Résidences services seniors Domitys © Stéphane Audras - Réa
« Il ne faudrait pas que, comme les services à la personne (SAP) ou la Silver économie avant elles, les résidences services ne deviennent la nouvelle marotte des pouvoirs publics, une sorte de solution miracle à tous les problèmes du secteur. » Un avertissement, lancé par Benoît Calmels, délégué général de l’Union nationale des centres communaux d’action sociale (Unccas), en guise de prémonition ? Proposant logements individuels et bouquet de prestations, les résidences services sont désormais solidement implantées dans le paysage de l’habitat intermédiaire pour personnes âgées. Une offre développée en marge de tout cadre légal adapté, ont jugé les pouvoirs publics, décidés à y remédier via le projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement… Sous l’œil attentif du secteur qui s’interroge sur la coexistence de l’offre sociale et médico-sociale avec ces ensembles, aujourd’hui en grande partie portés par le champ commercial. La résurgence d’un vieux débat jamais tranché ?
Marché mini, potentiel maxi
Nées dans les années 1960, les premières résidences services permettent alors à des copropriétaires vieillissants d’organiser une gamme de services (gardiennage, animation…). Des innovations « hors sol », soumises au statut fixant la copropriété, que le législateur a tenté de cadrer en 2006. Avec à la clé, la possibilité de bénéficier de l’agrément SAP. La vague de mesures fiscales favorisant l’investissement locatif a très vite aiguisé, au début des années 2000, les appétits des promoteurs qui se lancent dans la construction d’une catégorie d’un genre nouveau – dit de seconde génération. Outre des lots d’habitation acquis par des investisseurs ou par des personnes âgées pour leur propre usage, la résidence propose des prestations entièrement gérées par un exploitant, qui facture les services aux utilisateurs. Une option sans base juridique claire, fraîchement accueillie à l’époque par le secteur, se souvient Frédéric Walther, directeur général du groupe Domitys. « Depuis, nous nous sommes professionnalisés dans une démarche d’amélioration de la qualité. Aujourd’hui, notre modèle peut répondre aux besoins de la moitié des retraités et développer des services à caractère hôtelier, optionnels dans leur majorité. » Résultat ? « Un nombre croissant d’opérateurs deviennent rentables et les leaders affichent des stratégies de croissance dynamiques », estime le cabinet d’expertise Xerfi-Precepta, qui évalue à 580 le nombre de résidences services attendues d’ici à fin 2015.
Complémentarités
Taillées sur mesure pour répondre d’abord aux plus autonomes, ces structures sont-elles armées pour faire face au vieillissement des locataires dont la moyenne d’âge à l’entrée est de 80 ans, selon Domitys ? « Notre agrément nous permet de répondre aux besoins d’aide et d’assistance, précise Frédéric Walther. Mais ce n’est pas un axe de développement à tout prix. L’important est de laisser le choix à la personne, d’où l’intérêt de coopérer avec les services d'aide et d'accompagnement à domicile (Saad). »
Message reçu du côté des associations, qui y voient désormais un possible débouché pour leurs activités. « Cela peut être une autre façon de faire de l’aide à domicile, dans un cadre d’habitat regroupé, prédit Philippe Hédin, directeur de l'association La Vie à domicile, à Paris. Garants de la sécurité des personnes, certains de ces gestionnaires sont prêts à formaliser un partenariat avec un Saad référent, dont ils pourraient coordonner les interventions. »« Ils ont bien compris l’intérêt de se tourner vers les Saad et les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), confirme à son tour Florence Arnaiz-Maumé, déléguée générale du Syndicat national des établissements et résidences privés Synerpa. Cela permet de cadrer les limites d’exercice de chacun et de travailler les moments de transition tout au long du parcours. »
Dernière application pratique : le partenariat, conclu début avril, entre le groupe de maisons de retraite privées Korian et Domitys. Une alliance que le champ non lucratif choisit parfois d’organiser en son sein. Exemple à Besançon, où en 2013 la Mutualité française du Doubs a ouvert les portes de la Résidence Le Tilia située au rez-de-chaussée de l’un de ses Ehpad. « La capacité importante de l’Ehpad nous permet de la souplesse pour intégrer en priorité les locataires de la résidence qui, en cas de retour d’hospitalisation par exemple, ne pourraient rester chez eux », explique Danielle Amiot, adjointe de direction.
