Remise du rapport El Khomry
De l’avis des professionnels, tout y est ou presque. Le 30 octobre, l’ancienne ministre du Travail, Myriam El Khomri, a présenté « une feuille de route opérationnelle » pour répondre au défi d’attractivité des fonctions d’aides-soignants (AS) et d’accompagnants éducatifs et sociaux (AES) du secteur du grand âge. Sur la table ? 59 propositions pour « que les personnels n’aient plus à choisir entre le faire vite et le faire bien ».
Recruter massivement
Avec un « impératif » : créer 18 500 postes par an jusqu’en 2024 pour répondre aux besoins liés au vieillissement, améliorer le taux d’encadrement et instaurer un temps collectif par mois d’équipe. « Même si on sait que cela va coûter cher, ces quatre heures de coordination sont un minimum !», insiste Alice Casagrande, directrice de la formation et de l'innovation à la fédération patronale Fehap, membre de la mission. Remettre à niveau les rémunérations inférieures au Smic, promouvoir d’un nouveau métier de « care manager », développer les groupements d’employeurs, créer une plateforme départementale pour sécuriser les recrutements… « Ce rapport n’occulte aucun sujet et les conclusions sont les bonnes, résume Jérôme Voiturier, délégué général de l’union nationale interfédérale Uniopss. Après le rapport Libault [1], le gouvernement a désormais toutes les cartes en main. À quand une concrétisation ? »
Pas avant 2020
La mise en œuvre devra attendre la tenue de la conférence sociale réunissant partenaires sociaux et fédérations. Charge à elle de remettre des « décisions » à la ministre des Solidarités et de la Santé début 2020 pour « que tout soit opérationnel pour la loi Grand âge et Autonomie ». « C’est dans ce texte que viendront les financements nécessaires aux mesures. Tout est sur les rails », a assuré Agnès Buzyn. Dans le même temps, la ministre travaillera avec les collectivités à une nouvelle contractualisation sur l’aide à domicile et la formation professionnelle.
« N’est-ce pas une manière de gagner du temps ? On sait qu’il faut de l’argent pour remettre à flot le secteur », s’agace Stéphane Landreau, secrétaire général de la fédération de l'aide à domicile Fnaafp-CSF. Stratégie pour les aidants, revalorisation des métiers… Les acteurs regrettent le « saucissonnage » opéré par le gouvernement. « Si l’on réforme la formation sans s’attaquer aux problèmes d’usure professionnelle ou des rémunérations ce ne sera que l’affichage », prévient Diane Bossière, déléguée générale de l’Union nationale des associations de formation (Unaforis). « L’urgence est d’avoir une réflexion globale dans le cadre du projet de loi, abonde Stéphane Landreau. Comment voit-on la dépendance ? Comment la finance-t-on ? Avec un 5e risque ou non ? » Sur ce dernier point, la ministre a déjà répondu par la négative.
[1] Lire Direction[s] n° 175, p. 48
Laura Taillandier
Remettre à plat la formation
70 000, c’est le nombre de professionnels à former par an, selon la mission. Pour doubler ainsi la capacité actuelle de formation, plusieurs préconisations : supprimer le concours d’aide-soignant et les quotas, réduire drastiquement l’éventail des diplômes, doper l’apprentissage ou rapprocher les formations des AS et des AES, avant une fusion des référentiels. Autant de mesures plébiscitées par Diane Bossière de l’Unaforis. « Il faut en finir avec le fonctionnement en silo des ministères sur les certifications et travailler à une perspective de carrière avec des titres de niveau IV ou III. » Et créer des passerelles par le biais de la valorisation des acquis de l’expérience (VAE) comme le souhaite Muriel Pénicaud, ministre du Travail. « Les centres de formation doivent proposer des blocs de compétences certifiants pour permettre le financement via le compte personnel de formation (CPF) et Pôle emploi, ajoute Diane Bossière. Et progresser dans la souplesse d’organisation pour coller aux emplois du temps des salariés. »
Publié dans le magazine Direction[s] N° 181 - décembre 2019