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Addictologie
S’armer pour l’après

21/04/2021

Téléconsultations, équipes mobiles, partenariats avec le secteur de l’hébergement… Les acteurs de l’addictologie ont multiplié les adaptations depuis le début de la crise sanitaire. Des initiatives qu’ils souhaiteraient voir soutenues à l’aune de la hausse des sollicitations liées aux conduites addictives durant la pandémie.

La crise sanitaire dans le secteur de l’addictologie ? « Une opportunité », répond instinctivement David Gautré, responsable de service du centre d'accueil et d'accompagnement à la réduction de risques pour usagers de drogues (Caarud) Axess, à Montpellier. « La période nous force à nous recentrer sur nos missions fondamentales et notre expertise est mieux reconnue », explicite-t-il. 

Pour parvenir à ce constat, les structures ont d’abord dû faire face à de nombreuses difficultés : contact compliqué avec les personnes, gestion ardue des ressources humaines  (réaffectation de personnels vers le milieu hospitalier notamment), baisse d’activité, locaux peu adaptés aux contraintes sanitaires… Et comme d’autres secteurs, l’addictologie n’a pas tout de suite été dans le viseur des autorités. Conséquences ? Un accès problématique au dispositif de garde d’enfants pour les équipes, une participation inégale aux instances de concertation territoriales ainsi qu'une fourniture difficile en équipements de protection individuelle. « Le premier confinement a été le déclencheur, il a fallu s’adapter », résume David Gautré.

Des sorties de radar

« Nous avons atteint notre objectif : maintenir un service pour les usagers. Ce qui a impliqué une réorganisation inédite pour les Caarud et les centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie (Csapa), dans le repérage des publics et dans le suivi », développe Laurène Collard, responsable de pôle à la Fédération Addiction. Une adaptation à diverses échelles. Ainsi, les Csapa ont dû déployer la téléconsultation, s’adapter aux suspensions des activités extérieures et collectives, quand les Caarud ont maintenu la distribution de matériels de réduction des risques et des dommages (RDRD) et développé de nouveaux modes d’intervention : équipes mobiles, drive sur des parkings…

C’est cette dernière option qu'a retenu celui de Saint-Brieuc (Côtes-d'Armor). « C’était ça ou on fermait le service », résume Éric Pasquet, responsable régional de l’association Addictions France. Un moyen de conserver un lien, même sommaire, avec la personne, et d'assurer la continuité des soins, mais qui a ses limites. Avec la crainte de la contamination ou la limitation des déplacements, la structure a perdu de vue des usagers. « En temps normal, nous les apprivoisons – et réciproquement – le temps d’un café dans nos locaux. C’est une confiance longue à gagner. Il faut voir comment, eux et nous, nous releverons de tout ça », souligne Éric Pasquet. Des sorties de radar qui font craindre une hausse des prises de risque dans la consommation. « Une partie du public n’a pas eu accès aux soins ambulatoires et on ne mesure pas encore l’impact pour la suite. Ces personnes ont-elles renoncé ? Ont-elles été réorientées ? », interroge Nelly David, directrice générale d’Addictions France.

Le numérique comme béquille…

Le développement de l’usage des réseaux sociaux et des téléconsultations ont permis néanmoins la construction d’une première digue. « Il y a un an, jamais je n’aurais pu imaginer ça ! Nous ne savions tout simplement pas faire », concède Éric Pasquet. Des pratiques permettant aussi de capter un nouveau public, comme au comité départemental de prévention en alcoologie et addictologie (CDPA) de Moselle, dont le centre de prévention a dû réduire de moitié ses interventions. « Nous n’avions plus le moyen de rencontrer les jeunes afin de les orienter vers des consultations individuelles, témoigne Bastien Léget, son responsable. La crise nous a fait nous rendre compte de notre retard numérique. Nous essayons d’être beaucoup plus présents sur Internet, mais transformer l’essai sans le contact humain reste compliqué. La crise a mis à mal ce lien : comment basculer la prise de contact en un suivi individuel ? »

D’autant que l’usage de télécommunications a aussi ses limites du côté des équipes. « Cela a été très difficile. En télétravail, les professionnels du Csapa ont eu le sentiment de porter à bout de bras, par téléphone, des gens qui auraient nécessité d’être orientés vers des relais en santé mentale fermés avec l’épidémie. » Si, aujourd’hui, un roulement en présentiel a été mis en place, la visio représente encore 50 % de l’activité. Ce qui nécessite selon les acteurs d’investir d’urgence dans la transformation numérique d'un secteur qui cumule les retards. « Pour l’instant, le plan numérique ne vise que les champs des personnes âgées et handicapées. Ce sera un des enjeux pour la suite », souligne Nelly David.

