Le logement-foyer de La Châtaigneraie, à Saint-Saulve (Nord)
Béguinage, habitat intergénérationnel, résidences services… Entre le maintien à domicile et l’entrée en établissement médicalisé, les solutions intermédiaires séduisent les plus âgés. Et les pouvoirs publics. Dans son dernier rapport (lire l'encadré ci-dessous), le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées (HCLPD) y voit une réponse « aux défis du vieillissement, de la pauvreté et de l’isolement ». Dans ce contexte, comment les logements-foyers peuvent-ils tirer leur épingle du jeu ?
Créés à la fin des années 1950, très souvent propriété de bailleurs sociaux et gérés majoritairement par des centres communaux ou intercommunaux d’action sociale (CCAS-CIAS), ces établissements médico-sociaux accueillent des personnes de plus de 60 ans autonomes ou faiblement dépendantes dans des logements individuels. Ce tout en leur proposant des prestations (restauration, blanchisserie, soins, animations…). « Ils répondent au double besoin de sécurité et de liberté des résidants, en étant de vrais logements sociaux. La durée du séjour y est deux fois plus longue qu’en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes [Ehpad], ce qui rend la vie sociale très riche », souligne Françoise Toursière, directrice de la Fédération nationale des associations de directeurs d'établissements et services pour personnes âgées (Fnadepa).
Une forte hétérogénéité
Longtemps victimes d’une image désuète, la remise en cause du diptyque « établissement-domicile », en particulier lors des débats sur la réforme de la dépendance, contribue à redorer leur blason. Aujourd’hui, le développement des logements-foyers est inscrit au programme « Lieux de vie collectifs » 2009-2013 de la Caisse nationale d’assurance retraite (Cnav) et l’Union nationale des CCAS (Unccas) lance un vaste plan de modernisation. « Il est nécessaire de constituer une nouvelle génération de logements-foyers, lance Daniel Zielinski, délégué général de l’Union. L’un des axes est de revaloriser leur image et d’augmenter leur visibilité. » Car l'hétérogénéité des établissements, en termes de services proposés et de prise en charge de la dépendance notamment, ne facilite pas leur repérage par le grand public.
Si la réglementation contraint les structures à maintenir un groupe iso-ressources (GIR) moyen pondéré (GMP) inférieur à 300 pour une proportion de 10 % maximum de personnes classées en GIR 1 et 2 – sous peine de devoir se transformer en Ehpad [1] –, les approches varient. « Ce ne sont pas des établissements médicalisés. Ils répondent à la demande d’une population définie, dite à "autonomie maîtrisée" (GIR 5 et 6). Ils doivent donc conserver leur spécificité, surtout en zone urbaine où des Ehpad hébergent des personnes relevant des GIR 1 à 4. C’est dans ce cadre que nous inscrivons le fonctionnement de nos 35 logements-foyers », explique Alain Lecerf, directeur général de l'Association résidences et foyers (Arefo). Au contraire, François Lebon, directeur de La Châtaigneraie à Saint-Saulve (Nord), a pris le parti de ne pas reloger les résidants en perte d’autonomie. « Nous sommes opposés à la "ghettoïsation de la dépendance". Aussi nous avons développé une forte culture du soin palliatif. » Ainsi, alors que les trois quarts des logements-foyers n’emploient pas de personnel médical et paramédical et font appel à des prestataires, la Châtaigneraie en compte près de onze équivalents temps plein.
Vers un forfait autonomie ?
Pour financer une partie de ces salaires, l’établissement perçoit un forfait « soins courants » versé par l’assurance maladie (4,23 euros par jour et par résidant pour ce qui le concerne). La Châtaigneraie fait ainsi partie des 20 % de structures qui en bénéficient, mais la généralisation de ce dispositif a été stoppée net en 2007. Les acteurs du secteur se mobilisent donc autour d’un nouveau « forfait autonomie ». « Il permettrait de repousser l’âge d'entrée en Ehpad en finançant des actions de prévention (ateliers mémoire, réadaptation…) et de mieux prendre en charge les publics aux problématiques spécifiques (handicap, troubles psychiques) », développe Daniel Zielinski. L’idée n’est pas neuve, mais son expérimentation doit encore être lancée par la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS).
