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HAD dans les ESSMS
Une longue marche

17/06/2015

Bien que le recours à l’hospitalisation à domicile (HAD) soit encouragé par les pouvoirs publics, il reste disparate dans le secteur social et médico-social. Les professionnels ont donc entrepris d’accélérer leur coopération pour fluidifier les parcours des usagers.

© Ian Hanning-Réa

L’amour n’existe pas, seules comptent les preuves d’amour. La Fédération nationale des établissements d’hospitalisation à domicile (Fnehad) semble avoir fait sien le vieil adage. Le 20 mai dernier, elle signait une convention avec huit poids lourds du champ des personnes âgées [1]. Sa vocation ? Favoriser le développement de l’hospitalisation à domicile (HAD) en établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).

À l’heure de la promotion des parcours de soins et de vie, l’administration elle-même encourage son déploiement dans le secteur [2]. Possible en Ehpad depuis 2007 [3], puis dans l’ensemble des établissements et services sociaux et médico-sociaux depuis 2012 [4], l’intervention de l’HAD y est pourtant loin d’être acquise…

Méconnaissance mutuelle

En Ehpad, où son déploiement est le plus avancé, des disparités subsistent. « Les chiffres sont cruels, lâche Élisabeth Hubert, présidente de la Fnehad. Alors qu'en 2013, 12 % des journées d’HAD étaient réalisées dans les Ehpad en Provence-Alpes-Côte d’Azur, ce taux dépasse à peine 2 % en Ile-de-France. » Pointée du doigt ? La méconnaissance mutuelle des acteurs et du périmètre de leurs missions. « La gestion des déchets, par exemple, du ressort de l’HAD, est la plupart du temps assurée par les Ehpad, illustre Agathe Faure, conseillère Santé social à la Fehap. Si des conventions entre Ehpad et HAD sont signées, nombre d’entre elles ne sont pas effectives. Il faut donc se réunir régulièrement, définir des protocoles de fonctionnement et assurer un suivi objectif. D’où la nécessité d’établir un référentiel pour favoriser les bonnes pratiques. » Ce à quoi s’emploient les neuf signataires de la convention interfédérations. « Il faut se lancer, insiste Agathe Faure. Après un premier recours à l’HAD par un Ehpad, les suivants sont plus réguliers. »

Des causes structurelles

Encore marginale dans le champ de l’inclusion sociale (lire l’encadré ci-dessous), l’activité du dispositif reste aussi à développer dans celui du handicap. « Les résultats ne sont pas à la hauteur des besoins, concède Laurent Perazzo, directeur adjoint du social et du médico-social à la Fehap. Mais la dynamique est engagée, avec toujours en vue l’amélioration de la qualité de vie de l’usager. » Là aussi, l’objectif est d’éviter la fragilisation que peuvent entraîner les séjours à l'hôpital, dès lors qu’une alternative existe. « Outre le caractère plus récent de l’intervention, l’HAD est tributaire du défaut d’accès aux soins des personnes handicapées en amont, avec par exemple des diagnostics tardifs pour des pathologies graves et des équipes soignantes qui ont des difficultés à appréhender le handicap », soulève Élisabeth Hubert.

Pour Pascal Jacob, président de l’association Handidactique, auteur d’un rapport ayant contribué à l’ouverture de l’HAD vers l'ensemble du secteur [5], les causes de ce faible déploiement sont structurelles : « Le nombre d’hospitalisations avec hébergement dans notre pays reste bien supérieur à la moyenne européenne. Ce, alors même que son coût à la journée est le triple de celui de l’HAD. L’hospitalo-centrisme français a créé une dynamique focalisée à l’extérieur du domicile, à rebours des besoins des personnes fragiles.  Il y a là un casus belli sociétal. L’hôpital doit achever sa collaboration avec le médico-social via un doublement de l’activité d’HAD. »

Jouer une partition commune avec les Ssiad

« Les services à domicile et l'HAD peuvent tout autant répondre aux besoins des personnes handicapées, en jouant une partition commune liant accompagnement et soins », ajoute Pascal Jacob. Un sujet ancien, aujourd’hui documenté par une enquête de la Fnehad et des unions nationales ADMR et UNA auprès d’une cinquantaine de services de soins infirmiers à domicile (Ssiad) et d’HAD dans cinq régions en 2013-2014 [6]. Au rang des difficultés relevées ? Des relais problématiques d’HAD vers les Ssiad, puisque ces derniers répondent à moins de la moitié des demandes d'admission de patients. En cause ? Un manque de places ou un coût de prise en charge trop élevé. « En creux se pose la question du modèle tarifaire des Ssiad, soulève Line Lartigue, directrice Santé à l’UNA. « Ce problème est sous-jacent, abonde Marie Portal, chargée de développement à l’ADMR. Les dotations doivent intégrer les réalités de la prise en charge complexe des sortants d’HAD. Les Ssiad n’ont pas vocation à faire le tri des usagers sur un territoire, il leur faut les moyens de leurs missions. »

