Davantage de visites inopinées dans les Ehpad : c’est un des leviers identifiés mi-février par la ministre déléguée à l'Autonomie dans le cadre de discussions avec les acteurs du grand âge afin d'éviter une nouvelle affaire Orpéa. Le livre Les fossoyeurs [1], qui fait état de maltraitance dans des établissements du groupe, « interroge le système actuel de supervision, de contrôle et d'inspection », a reconnu la directrice générale de l'agence régionale de santé (ARS) d'Île-de-France, auditionnée à l'Assemblée nationale, le 9 février. Amélie Verdier entend déjà booster les inspections surprises, qui représentent pour l'instant entre 20 à 25 % de celles menées par l'agence.
Des trous dans la raquette
Entre trois et cinquante contrôles par an en fonction des territoires : ce n'est pas suffisant, juge la Défenseure des droits [2] qui les voudrait plus « réguliers et suivis d’effets dans un délai raisonnable ». Pour y parvenir, l'institution recommandait en mai 2021 au ministère de la Santé une plus grande coordination entre les ARS et les conseils départementaux, via l'élaboration d'un référentiel commun.
Si l'Assemblée des départements de France (ADF) souhaite participer à l'effort, elle rappelle que les collectivités ne peuvent diligenter d'inspections dans les structures autorisées conjointement avec l’ARS sans l’accord ni la présence de cette dernière. D'où sa requête de pouvoir créer des unités capables de lancer des enquêtes dans les établissements publics et privés. D'autant que les 900 réclamations reçues en six ans par le Défenseur des droits émanent d'Ehpad publics à 45 %, associatifs à 30 % et lucratifs à 25 %.
Un coup d'épée dans l'eau ?
Un renforcement plébiscité par le syndicat d'établissements privés Synerpa, qui souhaite que leurs résultats soient « mutualisés dans une base de données, gérée par un acteur unique ». « C'est un coup d'épée dans l'eau » pour le président de l'association AD-PA : « Tous ces contrôles seront sans effet tant que les moyens alloués aux structures ne seront pas suffisants. D'autant qu'ils sont effectués par l'État et les départements qui sont les financeurs », pointe Pascal Champvert. Pour qui ce rôle devrait incomber à une « institution indépendante pour évaluer aussi la pratique des autorités et surtout rendre publics les résultats, comme le Défenseur des droits ». Une mission qu’il assure déjà, rappelle ce dernier, sans pour autant communiquer de données précises.
Une nouvelle instance ?
Faut-il une autre instance ? C’est le point de vue de Laurent Garcia, cadre infirmier à l’origine de l’enquête Les Fossoyeurs, qui va lancer un observatoire du grand âge, sur le modèle du contrôleur général des lieux de privation de liberté. Objectif : répondre à l’enjeu de transparence vis-à-vis des familles. Sur ce point, la réforme de l’évaluation devrait aussi apporter sa pierre à l’édifice. « Nous avons prévu des rapports suffisamment détaillés pour les professionnels, et avec aussi des radars sur les niveaux de qualité pour que le grand public s’y retrouve », souligne Véronique Ghadi, directrice de la qualité de l’accompagnement social et médico-social de la Haute Autorité de santé (HAS). Des modalités qui, si elles sont précisées par décret, répondent aux recommandations du Défenseur des droits.
[1] De Victor Castanet, Fayard, janvier 2022
[2] Tchat du Monde avec Claire Hédon, la Défenseure des droits, 31 janvier 2022
Laura Taillandier
« L'évaluation, un dispositif bien distinct »
Véronique Ghadi, directrice de la qualité de l'accompagnement social et médico-social à la HAS
« L'évaluation, plus en amont que le contrôle, est un soutien aux professionnels mobilisés au service d’une amélioration en continu de l’accompagnement. La démarche que nous avons construite avec l’ensemble des fédérations et associations est nationale, centrée sur les personnes et s’applique à tous les établissements et services. Le rôle de la HAS est d’en être le garant. La publication du référentiel et du manuel, prévue en mars, permettra aux structures d’impulser le travail sur les attendus, de s’en saisir pour interroger leurs pratiques et d'identifier les axes d’amélioration. En revanche, nous attendons d’y voir plus clair quant à la base légale nécessaire au cahier des charges pour l’accréditation par le Comité français Cofrac, sur laquelle nous avons travaillé à la demande du gouvernement et qui permet de répondre favorablement à la notion d’indépendance demandée entre le lien évaluateur/évalué. »
Publié dans le magazine Direction[s] N° 206 - mars 2022