… et l’aller-vers comme boussole

Autre enjeu : capitaliser sur la démarche d’aller-vers qui a connu un essor massif en 2020, avec notamment la création d’équipes mobiles. « Nos voulions les développer depuis longtemps. Leur utilité n’a été que confirmée par la crise », acquiesce Michelle Dolou, directrice adjointe Prévention et promotion de la santé à l’agence régionale de santé (ARS) de Bretagne, qui va financer trois équipes territoriales d’intervention addiction. « Cela répond à un besoin profond : aller vers de nouveaux publics. Beaucoup de personnes orientées vers nos structures ne viennent pas. Cela nous permettra aussi de nous faire connaître », abonde Éric Pasquet, dont le projet a été sélectionné. Autonome mais hébergée par le Csapa, cette équipe, qui bénéficiera d'un infirmier et d'un travailleur social à temps plein, aura pour première mission de créer un réseau de professionnels en lien avec la médecine de ville et les structures sociales du territoire.

Pérenniser les partenariats noués avec le secteur de l’hébergement figure également sur la liste des attentes. « Notre pôle hors centre a connu un fort développement. Les  conventions et collaborations existantes ont pris une autre dimension, témoigne David Gautré. Nous participons désormais tous les 15 jours aux tournées du Samu social et sommes sollicités par les acteurs de l’hébergement d’urgence pour les aider à encadrer les usages. » Une évolution permise après une note de la Délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (Dihal) intimant les structures à autoriser la consommation d’alcool et que beaucoup voudraient voir perdurer. Un vœu bientôt exaucé ? « Nous travaillons avec la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Midelca) pour bâtir un appel à manifestation commun, explique Sylvain Mathieu, le délégué interministériel. On a vu combien une politique de réduction des risques devait être intégrée dans la réponse des structures. »

Le spectre de l’après-crise

Pour poursuivre ces partenariats, il faudra mettre les moyens, préviennent les acteurs. « On ne pourra pas maintenir notre accueil collectif et notre engagement à l’extérieur à budget constant », illustre David Gautré. « Le secteur est sous tension sous l’effet de plusieurs facteurs, appuie Laurène Collard. L’augmentation des sollicitations par l’entourage, l’orientation de l’hôpital vers le médico-social ambulatoire avec la médecine de ville en première ligne, mais aussi des problèmes RH avec des professionnels cas contact, sans oublier la revalorisation salariale dans l’hospitalière issue du Ségur de la santé qui complique notre faculté à recruter. » 

Une tension qui risque de monter d’un cran avec la hausse des pratiques addictives. Selon une étude publiée en avril [1], la consommation de tabac, cannabis, anxiolytiques et somnifères a bondi de plus de 30 % depuis le début de l’épidémie. « On constate en 2021 une augmentation de l’aide psychologique sur 15 % de nos structures », ajoute Nelly David, qui plaide pour un plan de développement des compétences des professionnels devant la complexification des accompagnements. « Burn-out, peur de perdre son emploi, les nouvelles demandes en lien avec le travail vont croissant. La fragilisation du tissu économique nous ramène mécaniquement plus de publics…, relève Bastien Léget. Nous n’avons pas fini d’en voir le bout. »

[1] Enquête BVA-Addictions France, réalisée du 15 au 24 février 2021 auprès de 2001 personnes âgées de 15 ans et plus.

Laura Taillandier

« Des remises à la rue sans suivi »

Patrick Véteau, directeur de l’association L’Atre, à Lille

« En 2020, notre Csapa avec hébergement pour anciens détenus a connu une baisse d’activité de 60 %, liée aux sorties anticipées pour faire de la place dans les prisons. Faute de relais humain du côté de l’administration, tout un public potentiel n’a pu être accueilli ! Je crains des situations catastrophiques pour les personnes remises à la rue hors des radars faute de suivi… Nous avons néanmoins su nous adapter en conservant ces places dans l’éventualité d’un isolement pour cause de contamination. Nous avons un fonctionnement assez "cocoon". L’impossibilité de sortie n’a pas été trop mal vécue. Ce qui pèse le plus, ce sont toutes les activités (sport, culture), des bouffées d’oxygène, qui ne sont toujours pas possibles et des projets de soins, trop longs à aboutir, ont été abandonnés. Point positif ? Nous avons développé des entretiens téléphoniques préalables en lien avec l’administration pénitentiaire. Une avancée importante ! »

Repères

  • 75 % des sondés ayant accru leur consommation de substances psychoactives estiment que c’est en raison de leurs conditions de travail. (enquête Ipsos/Midelca, septembre 2020)
  • « Le confinement a contraint les établissements médico-sociaux à se concentrer sur certaines missions. La plupart des prestations (douches, machines à laver, permanence sociale, dépistage) ont souvent été réduites ou suspendues. » (Observatoire français des drogues et des toxicomanies)
  • 12,7 millionsd'euros de crédits sont prévus pour moderniser les Csapa et Caarud. (mesure 27 du Ségur de la santé)

Publié dans le magazine Direction[s] N° 197 - mai 2021






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