mesures correctrices et favorise le maintien des enfants dans des structures ordinaires. En la matière, des progrès importants ont, d'ores et déjà, été réalisés notamment par le dépistage des troubles et handicaps en néonatalité ou pour certaines pathologies comme l'autisme qui fait actuellement l'objet d'un plan spécifique pour la période 2008-2010. Cet effort doit être poursuivi et étendu en mettant, dans un premier temps, l'accent sur le dépistage dès l'entrée à la maternelle. Même si tous les enfants ne suivent pas cet enseignement, il marque pour nombre d'entre eux, l'entrée dans une collectivité.
Aussi, pour intervenir en amont, et établir rapidement un premier diagnostic, les différents acteurs (enseignants, médecins généralistes, médecins et infirmiers scolaires, etc.) doivent être mieux formés à la détection des troubles. […]
[Pour ce faire, le rapport préconise de ] sensibiliser les professionnels au repérage des troubles et des handicaps. Seules les consultations des orthophonistes sont actuellement prises en charge, sur prescription médicale, par l'assurance maladie. Dès lors, les enfants leur sont souvent adressés pour un bilan, notamment par les enseignants qui peuvent recommander cette démarche aux parents. D'autres professionnels, dont les actes ne sont pas remboursés en libéral, comme les psychomotriciens par exemple, peuvent également être sollicités. […]
L'école, lieu de socialisation des enfants, de confrontation à la « norme » du groupe peut, en outre, favoriser la révélation des symptômes. Or les principaux acteurs, à savoir les enseignants et les médecins et infirmiers scolaires, disposent en la matière de fort peu d'outils. […] Organiser une sensibilisation spécifique pour les enseignants de maternelle et les directeurs de ces établissements [paraît donc nécessaire]. […] Les associations de parents doivent, de même, être associées à ces journées de sensibilisation afin de faire part de leur expérience et de répondre concrètement aux questions des enseignants. [Le Conseil préconise] de revaloriser la fonction des médecins de l'Éducation nationale, et renforcer leur nombre, comme acteurs de la politique de santé. L'articulation de leurs missions avec l'ensemble de la filière santé mentale doit être privilégiée y compris dans sa dimension régionale. […]
[Par ailleurs,] l'adolescence constitue un autre moment clef du dépistage. Certains troubles se manifestent au moment de la puberté et sont trop souvent désignés sous le vocable flou de « mal être de l'adolescence ». […]
[Parmi les recommandations du Conseil :] Donner au jeune en risque de rupture scolaire la possibilité d'obtenir un rendez-vous rapide avec le médecin ou l'infirmier scolaires ou l'assistante sociale de l'établissement […]; associer le dépistage des troubles à la communication sur les addictions. Des messages de prévention de santé publique sont ciblés sur les adolescents pour la prévention des addictions ou des conduites à risque. La mise en valeur, à travers l'un de ces spots, de certains signes comme le refus de communiquer, l'enfermement dans sa chambre, etc. favoriserait la prise de conscience, du jeune et de sa famille, sur l'existence d'un mal être plus profond qui dépasse « la seule crise d'adolescence ». […]
Mieux définir et organiser l'offre de soins
Le manque de structures adaptées peut, dans certains territoires, retarder considérablement le diagnostic. Or le réseau existant est souvent sous utilisé. Ainsi, le secteur libéral, médecins généralistes et pédiatres, qui sont souvent les premiers consultés, ne contribue pas suffisamment au repérage des troubles et à l'orientation des parents pour les inciter à établir un bilan. Dans l'attente d'un rendez-vous à cet effet, d'autres professionnels pourraient prendre le relais. […]
Les parents orientés vers un service de pédopsychiatrie sont confrontés, selon les régions, à des délais très variables. Le rendez-vous obtenu, si un bilan est nécessaire, un délai de 6 à 9 mois va encore s'écouler avant que l'enfant ou l'adolescent ne puisse bénéficier d'une consultation dans une structure publique. Il est possible de mettre à profit ce délai pour entamer un travail avec l'enfant et commencer à mettre en place un suivi. Or, hormis les consultations du pédopsychiatre, celles des autres intervenants libéraux, psychologues, psychomotriciens, etc., ne sont pas prises en charge par l'assurance maladie. Cette prise en charge pourrait être assurée dans le cadre d'un protocole discuté avec l'assurance maladie, prenant en compte la nécessité de la durée pour bâtir une relation de confiance avec le jeune. […]
[Le Cese recommande également d'] assouplir, sous l'égide de l'Agence régionale de santé (ARS), l'accès aux structures sanitaires et médico-sociales dépendant de plusieurs secteurs géographiques et favoriser les passerelles entre toutes ces structures. Les ARS disposent désormais des crédits destinés à la prévention, au secteur sanitaire et médico-social. Or la rigidité des règles de prise en charge, notamment en termes de rattachement « administratif » à une structure, nuit à la facilité d'accès et parfois à la richesse du parcours de soins. L'assouplissement des règles de domiciliation est de nature à favoriser la qualité et la continuité de la prise en charge, données fondamentales en matière de santé mentale.
Par ailleurs, le partenariat public/privé doit être repensé. L'hôpital public reste au coeur du dispositif. Toutefois, il ne peut intervenir seul sur le champ de la santé mentale. L'ARS doit promouvoir des outils de contractualisation de nature à favoriser la complémentarité de la prise en charge par le secteur libéral et médico-social.
Accompagner les familles à toutes les étapes du processus
En amont de toute orientation médicalisée, les parents de jeunes enfants (non scolarisés) peuvent avoir besoin d'avis de spécialistes sur le comportement de leurs enfants. Des lieux d'accueil ouverts ont été créés par certaines municipalités avec l'appui des conseils généraux. Ils permettent d'observer les enfants en petits groupes en présence des parents et de dédramatiser une bonne part des difficultés d'éducation en les partageant entre parents ou avec des spécialistes présents. […]
La prise en charge du handicap physique et du trouble psychique ne requiert pas les mêmes aptitudes. Or cette distinction est trop peu prise en compte par l'école dans le profil et la qualification des auxiliaires de vie sociale (AVS), ce qui nuit à l'intégration scolaire des jeunes souffrant de pathologies mentales.[…] Il paraît, aujourd'hui, nécessaire de garantir la qualité la qualité et la continuité de l'accompagnement des enfants, en engageant des actions favorisant la complémentarité entre les AVS recrutés par le ministère de l'Éducation nationale et les AVS recrutés par les associations agréées par ce ministère.
Ces associations doivent jouer un rôle mieux intégré qu'aujourd'hui dans le dispositif d'accompagnement des enfants et des adolescents.
[Le rapport recommande enfin de] dédramatiser l'accès aux maisons départementales des personnes handicapées. Ces dernières, créées par la loi de février 2005, sont des guichets uniques qui associent l'ensemble des professionnels. Elles correspondent à un besoin maintes fois exprimé par les associations, de parents, de patients et de professionnels, et doivent donc être maintenues et bénéficier d'un financement pérenne. Elles proposent un parcours à l'enfant et à sa famille, mais le terme même de « maison des personnes handicapées » peut faire peur aux parents et les détourner de cette structure. L'orientation vers ce type de structure doit donc faire l'objet d'un accompagnement, en particulier s'il intervient avant le premier bilan.
Carte d'identité
Auteur. Jean-René Buisson, membre du groupe des entreprises privées, du Conseil économique, social et environnemental
Titre de la publication. La pédopsychiatrie : prévention et prise en charge
Téléchargeable sur www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/104000119/index.shtml