Christophe Devys (collectif Alerte) © Michel le Moigne
Pourquoi une telle divergence d’analyse avec le gouvernement ?
Christophe Devys. Il s’attache, et c’est normal, à évaluer la première année de la Stratégie Pauvreté – que nous avons soutenue et soutenons encore, même si en dresser un bilan nous semble prématuré à ce stade. Mais nous, nous insistons sur les plus pauvres que nos associations reçoivent et qui témoignent de la dégradation de leur situation. Ils ont notamment subi la baisse des aides personnalisées au logement (APL), puis leur désindexation, comme celle des prestations familiales, qui se traduisent par une diminution de leur reste à vivre. En outre, ils ont été les oubliés de la politique de relance du pouvoir d’achat menée notamment via la baisse de l’impôt sur le revenu, qui par définition ne profite pas aux non-imposables, et la revalorisation de la prime d’activité, qui ne concerne que ceux qui ont une activité suffisante.
Dans quels domaines voyez-vous des contradictions entre la parole et les actes?
C. D. En matière d’emploi, d’abord. Face au noyau dur du chômage, il faut actionner tous les leviers. Comme l’insertion par l’activité économique (IAE) : saluons, à ce titre, les crédits annoncés pour le Pacte ambition IAE [1]. Nous attendons aussi beaucoup du futur service public de l’insertion (SPI). Mais on ne peut sous-estimer les conséquences de la réforme de l’assurance chômage pour ceux qui basculeront vers les minima sociaux, ni oublier les effets de la baisse des contrats aidés. Dans le champ de l’hébergement aussi, les coupes sur les centres CHRS mettent à mal la politique du Logement d’abord. Enfin, dans le domaine de la santé, les risques pesant sur l’aide médicale d’État (AME) inquiètent les associations, par ailleurs satisfaites de la fusion de la CMU-C et de l’aide complémentaire santé (ACS).
Pourquoi réclamer une revalorisation du RSA en 2020, quand les pouvoirs publics entendent privilégier l’investissement social ?
C. D. Toutes les facettes de la pauvreté doivent être considérées et l’accent doit effectivement être mis sur le retour à l’activité pour ceux qui le peuvent. Mais il est difficile d’imaginer que la question de la pauvreté monétaire doive attendre le revenu universel d’activité (RUA), en 2022 au mieux. Sur ce chantier, nos lignes rouges sont claires : pas question de fusionner le RSA avec les allocations logement, ou même avec celles pour adultes handicapés (AAH) et de solidarité aux personnes âgées (Aspa). Nous veillerons aussi à ce que le RUA soit inconditionnel et qu’il n’y ait pas de perdants parmi les personnes en situation de pauvreté – ce qui demandera un effort budgétaire [2]. D’ici là, même si les associations s’interrogent en permanence sur l’opportunité de continuer, leur participation aux travaux de la stratégie n’est pas remise en cause.
[1] Un budget de 1 milliard d’euros annoncé pour 2020.
[2] Lire dans ce numéro p. 20
Gladys Lepasteur
La Stratégie Pauvreté, c’est déjà :
- La contractualisation avec les départements en faveur de la création de maraudes mixtes et de la fin des sorties sèches de l’aide sociale à l’enfance (ASE).
- 130 000 jeunes soutenus dans leur parcours d’insertion via la Garantie jeunes et l’allocation « Pacea ».
- L’accueil de 7000 salariés supplémentaires accueillis par les structures de l’IAE.
- L’obligation de formation jusqu’à 18 ans entérinée par le Parlement.
- L’installation de 18 hauts commissaires.
- Le lancement des concertations sur le RUA et le SPI.
- 17 actions prioritaires de prévention spécialisée retenues.
- 28 % des crèches percevant le nouveau bonus « mixité sociale ».
Publié dans le magazine Direction[s] N° 179 - octobre 2019