Torchons et serviettes
Le gouvernement a bien compris l’intérêt de soutenir cette offre, financièrement indolore pour les comptes publics. Dès 2013, un groupe de travail piloté par la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) s’est penché sur ces solutions d’habitat intermédiaire, évoluant en marge de la réglementation médico-sociale [1]. À tort ? « Des logements mis à disposition par des sociétés qui exploitent des services : qu’est-ce que c’est, si ce n’est des logements-foyers de standing qui ne disent pas leur nom de peur d’être soumis aux obligations de la loi 2002-2 ? », lance Alain Villez, conseiller technique à l’union nationale interfédérale Uniopss. « Ce sont deux logiques bien distinctes, objecte Benoît Calmels. Ces résidences sont sur une logique de marché économique, avec une offre d’hôtellerie, là où les logements-foyers assurent eux une mission de service public. Toutefois, il ne faudrait pas que, pour capter le marché, les premières soient à la limite de fournir des prestations relevant d’associations ou de collectivités territoriales. » Une crainte partagée par l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), qui plaide pour que leur domaine d’intervention, circonscrit aux personnes non dépendantes, soit clairement réaffirmé [2]. « Cela nous renvoie à une question de fond posée avec l’arrivée du lucratif, d’abord sur le terrain des maisons de retraite, puis sur celui de l’aide à domicile : ses activités relèvent-elles ou non du secteur social et médico-social ?, résume Alain Villez. Cela n’a jamais été clairement tranché. » Du côté du Synerpa, c’est fait. « C’est un produit privé, qui ne perçoit ni aide, ni subvention. S’il le fallait, nous nous battrons jusqu’au bout contre une éventuelle intégration au sein de la loi 2002-2, prévient Florence Arnaiz-Maumé. Toutefois, comme le public peut devenir fragile, il est urgent de doter les résidences de seconde génération d’une base légale, assortie d’un cahier des charges. » Entendu, ont acquiescé les sénateurs lors de l’examen du projet de loi Autonomie, en mars dernier. Contre l’avis du gouvernement, plutôt favorable à une réflexion interministérielle préalable. « Le sujet ne doit pas être oublié, insiste Georges Labazée, rapporteur PS du texte. En outre, un travail de fond est nécessaire pour aboutir à la définition d’un label garantissant la transparence de l’information pour les copropriétaires et les locataires, ainsi que la liberté de choix. » Reste à voir si demain les députés ne s’empresseront pas de détricoter ce que les Sages ont façonné hier.
[1] Rapport sur l'habitat collectif des personnes âgées autonomes, rapport de la DGCS, novembre 2013, à télécharger sur www.social-sante.gouv.fr
[2] Les résidences avec services pour personnes âgées, rapport Igas, février 2015, à télécharger sur www.igas.gouv.fr
Gladys Lepasteur
Une offre portée aussi par le secteur associatif
Jean-Pierre Rolandeau, directeur de l’association Résidence service Foch, à Cholet (Maine-et-Loire)
« Créée par des copropriétaires majoritairement occupants à l’époque, la résidence relève de la catégorie de celles de première génération. À ce titre, nous nous félicitons des dispositions du projet de loi Autonomie qui visent à régler le problème des charges parfois jugées excessives ou à mettre en place un conseil des résidants. Deux points sur lesquels nous avons été précurseurs. Outre les valeurs portées par le secteur non marchand, notre plus-value associative est également visible dans le fait que nous accompagnons la personne "jusqu’au bout", ce que ne font pas toutes les résidences lucratives contraintes de passer le relais quand la dépendance devient trop lourde. Pour cela, les 25 salariés (dont trois aides-soignantes, cinq auxiliaires de vie et une infirmière) peuvent également compter sur les services d’aide à domicile pour intervenir à la demande du résidant ou à la nôtre dans le cadre de nos partenariats. »
Repères
- 0,7% des personnes âgées de + 75 ans vivent en résidences services.
- « L'absence de cadre juridique clair conduit à freiner les initiatives des gestionnaires », Claire Guilbaud, directrice de l'offre mutualiste à la Mutualité française du Doubs.
- 1600 euros pour une personne, c'est le prix d’un T2 avec services situé dans une ville moyenne, à Domitys.
Publié dans le magazine Direction[s] N° 131 - mai 2015