Pourquoi vous est-il apparu nécessaire de revoir les relations de travail qui unissent la CNSA, les ARS et les départements ?
Virginie Magnant. Nous avions d’abord la conviction que la création de la 5e branche ne se résume pas à un simple changement de posture de la CNSA en tant que caisse nationale, mais qu’elle embarque tous les partenaires que sont les ARS, les conseils départementaux (CD), les maisons départementales des personnes handicapées et de l’autonomie (MDPH/MDA). C’est donc ensemble qu’il nous faut travailler l’accroissement des missions et des responsabilités. En outre, nous avions aussi l’intuition que le mode de relations mis en place depuis une quinzaine d’années, trop en silos, devait évoluer. En effet, le nouveau fonctionnement de la branche nécessite de conforter les acteurs territoriaux et de trouver des modalités d’organisation et de pilotage permettant une relation plus trilatérale.
Les CD et ARS ont-ils confirmé ce diagnostic durant la phase préliminaire de travaux qui ont duré un an ?
V. M. Absolument. Ils ont par ailleurs partagé leurs attentes vis-à-vis de la nouvelle posture de la CNSA, en plaidant notamment pour plus d’appui, de transparence, ou encore de transversalité. Et c’est sur cette base partagée que nous avons lancé le chantier de coconstruction dont l’aboutissement est le cadre de coopération présenté le 16 novembre.
Cette charte de fonctionnement de la branche rappelle d’abord de grands principes. Pourquoi était-ce important ?
V. M. Pour réaffirmer notre culture commune. Ce n’est pas tous les jours que se crée une nouvelle branche de Sécurité sociale, a fortiori aussi singulière ! Il nous fallait donc réaffirmer ce qui nous rassemble au sein de ce document. À savoir d’abord des valeurs fortes, comme le partenariat, la cohérence, la transparence ou encore l’efficience… Mais aussi la confiance : entre les acteurs dans les territoires, d’abord, mais aussi de la CNSA vers ces acteurs. C’est essentiel, comme l’a montré l’analyse comparative que nous avons menée sur la gouvernance des politiques de l’autonomie dans d’autres pays européens (Allemagne, Royaume-Uni et Suède). Leur point commun ? La forte territorialisation de leur organisation qui implique que l’échelon national laisse des marges de manœuvre et soit confiant dans la capacité du local à trouver des solutions. La territorialisation est d’ailleurs l’un de nos six principes d’action essentiels.
Quels sont les autres ?
V. M. Outre la volonté de « mieux se connaître » ou encore d’œuvrer à la coordination, certains reviennent sur les attentes exprimées par les ARS et les CD vis-à-vis de la CNSA. Comme le principe de partage des données que nous collectons pour une meilleure connaissance des besoins et de l’offre, ce qui nécessite notamment de promouvoir l’interopérabilité de nos systèmes d’information. Autre principe d’action ? La mesure de notre impact. Piloter l’efficience requiert pour cela de construire des indicateurs, et en particulier de satisfaction des usagers, pour évaluer l’efficacité et l’efficience de la branche. Enfin, dernier principe, celui de la simplification. Nous nous engageons à promouvoir des modes de travail facilitant la vie des personnes et des professionnels, mais aussi, quand les cartes ne sont pas entre nos mains, à recueillir du terrain les difficultés posées par la complexité des dispositifs afin de suggérer à l’État des évolutions législatives et réglementaires. Ces valeurs et ces principes sont mis au service de nos onze objectifs stratégiques qui découlent de notre convention d’objectifs et de gestion 2022-2026, déjà validée par l’État et notre Conseil.
Concrètement, quelles évolutions opérationnelles sont envisagées ?
V. M. L’idée est de voir, à cadre réglementaire et législatif constant, comment promouvoir les coopérations, « désiloter » notre action et ainsi organiser du multilatéralisme. Nous proposons d’abord de rénover le cadre de conventionnement qui nous unit aux ARS d’un côté et aux CD de l’autre pour aller, à horizon 2024, vers un instrument rénové et multipartite qui nous liera tous en même temps, MDPH et MDA comprises. Nous proposons par ailleurs aux ARS et aux CD de travailler des feuilles de route départementales au sein d’instances territoriales de l’autonomie, également chargées d’en suivre la mise en œuvre. Ces dernières, qui deviendront le lieu unique de travail en commun sur les territoires, n’ont toutefois pas vocation à se superposer à l’existant : tous les sujets pourront y être examinés, parfois pour le compte des instances déjà prévues par les textes (conférences des financeurs de la prévention, celles sur l’habitat inclusif…). De son côté, la CNSA s’engage à rénover la production et le partage des données afin d’aider les territoires à mesurer l’impact de ce qui y est travaillé au service de l’amélioration du quotidien des personnes. Tout cela donnera lieu à des rapports départementaux, qui viendront enrichir de futures synthèses nationales.
Faut-il voir dans le déploiement de la nouvelle identité commune de la branche, dévoilée le 16 novembre, un acte fort de cette nouvelle ère ?
V. M. Absolument. Car améliorer le service rendu aux personnes, objectif stratégique de la branche, c’est aussi le rendre plus lisible en s’identifiant tous comme acteurs du service public de l’autonomie sur les territoires. Certes, nous assumons notre singularité de branche, composée d’acteurs qui ont des objets plus larges que le seul déploiement des politiques de l’autonomie. Mais, pour autant, cela ne doit pas nous exonérer de notre responsabilité : progresser en matière de lisibilité et donc d’effectivité des droits.
Propos recueillis par Gladys Lepasteur
Publié dans le magazine Direction[s] N° 214 - décembre 2022