Le rôle moteur des ARS

Les solutions d’aval à l’HAD sont donc limitées. « Faute de relai vers le Ssiad, la personne peut être accompagnée par un service d’aide et d’accompagnement à domicile (Saad), couplé à un infirmier en libéral, ce qui n’est pas toujours le mode le plus adapté, poursuit Marie Portal. Dans d’autres cas, le patient peut être renvoyé vers l’hôpital ou encore maintenu en HAD. » Avec des conséquences pour ces derniers établissements. « Certains subissent des redressements pour des patients dont l’assurance maladie considère qu’ils ne relèvent pas de l’HAD », glisse Élisabeth Hubert.

Là aussi, les fédérations pointent l’engagement dans des dynamiques communes comme solution, dans le respect du choix de l'usager d’être soigné à domicile. Les agences régionales de santé (ARS) sont d’ailleurs attendues au tournant pour assumer un rôle d’animation territoriale. « D’autant qu’elles en ont la légitimité institutionnelle, souligne Line Lartigue. Dans les régions où elles ont impulsé des rencontres, développé des modèles de fiches de liaison entre HAD et Ssiad, la coopération est plus approfondie. »

Usagers « frontières »

Autre préconisation ? Un assouplissement réglementaire afin de permettre l’intervention conjointe du Ssiad et de l’HAD, actuellement soumise à une autorisation exceptionnelle. « Les cas justifiant un partenariat renforcé sont identifiés : les situations de fin de vie exigeant un appui plus lourd, des traitements ou pansements complexes où les soins de nursing et d’hygiène pourraient être assurés par les aides-soignants de Ssiad, ou des patients isolés géographiquement », énumère Élisabeth Hubert. Qui se dit prête à s’inspirer du modèle de coopération HAD-Ehpad, prévoyant la minoration du tarif de la première en cas d’intervention dans l’établissement. Une piste portée à l’attention des pouvoirs publics… « Le cumul de l’HAD et du Ssiad aurait un coût toujours inférieur à celui de l'hospitalisation classique, commente Marie Portal. Nous disposons de l’offre, il faut maintenant "graisser les rouages". C'est là que réside le défi de l’innovation à l’heure des parcours. »

 

[1] La Fehap, la Ffamco, la FHF, la FHP, la Fnadepa, le GHMF, Générations mutualistes et le Synerpa.

[2] Circulaire DGOS/R4/DGCS/2013/107 du 18 mars 2013. Sollicitées, les directions générales de la Cohésion sociale (DGCS) et de l’Offre de soins (DGOS) n’ont pas donné suite.

[3] Décret n° 2007-241 du 22 février 2007

[4] Décret n° 2012-1030 du 6 septembre 2012

[5] « Pour la personne handicapée. Un parcours de soins sans rupture d’accompagnement. L’hospitalisation au domicile social ou médico-social », février 2012.

[6] « Favoriser les coopérations Ssiad-HAD pour améliorer les parcours des patients », mai 2015.

Justine Canonne

Un recours marginal pour les publics précaires

Si l’HAD apparaît pertinente pour des publics de centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), en fin de vie ou confrontés à des ruptures de soins, elle y demeure peu présente. Selon une étude conduite auprès d’une centaine de ces structures [1], celles-ci n’ont fait appel à l’HAD que pour 6 % de leurs résidants en phase avancée ou terminale d’une maladie grave en 2012-2013. Dans 61% des centres interrogés, l’HAD n’est jamais intervenue. « Le caractère collectif de l’hébergement suscite parfois des difficultés d’intervention, souligne Marion Quach-Hong, chargée de mission Santé et études à la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (Fnars). L’articulation parfois complexe entre les équipes médicales et les travailleurs sociaux peut constituer un autre obstacle. L’HAD doit donc se déployer dans une logique pluridisciplinaire, afin d’éviter de se muer en simple "annexe" de l’hôpital, créant un système "à bas coût" pour les plus démunis. »

[1] Fin de vie en CHRS, rapport d'étude de l'Observatoire national de la fin de vie (ONFV), janvier 2015.

 

Repères

315 structures d’HAD actives en France (source Fnehad).

4,4% des journées d’HAD ont été réalisées en Ehpad en 2013 (trois fois plus qu’en 2009).

38% c'est le taux d’admission des patients sortant d'HAD par les Ssiad. En comparaison, les services d’HAD acceptent les demandes de relais des Ssiad dans 77 % des cas.

Publié dans le magazine Direction[s] N° 133 - juillet 2015






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