Après le CIE du 30 novembre, le secteur attend toujours la programmation de mesures concrètes, assortie de financements suffisants.
Présenter un plan 2024-2027 de lutte contre les violences faites aux enfants en esquissant tout juste un volet « enfance protégée » constituait un exercice périlleux, tant la protection de l’enfance suscite une série d’alertes depuis plusieurs mois. Mi-novembre, une trentaine de personnalités du secteur, de l’ancien juge des enfants Jean-Pierre Rosenczveig à la présidente du Conseil national de la protection de l’enfance, Anne Devreese, se sont même unies pour réclamer un plan Marshall face à la « crise inédite » du champ. Sans surprise donc, les annonces du troisième Comité interministériel à l’enfance (CIE) du 20 novembre ont, au mieux, laissé les uns sur leur faim. Et, au pire, suscité la colère des autres.
Scolarité, santé, jeunes majeurs
Au menu, trois grandes mesures : l’élaboration d’une feuille de route pour la scolarité protégée, avec la désignation de référents au sein de l’aide sociale à l’enfance (ASE) et de l’Éducation nationale, ainsi que la généralisation en 2025 des programmes Santé protégée et Pégase [1] renforçant le suivi en santé des enfants confiés. Sans compter le déploiement cette année d’un « pack jeunes majeurs », constitué notamment d’un « coup de pouce » de 1 500 euros (début 2026 au plus tard). Visiblement mal préparée, cette refonte des modalités de versement du pécule destiné aux jeunes majeurs de l’ASE a mis le feu aux poudres. Face à la « sidération » du collectif Cause Majeur !, inquiet des « trop nombreuses zones d’ombre », la secrétaire d’État Charlotte Caubel, également accusée par le militant des droits de l’enfant Lyes Louffok sur X (ex-Twitter) de vouloir « faire les poches aux enfants placés », a dû rectifier le tir en annonçant la tenue d’un « travail collaboratif » sur ce dispositif, censé être « universel, plus accessible ».
Si la Première ministre a aussi prévu la reconduction de la contractualisation États-départements, avec un doublement de l’enveloppe dédiée aux enfants protégés en situation de handicap, l’ensemble n’a pas non plus convaincu l’Assemblée des Départements de France (ADF). Sa vice-présidente en charge de l’enfance, Florence Dabin, a fait part de sa déception face à des mesures « insuffisantes pour assurer le développement des enfants avec de multiples fragilités et leur construire un vrai projet de vie ».
Calendrier et financement
« Nous n’avons pas été déçus par ces annonces, temporise Pierre-Alain Sarthou, directeur général de la convention des associations Cnape. En revanche, nous sommes dans l’attente concrète du calendrier et du financement. » De son côté, le président de l’union nationale Uniopss indique attendre « une stratégie claire prenant en compte la situation critique des associations, qui n’ont pas à porter le poids de bien ou mal accueillir » [2].Et prévient : « Il faut arrêter de les considérer comme sous-traitantes, alors qu’elles mettent en œuvre la grande majorité des mesures. »
Annoncée en novembre, la « mobilisation générale pour l’enfance protégée » s’est finalement traduite par la création d’une « instance de dialogue » installée le 12 décembre par Charlotte Caubel et le président de l’ADF. Au menu : cinq chantiers, dont l’attractivité des métiers et la prise en charge des mineurs non accompagnés. Les gestionnaires devraient y être associés via des « groupes de travail paritaires » et « les instances de gouvernance locale ». Conclusion des travaux ? Fin du premier semestre.
[1] Lire Direction[s] n° 214, p. 10
[2] Lire Direction[s] n° 224, p. 18
Laetitia Delhon
Publié dans le magazine Direction[s] N° 226 - janvier 2024