Comment les CCAS/CIAS ont traversé cette épidémie de Covid-19 ?
Benoît Calmels. Ils se sont mis en ordre de marche très rapidement. Les directeurs et les élus ont identifié des problèmes et déployé des solutions sans attendre de consigne nationale, ni même de cadre juridique. Par exemple, beaucoup ont activé le plan Canicule qui était un outil connu et efficace pour les publics vulnérables, et ce seulement 48 heures après le début du confinement, alors que le gouvernement ne l’a proposé que 15 jours après. Par ailleurs, de nombreux CCAS et CIAS ont pris le relais des associations qui se sont trouvées en difficulté pour effectuer des distributions d’aide alimentaire. Ils ont tout de suite été dans l’opérationnel.
Brigades sanitaires, distribution des masques aux plus précaires… Quel est leur rôle depuis le déconfinement ?
B. C. Lors du discours du Premier ministre du 28 avril, nous avons été surpris d’entendre que les CCAS pouvaient être associés aux brigades chargées de dépister les personnes porteuses du Covid-19 à leur domicile, d’identifier les cas contacts et de réexpliquer les gestes barrières. Ces équipes mobiles existaient déjà depuis plusieurs semaines en Ile-de-France et elles étaient composées de personnel médical. Mener un entretien médical n’est pas du ressort du personnel des CCAS. Bien entendu, lors des échanges, ces brigades peuvent proposer aux personnes de les contacter si elles rencontrent certaines difficultés mais cela s’arrête là. Et les listes des personnes visitées ne sont en aucune manière fournies au maire, comme l’a rappelé le Conseil constitutionnel [1].
Concernant les masques, l’annonce faite par l’État de la distribution pour les plus fragiles financièrement par les CCAS est venue un peu tard. Sur de très nombreux territoires, les collectivités s’étaient déjà organisées pour constituer des stocks et les distribuer.
Quels sont les enjeux face à la précarisation générée par cette crise ?
B. C. On se souvient de la crise de 2008 dont les effets se sont fait sentir pendant trois ans. Les CCAS et CIAS sont les premiers amortisseurs de la crise sociale. Nous travaillons actuellement avec le bureau d’études Compas pour mesurer les effets du confinement sur la population à partir de l’analyse des besoins sociaux.
Nous avons dégagé six axes : la population âgée à domicile, l’enfance et la jeunesse, la fracture numérique, la problématique territoriale, le choc économique (avec les conséquences sociales des mesures de chômage partiel et des licenciements à venir) et, enfin, la santé.
Cette étude vise à montrer l’ampleur de la crise territoire par territoire. Nous allons proposer des modélisations de ces six axes ville par ville pour aider les maires à agir en termes d’amortissement social et de redynamisation du territoire.
Quelles sont les priorités des centres d’action sociale ?
B. C. La crise touche des personnes qui n’avaient pas l’habitude de passer la porte de nos services. Il va falloir que les CCAS trouvent des moyens localement pour repérer ces publics et intervenir avant qu’ils n’accumulent les impayés. La priorité est de stopper en urgence cette chute grâce aux aides financières. Il faut aussi travailler avec le tissu local associatif autour du retour à l’emploi, de l’enfance, de la jeunesse, de la fracture numérique… Sur le site Internet de l’Unccas, sont recensées des initiatives émanant des CCAS/CIAS qui montrent leur grande capacité d’innovation. Des actions pertinentes, efficaces et qui ne coûtent pas grand-chose. Concernant les moyens financiers, nous espérons recevoir un soutien de l’État, même si nous avons bien conscience qu’ils seront limités.
[1] Conseil constitutionnel, décision n° 2020-800 DC du 11 mai 2020
Propos recueillis par Aurélie Vion
Publié dans le magazine Direction[s] N° 187 - juin 2020