Brigitte Bourguignon, ministre déléguée à l'Autonomie
Quel regard portez-vous sur l’expérimentation ?
Brigitte Bourguignon. J’ai toujours déploré l’insuffisance de la coordination entre les secteurs sanitaire, social et médico-social pour prévenir la perte d’autonomie des personnes âgées de plus de 75 ans. Cela entraîne bien souvent des ruptures de continuité dans les prises en charge, mais aussi une forte hétérogénéité des situations selon les territoires. Je retiens de cette expérimentation Paerpa que des solutions innovantes et pratiques ont été trouvées en laissant souplesse et flexibilité aux agences régionales de santé (ARS) dans l’allocation des sommes. L’objectif était d’inciter ces dernières à davantage de convergence entre les dispositifs et d'éviter ainsi le risque de doublon dans les financements en favorisant autant que possible la subsidiarité et l’accompagnement au plus proche des personnes.
Cette expérimentation a permis le décloisonnement entre les acteurs de la santé et ceux du social et du médico-social. Elle a prouvé que l’alchimie entre ceux issus de secteurs différents est essentielle pour aller vers une préservation de l’autonomie des personnes vieillissantes.
En quoi ce bilan peut-il inspirer la future réforme de l’Autonomie ?
B. B. J'en tire de multiples enseignements, notamment celui de développer une démarche parcours pour répondre aux besoins sociaux, médico-sociaux et sanitaires des personnes âgées, avec association des usagers et d’améliorer la relation ville-établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad)-hôpital pour l’ensemble des services hospitaliers et pas seulement les urgences et la gériatrie. Il me semble aussi nécessaire de favoriser les dispositifs transitoires et interstitiels, comme la création de places de répit à domicile de nuit, en s’attachant à traiter les questions de mobilité et de motivation du personnel et de développer les dispositifs de prévention et de repérage de la fragilité. Il est important aussi de mieux associer les départements en vue de la prise en charge sociale et médico-sociale et se saisir de l’opportunité de la mise en place des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) pour approfondir la coordination entre tous les acteurs de la santé.
Tous ces constats seront au cœur des discussions du « Laroque de l’Autonomie », car ils doivent faire l’objet de réponses partagées et coconstruites entre tous les acteurs : l’hôpital, les acteurs médico-sociaux et les collectivités locales bien sûr, mais aussi et surtout les principaux concernés, les personnes âgées et leurs aidants, afin de construire un parcours qui soit le plus adapté et le plus facilitant possible.
Quelles suites pour les actions engagées avec Paerpa ?
B. B. Paerpa a posé les principes d’une nouvelle organisation du système sanitaire et social comme réponse au parcours des personnes âgées afin de préserver leur autonomie. Le gouvernement entend poursuivre cette dynamique, notamment avec l’amélioration du parcours de prise en charge à l’hôpital des personnes âgées dépendantes via l’organisation des admissions directes en service hospitalier depuis le domicile ou depuis un Ehpad. Dans le cadre du Ségur de la santé, nous allons renforcer les équipes mobiles de gériatrie pour appuyer à la fois les personnels des Ehpad et les professionnels libéraux, afin d'éviter au maximum le recours aux urgences. Ou encore expérimenter un nouveau programme de dépistage de la fragilité selon la démarche ICOPE [1], sur la période 2020-2022.
Le futur projet de loi Autonomie a pour ambition d’aller encore plus loin. Gardons à l’esprit ces chiffres : en 2025, nous aurons un million de personnes âgées de 75 ans et plus supplémentaires ; d’ici 2030 ce sera deux millions de plus. Il est donc urgent d’agir et les enseignements de Paerpa vont nous être d’une aide précieuse.
[1] Integrated Care for Older People (soin intégré pour personnes âgées), démarche conçue par l’OMS.
Propos recueillis par Laura Taillandier
Publié dans le magazine Direction[s] N° 190 - octobre 2020