Adrien Rivière, chargé de mission Plaidoyer à Coorace.
Perfectible, le bilan de l’insertion par l’activité économique (IAE) montre tout de même des améliorations. Un effet du Pacte ?
Adrien Rivière. Probablement, même si, avec 100 000 emplois supplémentaires attendus, ses objectifs étaient ambitieux. Si le nombre de structures d'IAE (SIAE) a augmenté, cela n’a pas été le cas des bénéficiaires en raison, notamment, de la crise sanitaire et de la crainte des acteurs d’un énième Stop and go des pouvoirs publics. Par ailleurs, avec la baisse du chômage, les personnes recrutées sont de plus en plus éloignées de l’emploi, ce qui complique l'accompagnement. La mission invite d’ailleurs à les cibler mieux encore, en particulier les demandeurs d’emploi de longue durée et les bénéficiaires du RSA que l’État entend mieux accompagner dans le cadre de France Travail. L’Inspection générale des affaires sociales (Igas) semble toutefois vite écarter l’idée d’un cumul de l’allocation avec un salaire d’insertion. Or, la perte de certains droits connexes qu’entraîne l’entrée en parcours reste un frein.
L’Igas appelle à revoir les aides au poste. Un sujet épidermique ?
A. R. Leur généralisation en 2014 s’est accompagnée d’une reconduction des financements, pérennisant ainsi certaines situations compliquées. L’idée de l’Igas ? Mieux objectiver leurs efforts d’accompagnement social ou de formation, en portant à 30 ou 40 % la part modulable, aujourd’hui limitée à 10 %. Intéressante, cette piste est loin d'être sans risque pour les gestionnaires dont les enveloppes pourraient varier fortement d’une année à l’autre ! Attention donc aux approches basées uniquement sur les chiffres.
Votre demande de voir doublée le soutien aux associations intermédiaires (AI) est-elle reprise [1] ?
A. R. Non, et c’est incompréhensible. Doté d’un fort maillage sur des territoires souvent économiquement déprimés, le seul à accompagner une majorité de femmes et beaucoup de publics dits invisibles, à faire autant de lien social… La spécificité de ce modèle est pourtant largement reconnue dans le rapport. Le renforcer ne coûterait pas si cher : 30 millions sur le budget d’un milliard d’euros consacrés aux aides au poste !
Autre casus belli, le sort des ateliers et chantiers d’insertion (ACI). Pourquoi vous inquiéter d’un frein à leur développement ?
A. R. Le rapport confirme la tendance déjà constatée : leur déploiement semble freiné pour favoriser celui des entreprises d’insertion (EI). On sait que coexistent deux modèles dans le secteur, qui dépassent la question du statut : l’un non marchand, majoritairement porteur d’AI et d’ACI, et un autre plus entrepreneurial, souvent gestionnaire d’EI et de travail temporaire (ETTI) – implicitement appuyé par les pouvoirs publics, comme on a pu le voir avec le Pacte ETTI. Ce choix doit pouvoir être discuté et évalué. Partisan d’un « mix » raisonné, nous prônons une IAE plurielle au service des parcours.
L’évaluation n’est-elle pas justement à parfaire ?
A. R. Absolument, la pertinence des indicateurs est ainsi interrogée. L’IAE souffre aussi d’un déficit de pilotage : depuis la disparition du conseil national CNIAE, il n’existe plus d’espace de débat permettant aux réseaux de porter des sujets communs, comme le suggère la mission. C’est d’ailleurs ce qu’ils ont initié, en décidant de rendre une contribution commune à l’Etat, désireux de travailler sur les difficultés identifiées.
Quel est leur objectif à plus long terme ?
A. R. De peser, en s’accordant sur le plus petit dénominateur commun - que nous espérons le plus grand possible : quelles actions demain ? quelle vision politique ensemble ? L’idée est de reprendre la main, en rappelant que l’IAE n’est pas juste un outil au service du ministère du Travail, mais des acteurs décidés à se faire entendre.
L’insertion par l’activité économique : état des lieux et perspectives, décembre 2022, sur www.igas.fr
[1] Lire Direction[s] n° 210, p. 4-6
Propos recueillis par Gladys Lepasteur
Publié dans le magazine Direction[s] N° 217 - mars 2023