Quel est l'enjeu de la réforme du financement des services de soins infirmiers à domicile (Ssiad) et polyvalents d'aide et de soins à domicile (Spasad) ?
Vincent Vincentelli. L’idée est de déterminer une part variable tenant compte de la complexité des soins. La première étape est d'affiner le modèle tarifaire d’ici à l’automne, sur la base des recueils de données auprès des structures, pour une entrée en vigueur progressive à partir de 2023. Le soin à domicile est le parent pauvre. Il est nécessaire de transformer l'offre, mais il faut plus qu’une formule de calcul. La campagne budgétaire pour 2022 ne prévoit que six millions d’euros pour la dotation qui doit permettre de coordonner l’aide et le soin dans les Spasad. C'est insuffisant surtout si on veut généraliser le modèle des Spasad intégrés, via les nouveaux services Autonomie.
Où en est-on justement dans la construction de ses services ?
V. V. Le programme de l'administration est intéressant : des rencontres à l’été sur le terrain, puis le démarrage en septembre du travail sur le cahier des charges, à finaliser avant juin 2023. Un chantier de fond est à ouvrir sur la structuration avant de se pencher sur les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM), les missions… Car pour continuer à exister, les Ssiad vont devoir se réorganiser et développer une activité d’aide. Les enjeux sont nombreux.
Quels sont ces défis ?
V. V. Les Ssiad vont devoir demander une autorisation aux départements : ces derniers seront-ils enclins à créer de nouveaux services ? Et comment se rapprocher d’autres structures ? Fusion ? Transformation d’activités ? Groupements ? Sachant que les statuts peuvent être différents et que l’offre n’est pas homogène sur le territoire… C’est donc un chantier colossal pour aller vers des services plus professionnels, répondant mieux aux besoins des publics dans le cadre du virage domiciliaire. Là encore, pour ne pas avoir qu'un beau concept, il faut des moyens et voir comment la nouvelle branche va accompagner cette transformation. Les retours d’expériences sur la dotation complémentaire des services d'aide et d'accompagnement à domicile (Saad) permettront aussi d'alimenter les contours du cahier des charges.
Comment se traduit la mise en œuvre de cette dotation et du tarif plancher ?
V. V. Il faut voir comment vont fonctionner ces mesures d'équité. Le décret sur la compensation, fondé sur le nombre d’heures d’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et de prestation de compensation du handicap (PCH) à l'automne 2021, ne vaut que pour 2022. La dotation complémentaire est facultative. Les départements volontaires publieront un appel à candidatures annuel jusqu’en 2030. Cela signifie-t-il que les services ayant refusé le CPOM ne pourront plus "faire" de l'APA et de la PCH après cette date ? Si la dotation est généralisée, est-ce un nouveau système de tarification pour les non tarifés ? L'enveloppe n’étant pas plafonnée, les départements pourront avancer à leur rythme. Comme la qualité de vie au travail (QVT) est l'un des critères, il leur sera compliqué de ne pas s'engager au vu de la sinistralité du secteur et du manque d’attractivité. C'est l'enjeu principal si l’on veut que les services réussissent leur mue.
Des réformes structurelles sont également nécessaires comme la création du système d’information de l’APA, inscrit dans la loi de finances, ou l'éclaircissement de la question du reste à charge. Si les non tarifés doivent le limiter pour accéder à cette dotation, aucune grille nationale n'a été fixée. Le secteur non lucratif, public ou privé, est le seul à avoir aussi bien des structures tarifées que non selon les pratiques de chaque département. Ce problème de fond, source d'inégalité, nécessite une loi Autonomie.
Propos recueillis par Laura Taillandier
Publié dans le magazine Direction[s] N° 210 - juillet 2022