Le gouvernement a-t-il définitivement renoncé à professionnaliser le métier d'auxiliaire de vie scolaire (AVS) ? À l'heure de la rentrée des classes, certaines fédérations associatives du champ du handicap (l'Unapei, la FGPEP, Autisme France et la Fnaseph) comptent bien revenir à la charge auprès du ministère de l'Éducation nationale et du secrétariat d'État à la Famille et de la Solidarité pour concrétiser cet engagement formulé… il y a un an.
En effet, depuis septembre 2009, un groupe de travail interministériel et interassociatif (GIA) planche sur la création d'un métier d'accompagnant scolaire des enfants handicapés. Un référentiel de fonctions et d'activités et un référentiel de compétences ont été validés en décembre et la réflexion se poursuivait – non sans difficultés – sur la définition du cadre d'emploi. Mais en janvier dernier, "rétropédalage" gouvernemental. Les discussions sur la pérennisation de la fonction d'AVS sont suspendues. Et, à l'instar de la rentrée scolaire 2009, le gouvernement propose aux associations pour personnes handicapées de conclure une convention-cadre pour la reprise, durant une période de trois ans, des AVS en fin de contrat. Colère du quatuor associatif qui voit relancé un dispositif jusqu'alors présenté comme « transitoire » (1). Mais après un temps de négociations, la FGPEP, Autisme France et la Fnaseph acceptent, le 6 juin, de signer (2).
Refus de l'Unapei
« Les conditions financières de reprise des contrats sont plus favorables que lors de la convention-cadre de 2009 », justifie Jean-Michel Charles, vice président de la FGPEP. Concrètement, l'Éducation nationale s'engage à verser aux associations une subvention couvrant la totalité du salaire et des charges des AVS, plus 10 % pour les charges supplémentaires liées à un contrat de droit privé et 10 % pour les frais de gestion. « Nous avons signé pour répondre à la détresse des familles et éviter, de fait, la rupture dans l'accompagnement des élèves handicapés. Toutefois, notre position est claire, ce dispositif doit être provisoire ! Nous attendons toujours que l'article 79 de la loi du 11 février 2005 qui devait aboutir, dans un délai d'un an, à la présentation d'un plan des métiers pour accompagner le handicap, se concrétise », insiste Vincent Petit, membre du groupe de travail AVS d'Autisme France. Une position partagée par Jean-Michel Charles. « Le référentiel de fonctions et d'activités et le référentiel de compétences ont été annexés à la convention-cadre, leur donnant ainsi une valeur juridique. Cela signifie aussi que la perspective de professionnalisation des AVS est toujours à l'ordre du jour et que les négociations vont reprendre », considère-t-il. De son côté, Thierry Nouvel, directeur général de l'Unapei est plus sceptique quant à l'avenir de la promesse gouvernementale. « Nous avons refusé de signer car les conditions financières définies ne permettent pas à nos adhérents, qu'ils relèvent de la convention collective nationale de 1966 ou de celle de 1951, de former et professionnaliser les AVS. L'Éducation nationale prend en charge le temps de l'accompagnement direct de l'enfant handicapé, mais pas les temps consacrés à la formation et à la coordination entre les équipes et les familles qui sont pourtant indispensables pour compléter l'expertise des AVS. La seule solution pérenne est la création d'un véritable métier. Sur ce point, nous restons intransigeants », argumente-t-il.
