Les acteurs du grand âge estiment que le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) n’est pas à la hauteur, notamment face aux besoins de recrutement. Que leur répondez-vous ?
Brigitte Bourguignon. Que nous ne sommes jamais allés aussi loin pour l’autonomie ! Cette réforme porte en 2022 un effort massif de l’État, avec des mesures rapides et ambitieuses pour l’avenir. Avec 400 millions d’euros pour l’investissement dans les Ehpad, l’effort est considérable. Notre vision consiste à agir sur trois points : moderniser, médicaliser, ouvrir. Ce sont les leçons de la crise qui nous poussent dans cette direction. Concernant le recrutement, nous prévoyons d’ici cinq ans 10 000 embauches de soignants, qui s’additionneront aux 10 000 déjà réalisées. Ce mandat aura donc permis d’augmenter de 10 % les effectifs soignants en Ehpad. J’entends que les acteurs veulent davantage et, oui, il en faut ! Les 350 000 équivalents temps plein (ETP) du rapport El Kohmri sont constitués pour la grande majorité de remplacements de personnes quittant le secteur ou de postes non pourvus pour des raisons d’attractivité, outre les départs en retraite. « Gouverner c’est choisir », alors oui, nous avons choisi de nous attaquer d’abord à l’absentéisme et au turn-over. C’est pourquoi, avec le Ségur de la santé, nous avons aussi revalorisé le salaire des personnels. Créer des postes sans les pourvoir, ou sans que les professionnels n’y restent plus que quelques mois, ne sert à rien.
Et pour le domicile ?
B. B. C’est mon deuxième pilier d’action. Grâce au tarif plancher national et à l’avenant 43 à la convention collective de la branche, nous renforçons les services et revalorisons massivement les carrières pour susciter des vocations vers ces métiers du lien. Nous avons aussi amplifié la formation en finançant 12 000 nouvelles places et en déverrouillant les possibilités d’apprentissage. Enfin, nous avons lancé en septembre une campagne de communication pour améliorer l’image de ces métiers. Quelle a été la réaction des acteurs du domicile ? Ils sont reconnaissants, car cela faisait près de 20 ans qu’ils attendaient cela !
Beaucoup déplorent l’abandon du projet de loi qui aurait permis d’aborder les enjeux de citoyenneté ou de gouvernance…
B. B. Nous avons répondu en priorité aux attentes du secteur, qui nous demandait des moyens et vite ! Le PLFSS était un vecteur puissant, rapide et efficace. Il permettra un débat parlementaire qui enrichira le texte d’ici à la fin de l’année. Sur la gouvernance, nous travaillons à structurer une politique territorialisée de lutte contre l’isolement et à valoriser la feuille de route, en grande proximité avec les collectivités, en particulier avec les départements. Les acteurs du terrain souhaitent de la coconstruction. Pour cela, il nous fallait en parler avec eux. Enfin, sur la citoyenneté, nous avons déjà fait beaucoup pour renforcer le lien intergénérationnel avec la création de 6 000 services civiques jeunes/seniors (10 000 à terme) ou encore avec l’accélération des jumelages entre Ehpad et établissements scolaires. La Semaine bleue 2021 a été aussi l’occasion d’un appel aux solidarités entre générations mises à mal ces dernières années.
Au gré des quinquennats, la grande loi Dépendance promise par les gouvernements successifs n’aboutit jamais. Comment l’expliquer alors que le choc démographique appelle une réforme de fond ?
B. B. Nombreux sont ceux qui ont promis un « grand soir » de l’autonomie. Mais aucun n’a fait autant que le gouvernement actuel. 2,8 milliards d'euros de revalorisations salariales pour les métiers du grand âge et de l’autonomie depuis 2020, c’est inédit. 2,1 milliards d’euros pour moderniser en profondeur les Ehpad sur cinq ans, c’est une multiplication par quatre du rythme d’investissement de l’État. L’indemnisation du congé proche aidant est désormais un acquis social. La réforme du grand âge était une priorité, c’est désormais une réalité. C’était une obligation.
Propos recueillis par Laura Taillandier
Publié dans le magazine Direction[s] N° 202 - novembre 2021