Une bonne stratégie aux résultats globalement décevants. Dévoilé début janvier, le verdict de la Cour des comptes sur la politique du Logement d’abord 2018-2022, adressé par référé fin octobre à l’exécutif, n’est pas tendre. Notamment sur le manque d’ambition en matière de création de logements adaptés et sociaux. « D’autant qu’avec 90 000 nouveaux logements agréés en 2020 (contre 110 000 en moyenne), on a assisté à une chute historique de la production », rappelle le directeur de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS), Florent Gueguen. Le financement de 150 000 logements sociaux par an aurait pourtant l’avantage d’être, en plus, un levier de croissance et de création d’emplois, souligne le Collectif des associations unies.
Logement vs hébergement ?
À l’autre bout de la chaîne, « les acteurs chargés des sans domicile sont trop centrés sur l’hébergement », regrette encore la Cour qui pointe des dépenses en hausse depuis 2012. Une vision « binaire qui tend à opposer logement et hébergement », objecte Florent Gueguen : « La situation du 115 et l’accès à l’hébergement restent tendus dans certaines régions, et la situation administrative d’une partie des publics les empêche d’accéder au logement. Maintenir un parc développé est donc indispensable, l’hébergement participant de la stratégie du Logement d’abord ! » Le délégué général de l’union professionnelle Unafo, Arnaud de Broca abonde : « Il y a probablement là une question de curseur à trouver, mais le logement relève du temps long. En attendant, les avantages du logement accompagné auraient dû être davantage soulignés. » Résultat de toutes ces carences ? On est loin du changement d’échelle attendu, taclent les Sages.
SIAO, le maillon faible
En réponse, Jean Castex a assuré le service avant-vente du futur service public de la rue au logement, promis pour cette année. Un acte II du plan quinquennal qui « traduira l’engagement de l’État à installer dans la durée sa stratégie, tout en continuant à assumer ses responsabilités sur la mise à l’abri ». Parmi ses piliers ? Une gouvernance territoriale optimisée, appuyée sur une évolution des services intégrés d’accueil et d’orientation (SIAO). « On sent une volonté de reprise en main par l’État, indique Florent Guéguen. Or, outre une capacité d’innovation et d’adaptation, le pilotage associatif constitue un garde-fou quand des règles, comme l’inconditionnalité de l’accueil, sont menacées [1]. »
[1] Lire Direction[s] n° 183, p. 4
Gladys Lepasteur
Le cas de l’hébergement d’urgence
Améliorer la fluidité et maîtriser les coûts. La structuration du parc d’hébergement d'urgence se poursuit, avec l’élaboration lancée fin 2020 d’un cahier des charges. Des travaux qui inquiètent. Principal grief ? La fixation de prix de journée déconnectés des réalités de terrain et plafonnés, explique Florent Gueguen : « Le cahier des charges avance un coût à la place de 25 euros en province (34 euros en Ile-de-France). Or, sur le terrain, on est plutôt à 19 ou 20 euros en réalité ! Impossible pour les gestionnaires de mettre en œuvre les prestations demandées par le cahier de charges lui-même. Ces tarifs doivent devenir des planchers, un financement socle correspondant aux prestations socles attendues des associations. » Pour l’heure, le ministère a promis que sa diffusion était suspendue, rapporte la FAS dans l’attente d’une nouvelle réunion de travail nourrie d’une analyse des résultats de l’étude nationale de coût (ENC).
Publié dans le magazine Direction[s] N° 194 - février 2021