Vous avez, un temps, redouté que la réécriture de la définition de l’entreprise, prévue dans le Code civil par le projet de loi, n’apporte de la confusion ?
Hugues Vidor. C’est vrai. Nous craignions surtout une banalisation de la notion d’intérêt général, définie dans la loi depuis 2014. Nous avons donc rappelé qu’elle doit être sanctuarisée au bénéfice du secteur privé non lucratif qui, tous les jours, applique un modèle d’utilité sociale. La lecture du rapport Notat-Sénart [1] nous a toutefois rassurés : l’idée est plutôt de permettre aux entreprises d’aller plus loin sur certaines missions, mais sans créer de statut particulier pour cela. Au-delà, il est bon que les entreprises capitalistiques aient d’autres responsabilités, notamment sociétales. C’est une forme de pollinisation des valeurs de l’ESS, confirmée par les récents propos du ministre Nicolas Hulot qui veut faire de ce champ la norme économique de ce pays.
Parmi vos priorités, vous plaidez aussi pour une plus grande mobilisation de la puissance publique au profit du secteur. Comment ?
H.V. D’abord en lui réservant une part plus importante des marchés publics. Pour soutenir l’investissement dans les TPE-PME, il est aussi urgent d’assurer une meilleure visibilité à un certain nombre de dispositifs existants (fonds NovESS…) encore insuffisamment relayés. Ces outils doivent innerver toutes les structures de l’ESS. Y compris les plus petites qui, trop souvent préoccupées par leur survie, ont besoin d’un accompagnement pour cela.
Vous insistez sur la gouvernance des structures à dynamiser. Pourquoi n’avoir pas signé l’engagement de l’ESS en faveur de la parité entre les femmes et les hommes dès 2020 ?
H.V. Personne ne peut sérieusement croire que nos adhérents puissent y être opposés sur le fond. Mais il faut être réaliste : s’engager sur l’échéance de 2020 aurait demandé à certains de revoir immédiatement leurs statuts, voire de demander à certains administrateurs de cesser leur mandat en cours de route. Cela aurait été une forme d’irrespect vis-à-vis du processus démocratique. C’est pourquoi tabler sur 2022 est plus réaliste. D’autant que sur le sujet, le mouvement est déjà engagé : l’accord multiprofessionnel signé avec les syndicats en 2015 se met progressivement en œuvre dans les structures.
[1] « L’entreprise, objet d’intérêt collectif », rapport de mars 2018, à consulter sur www.economie.gouv.fr
Propos recueillis par Gladys Lepasteur
Publié dans le magazine Direction[s] N° 163 - avril 2018