Autre chantier toujours gelé : le cahier des charges, issu des conclusions du groupe de travail « harmonisation des normes » mis en place en 2011. Objectif ? Clarifier certains points de la réglementation applicable aux logements-foyers, pris en tenaille entre les Codes de l’action sociale et des familles (CASF) et de la construction et de l'habitation (CCH). « L'arrêté portant le cahier des charges aurait été retoqué par la commission consultative d'évaluation des normes, rapporte Alain Villez, conseiller technique à l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux (Uniopss). Résultat : les directeurs continuent d’être en infraction au regard de l’un ou l’autre Code. » Un flou juridique dont l’Arefo a déjà fait les frais, en procès durant plusieurs années avec la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). « Les inspecteurs ne comprenaient pas l’architecture de la redevance forfaitaire mensuelle en logement-foyer conventionné "aide personnalisée au logement" [APL], découpée en trois éléments. Car si les volets "équivalent loyer" et "équivalent charges locatives" sont bien définis dans les conventions APL relevant du CCH, le troisième relatif aux "prestations obligatoires" n’y figure pas. C’est pourtant ces dernières, issues du CASF, qui font la spécificité des structures », rappelle Alain Lecerf.
Un bâti à rénover
La cure de jouvence des logements-foyers passera également par la rénovation du bâti, vieillissant. Si plus des deux tiers des établissements gérés par l’Unccas ont déjà effectué des travaux de réhabilitation, ils sont autant à estimer devoir en faire et même en refaire. Sans compter les impératifs de mise en conformité avec la réglementation incendie ou encore les normes d’accessibilité. Cependant, les relations parfois difficiles avec les bailleurs sociaux et le saupoudrage des aides – les logements-foyers n’ont notamment pas accès au plan d’aide à l’investissement (PAI) de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) – ne leur facilitent pas la tâche. « L’essentiel des travaux est payé via les loyers, mais j’ai la chance d’avoir des financements complémentaires de la Cnav et du conseil général pour limiter l’impact sur le prix de journée. En outre, j’ai accès à des emprunts à taux préférentiels de la Caisse des dépôts et consignations », explique Martine Le Goslès, directrice du logement-foyer de Montfort-sur-Meu (Ille-et-Vilaine). De même, l’Unccas prévoit, dans le cadre de son plan de modernisation, de lever 300 à 400 millions d’euros auprès de plusieurs partenaires pour soutenir l’investissement… Et ainsi rester dans la course.
[1] Un conventionnement tripartite partiel, peu mis en œuvre, est possible quand le GMP est supérieur à 300 et la proportion de personnes en GIR 1 et 2 inférieure à 10%.
Aurélia Descamps
Le HCLPD au chevet des logements-foyers
Le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées (HCLPD) a élaboré une série de préconisations [1] en faveur des logements-foyers. Il propose de leur ouvrir l’accès à certaines aides à la pierre, comme le prêt locatif aidé d’intégration (PLAI) ou le prêt locatif à usage social (PLUS) et de rétablir les financements de type « prime à l'amélioration des logements à usage locatif » (Palulos). Favorable à l’augmentation des places disponibles dans ces structures, le Haut Comité suggère de planifier des objectifs dans les programmes locaux de l’habitat (PLH) et les schémas gérontologiques. Enfin, il recommande de relever le niveau de groupe iso-ressources (GIR) moyen pondéré (GMP) maximal autorisé (300 actuellement) et d’utiliser ce seuil avec souplesse, afin de limiter les relogements contraints et de répondre au besoin de prise en charge des personnes à la dépendance moyenne (GIR 3 et 4). Par ailleurs, le HCLPD soutient l’idée d’un forfait autonomie et encourage la structuration du partenariat entre logements-foyers et services à domicile.
[1] Habitat et vieillissement : vivre chez soi, mais vivre parmi les autres, 17erapport du HCLPD, octobre 2012
Repères
- 143 000 places de logements-foyers, soit 20 % de l'offre d’hébergement pour personnes âgées
- 67 % des structures gérées par un CCAS-CIAS disent avoir besoin d'être réhabilitées
- 5,2 ans : durée de séjour moyenne en 2007
- Taux d’encadrement : 14 pour 100 places
- 45 à 50 % des résidants ont un revenu mensuel inférieur à 900 euros
Sources : Enquête auprès des résidants des établissements d’hébergement pour personnes âgées, réalisée par la Drees, 2007 et Les logements-foyers gérés par les CCAS et CIAS,
Enquêtes et observations sociale, n°4, Unccas, octobre 2012
Publié dans le magazine Direction[s] N° 101 - décembre 2012