« Nous allons bâtir une couverture publique du risque de dépendance financée par la solidarité nationale. » C’est l’engagement, largement salué par les acteurs du secteur, de la ministre Agnès Buzyn fin mars lors de la remise du rapport de Dominique Libault. S’ouvre désormais un temps de préparation du projet de loi qu’elle devrait présenter cet automne, avec pour ambition de construire « une réforme qui dessinera un système durable pour faire face aux besoins de demain ».
Principal défi ? Trouver de nouveaux financements car, sans surprise, de nombreuses préconisations du haut fonctionnaire nécessitent des efforts budgétaires. Il suggère notamment d’augmenter de 25 % le taux d’encadrement dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) d’ici à 2024 (pour un coût de 1,2 milliard d’euros), de lancer un plan de rénovation sur dix ans des maisons de retraite et résidences autonomie (3 milliards d’euros) ou encore d’amorcer une restructuration de l’offre (300 millions d’euros par an).
Le domicile, parent pauvre
Des mesures fléchées essentiellement vers les établissements, ont aussitôt déploré les représentants du champ du domicile. En contradiction avec la volonté des Français de vieillir chez eux, idée forte issue de la concertation Grand âge et autonomie. En outre, les 550 millions d’euros envisagés d’ici à 2024 pour réformer la tarification des services sont jugés largement insuffisants pour les professionnels. « Le secteur aurait besoin de 1,5 milliard d’euros immédiatement et de 3 milliards dans les années à venir », chiffre Hugues Vidor, directeur général d’Adessadomicile. Qui se félicite néanmoins de l’enveloppe globale envisagée par Dominique Libault, à savoir plus de 9 milliards d’euros en 2030.
Pour trouver cette manne, le rapport propose dans l’immédiat d’utiliser les excédents du régime général de la Sécurité sociale et de puiser dans le Fonds de réserve des retraites. Après 2024, il invite le gouvernement à remplacer la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) par un prélèvement social pérenne consacré à la perte
d’autonomie. Mais dans le contexte de ras-le-bol fiscal, l’exécutif prendra-t-il le risque de prolonger cet impôt ?
D’autant que d’autres voix s’élèvent. La piste de deux sénateurs ? Instaurer une assurance dépendance complémentaire obligatoire [2], scénario également défendu par la Mutualité française. Sans compter la piste d’une seconde Journée de solidarité, de retour dans le débat [3].
De son côté, le conseil de la Caisse nationale de la solidarité pour l’autonomie (CNSA) soumet, dans une note adoptée le 18 avril, une architecture financière qui, au-delà du soin et de l’accompagnement, inclut le logement et la fonction présentielle auprès de la personne [4]. Ce pour enfin considérer les politiques pour l’autonomie comme un investissement social. Reste à savoir quelles seront les pistes retenues par Emmanuel Macron, qui devait s’exprimer le 25 avril en conclusion du Grand débat.
[1] Lire ce numéro p. 48
[2] Rapport d'information n° 428 de Bernard Bonne et Michelle Meunier, avril 2019.
[3] Notamment évoqué par la députée (LREM) Aurore Bergé le 22 avril.
[4] Le conseil précisera, en juillet prochain, son scénario de financement et de gouvernance pour la future réforme.
Noémie Colomb
Un plan Métiers du grand âge en préparation
Investir dans l’attractivité des métiers. Érigée en priorité, cette proposition phare du rapport a été aussitôt entendue par la ministre Agnès Buzyn. Qui a constitué une équipe projet réunissant experts, responsables des ressources humaines, collectivités, gestionnaires, partenaires sociaux et institutionnels. Son objectif ? Proposer avant fin juillet un plan de mobilisation en faveur des métiers du grand âge tant en établissements qu'à domicile. Les préconisations doivent permettre de répondre à plusieurs enjeux comme la nécessaire augmentation des effectifs en formation, la réorganisation des structures pour favoriser les temps collectifs, ou la prévention des accidents de travail. Des mesures qui ne seront pas effectives tout de suite alors que l’intersyndicale et l’association de directeurs AD-PA, enfin reçue à l’Élysée début avril, réclament la création de 40 000 emplois dès 2019.
Publié dans le magazine Direction[s] N° 175 - mai 2019