Extension à l'aide à domicile
Autre sujet de tension entre le gouvernement et les associations du champ du handicap : l'extension de la reprise des AVS en fin de contrat au secteur de l'aide à domicile. Une convention-cadre allant dans ce sens a été signée, le 8 juin, avec les grandes fédérations associatives gestionnaires de services d'aide et d'accompagnement à domicile (SAAD) (3). Un choix sévèrement critiqué par le handicap qui considère que ces nouveaux venus dans le dossier ne disposent ni de l'expérience ni des compétences nécessaires pour accompagner des intervenants auprès d'enfants handicapés. « Nos structures comportent un fort volet d'aide aux familles, rétorque Marie-France Bernard, déléguée à l'intervention sociale au sein de la fédération Adessa À domicile. Elles ont, par ailleurs, l'habitude de gérer des salariés hors les murs que ce soit à domicile ou demain dans un établissement scolaire. » Selon elle, les réserves sur la convention-cadre sont d'une autre nature. « Seuls les services d'aide à domicile autorisés par les conseils généraux sont concernés. Or, dans certains départements, la priorité a été donnée à l'agrément qualité. Il risque donc d'y avoir des disparités géographiques dans ce dispositif. »
Pour sa part, l'Association des paralysés de France (APF) n'a pas associé ses services d'aide à domicile à la convention-cadre. « Certes, la reprise des AVS par les SAAD présente plus d'avantages que celle conclue par les associations car l'accompagnement est transversal et couvre les temps scolaires, les temps de loisir et le domicile. Il est regrettable, toutefois, qu'à nouveau, l'Éducation nationale se désengage de ses responsabilités et prenne des décisions dans la précipitation », commente Bénédicte Kail, conseillère pour les politiques éducatives et et la famille au sein de l'APF. Une lassitude partagée par Jean-Louis Garcia, président de la Fédération des Apajh : « La question de la scolarisation des enfants handicapés ne se limite pas à l'avenir des AVS ! Il existe suffisamment de métiers dans le secteur médico-social sans avoir le besoin d'en créer un spécifique. Si les enseignants étaient mieux formés à la problématique du handicap, si les établissements étaient plus accessibles et les transports mieux organisés, il n'y aurait pas besoin d'autant d'AVS. Il faut en finir avec ces solutions de bricolage et cette politique de la patate chaude », considère-t-il.
L'an dernier, le passage de relais de l'Éducation nationale s'est soldé par des résultats médiocres. Concrètement, sur les 1300 AVS en fin de contrat, seuls 70 ont été réembauchés par des associations. « La circulaire n'a été publiée qu'en décembre ! Il est fort regrettable d'avoir laissé "partir dans la nature" des personnes qui ont acquis six années d'expérience auprès d'enfants handicapés », souligne Jean-Michel Charles de la FGPEP. Qu'en sera-t-il pour cette nouvelle rentrée scolaire ? À la mi-août, aucun texte (décrets et circulaires) permettant de rendre opérationnel ce dispositif n'a été publié…
(1) En mars, les associations signataires ont dénoncé la convention-cadre de septembre 2009.
(2) Lire Direction(s) n° 76 p. 6
(3) Les signataires sont l’Union nationale de l’aide, des soins et des services aux domiciles, l’Union des associations ADMR, la Fédération nationale des associations de l’aide familiale populaire et Adessa À domicile.
Nadia Graradji
La coopération Éducation nationale/ ESMS
Longtemps attendus, le décret et l'arrêté du 2 avril 2009 ont défini les modalités de coopération entre l'Éducation nationale et les établissements sociaux et médico-sociaux (ESMS). Sur le terrain, le partenariat se met en place : premières signatures des conventions, ouverture des unités d'enseignement… « On avance du côté de l'inclusion en milieu scolaire. Il faut désormais trouver des formes hybrides entre l'ESMS et l'école ordinaire », souligne Christian Clauzonnier, chargé de la mission éducation et formation professionnelle au sein du Groupe national des établissements publics sociaux et médico-sociaux. Toutefois, de l'avis de tous, l'efficacité de cette collaboration nécessite de dépasser les différences de culture et de pratiques professionnelles. Laurence Rambour, conseillère technique à la Convention nationale des associations de protection de l'enfant pointe également du doigt le manque de moyens aussi bien au sein de l'Éducation nationale que dans les ESMS.
Encadré chiffres
187 000 enfants handicapés sont scolarisés en milieu scolaire ordinaire
59 000 enfants accueillis en classes adaptées
53 000 sont accompagnés par un auxiliaire de vie scolaire
En 2006, 900 enseignants référents, 1400 en 2009, 1500 pour la rentrée 2010
5 000 enfants handicapés n'ont pas de solution éducative
Publié dans le magazine Direction[s] N° 77 - octobre 2010