Avez-vous été associés à l’élaboration, comme l’assure le Gouvernement ?
Corinne Benzekri. Nos organisations ont travaillé pendant des mois avec le ministère et la Direction générale de la cohésion sociale. Jusqu’en février 2023, où plus rien – hormis une réunion en juin où seules les orientations nous ont été présentées, sans possibilité d’échanges. Il a fallu attendre le 6 octobre pour découvrir son contenu qui omet nombre de nos demandes ! Et pas un mot sur l’enveloppe globale allouée, ce qui donne une impression d’opacité. Résultat ? On ne sait toujours pas, à moyen et long termes, ce que le pays entend faire pour les aidants et les personnes vulnérables dont ils s’occupent. Il y a pourtant urgence tant la souffrance est grande.
Comment jugez-vous la mobilisation nationale ?
C. B. Les 11 millions d’aidants réclament d’abord une reconnaissance. Leur donner des jours de congé supplémentaires, via une recharge de leurs droits à l’allocation journalière AJPA, va certes répondre à certaines situations, mais pas à celles des retraités, par exemple. Même chose pour la nouvelle assurance vieillesse : on parle là de l’octroi de quelques trimestres à des personnes qui n’ont parfois pas travaillé pendant quinze ans. En outre, que signifie la création de 6 000 places de répit pour une personne résidant dans un territoire dépourvu d’offre ?
La priorité est de construire un parcours de l’aidance, doté de solutions personnalisables pour leurs proches et d’un vrai maillage territorial. Les aidants doivent pouvoir exercer leur citoyenneté, prendre soin de leur santé et concilier leur vie de parents, d’aidant, d’actif... Autres enjeux ? Le manque d’accès à l’information, souvent source de renoncement aux droits. À voir ce qu’il sortira du guichet unique prévu dans le cadre du service public départemental de l’autonomie.
Les associations doivent-elles aussi être étayées ?
C. B. Leur reconnaissance et celle de l’aidance sont liées. La pérennisation de leurs services, fréquemment déployés sous forme de structures expérimentales, est en jeu. Elles sont trop souvent contraintes de se battre pour obtenir des crédits pour six mois ou un an. À croire que les besoins, eux, sont temporaires ! Cette incertitude renforce chez les aidants le sentiment de non-prise en compte de leurs besoins.
Propos recueillis par Gladys Lepasteur
Publié dans le magazine Direction[s] N° 224 - novembre 2023