Près de deux ans après la Conférence des métiers consacrant la reconnaissance des professionnels du social, le secteur n’en finit plus d’alerter face à la crise qu’il traverse. Signe des temps ? Les trois cents témoignages collectés en décembre, « en seulement quelques jours », par l’union nationale Uniopss parmi les acteurs de terrain des solidarités et de la santé, inquiets pour la pérennité de leurs organisations. Des craintes portant sur le recrutement, l’état d’épuisement des équipes, le financement des organisations et les conséquences délétères sur l’accompagnement. « Jusqu’à quand allons-nous accepter de prendre autant de risques au quotidien pour assurer la continuité des accompagnements ? » a ainsi résumé l’un des répondants.
Difficile désormais de prétendre qu’on ne savait pas. Quelques jours plus tôt, le diagnostic du Haut conseil du travail social (HCTS), formalisé au sein d’un Livre blanc, avait déjà rappelé les enjeux. Parmi les pistes d’action ? Le lancement de réflexions sur les ratios d’encadrement, la révision des modes de financements des structures, la réaffirmation des fondamentaux du travail social (aller-vers, pouvoir d’agir…) ou encore l’évolution des organisations rendues plus participatives. Priorité des priorités : la revalorisation des salaires, qui passe notamment par un soutien fort de l’État en faveur de la convention collective unique en construction. « Sans attractivité, si ce n’est parfois sans dignité des rémunérations, nous ne réussirons pas […] à répondre à la demande sociale existante », a prévenu le président du HCTS. La réponse de la ministre Aurore Bergé a aussitôt provoqué la colère. « On nous renvoie à la négociation, en nous demandant de discuter sans savoir de combien on dispose ! s’agace Alain Raoul, président de l’organisation patronale Nexem. Au printemps 2023, nous avons chiffré à 3 milliards les crédits nécessaires et depuis, nous n’avons eu aucun retour. Le secteur a besoin de signaux positifs : l’État pourrait favoriser les négociations en s’engageant clairement à nous accompagner via une enveloppe précise. »
Quelle trajectoire ?
L’heure est donc aux actes, ont fait valoir les acteurs début décembre. Et peu de chances pour que la création confirmée d’un prochain Institut du travail social et d’une délégation interministérielle aux métiers du social, du médico-social et du soin suffise. « Ces espaces de réflexion sont certes bienvenus mais s’intègrent-ils dans une trajectoire claire assortie d’engagements pluriannuels ? interroge Nathalie Latour, directrice générale de la Fédération des acteurs de la solidarité. Un changement systémique est nécessaire dans le pilotage des politiques publiques qui manquent de prévisibilité et d’indicateurs pertinents d’évaluation de la qualité du travail réalisé. » Étape incontournable, attendue des acteurs : la mise en place du très attendu comité des métiers promis par Jean Castex en son temps.
Gladys Lepasteur
Publié dans le magazine Direction[s] N° 226 - janvier 2024