Jean-Marc Borello (Groupe SOS)
En septembre dernier, le gouvernement vous a demandé de faire des propositions pour l’inclusion dans l’emploi qui profitent réellement aux plus exclus du marché du travail. Quels sont vos constats ?
Jean-Marc Borello. Ma rencontre avec près de 400 acteurs m’a permis d’identifier les innovations expérimentées sur le terrain et de faire l’inventaire des politiques publiques à l’œuvre. Il en est ressorti une évidence : personne n’est inemployable. Mais les contrats aidés étaient devenus coûteux, soutenant plus les structures que les personnes : seules 26 % présentaient une sortie positive du dispositif. Pour que cela réussisse, il fallait créer un nouveau parcours fondé sur le tryptique « emploi, formation, accompagnement », que les dispositifs actuels ont du mal à mener.
Cette recommandation s’est déjà traduite par la publication d’une circulaire [1] et la mise en place des « parcours emploi compétences » (PEC). De quoi s’agit-il ?
J-M. B. Le principe est de se recentrer sur la personne. Les PEC ne s’ouvriront qu’aux employeurs qui prouvent leur capacité d’accompagnement. Concrètement, l’entreprise et son futur salarié se rencontreront à Pôle emploi ou dans une mission locale. Le contrat proposé intégrera l’obligation de formation et d’accompagnement, listant les compétences utiles au poste développées lors de la formation. Trois mois avant la fin du contrat, le service public fera le point et reprendra la main si les employeurs n’ont pas respecté leur part. Ils n’auront alors plus accès au dispositif.
Cela ne risque-t-il pas de les décourager ?
J-M. B. Cela ne me gêne pas s’ils ne jouent pas le jeu et s'ils utilisaient les contrats aidés pour combler la baisse de leurs effectifs. Il s’agit de passer d’une logique de quantité à une logique de qualité, avec un taux de réussite de 50 à 60 %. Cela concernera peut-être moins de publics, mais je mise sur des résultats plus satisfaisants.
La ministre vous a encore suivi sur l’augmentation de financements consacrés à la formation.
J-M. B. Elle s’est en effet engagée à consacrer 50 millions d'euros par an du Plan investissement compétences pour former les bénéficiaires de ces parcours. En outre, 50 autres millions iront aux salariés de l’insertion par l’activité économique (IAE), un important secteur pourvoyeur d’innovation mais confronté à de nombreux défis. Au-delà, je suggère de lancer un pacte d’ambition pour l’IAE pour augmenter de 20 % par an le nombre de ses salariés d’ici à 2022 : un nouveau cadre de régulation doit être créé pour contribuer à son développement en simplifiant ses règles.
Vous avez aussi des propositions qui dépassent le cadre stricto sensu de l’emploi ?
J-M. B. Aujourd’hui, le contexte économique étant plus favorable, la reprise doit profiter à tous. J’ai repéré des innovations en matière de mobilité ou de logement. Il faut les déployer. Je propose également que les jeunes majeurs sortant de l’aide sociale à l’enfance puissent bénéficier de la garantie jeunes, ou de créer un service civique pour les plus de 55 ans. J’ai bon espoir que ces recommandations se concrétisent. L’accélérateur d’innovation sociale est une opportunité pour cela [2]. Enfin, une conférence de l’inclusion économique et sociale serait bienvenue pour définir une feuille de route coordonnée par un délégué interministériel.
[1] Circulaire N° DGEFP/SDPAE/MIP/MPP/2018/11 du 11 janvier 2017
[2] Lire dans ce numéro p. 7
Propos recueillis par Noémie Colomb
Publié dans le magazine Direction[s] N° 161 - février 2018