« ll faut une reconnaissance des technicités des métiers » (Evanne Jeanne-Rose).
« Le social se bat pour tout le monde ; tout le monde se bat pour le social ? » Le 2 février, le secteur battait le pavé pour ses salaires et ses conditions de travail. Ce, à quelques jours de l'anniversaire de la Conférence des métiers où les pouvoirs publics avaient promis « un engagement historique » en sa faveur. « Les choses bougent, mais doucement. On sent une volonté de se retrousser les manches mais dans le même temps, les salariés sont toujours insatisfaits », relève Evanne Jeanne-Rose, rapporteur de l’avis du Conseil économique, social et environnemental (Cese) sur les métiers de la cohésion sociale. Il faut dire qu'ils attendent toujours le comité des métiers socio-éducatifs, lieu de gouvernance promis pour avril... 2022.
Revalorisation des bas salaires
Les 183 euros du Ségur reste aussi un enjeu : tous les départements ne verseraient pas l'argent. Et le ministère a fermé la porte à toute extension, jugée pourtant impérative sur le terrain pour pacifier le climat et faire face à l'inflation. Dans la fonction publique, avec un agenda social centré sur l'attractivité, « une refonte des grilles permettrait de compenser », espère Jeanne Cornaille, délégué nationale du groupement Gepso.
Quid du privé associatif ? Les syndicats conditionnent toujours l'extension à l'avancée des négociations sur la CCUE. Le ministère, lui, souhaite que les employeurs planchent sur des scenarios permettant de revaloriser les bas salaires uniquement dans ce cadre. « Les pouvoirs publics accepteraient de débloquer des financements dès 2023 dès lors que les partenaires sociaux s’engageraient à négocier sur les classifications au cours de l‘année, rapporte Marie-Sophie Desaulle, présidente de la confédération Axess. Nous sommes prêts à accélérer pour répondre à l’urgence, le choix est désormais dans les mains des syndicats. » Réponse des intéressés ? « Les employeurs ont refusé notre proposition d'utiliser
l'enveloppe de la hausse du point pour financer l'extension du Ségur, et maintenant la responsabilité nous incomberait ? », s'étrangle Benjamin Vitel secrétaire national de la CFDT Santé sociaux. Cerise sur le gâteau : un arrêté de représentativité associera les organisations minoritaires aux discussions. Benjamin Vitel le regrette : « Si les équilibres ne sont pas modifiés, cette décision complexifie encore la donne. La confiance est rompue et le dialogue social avec le ministère réduit à néant. »
Un pacte de responsabilités
Pourtant, l'avenue Dusquesne assure que l’attractivité « est une priorité » du gouvernement qui finalise un « plan global de fond, structuré autour de la formation, du recrutement, des parcours et de la communication ». Avant sa présentation par Matignon, le ministre Jean-Christophe Combe souhaiterait avancer sur la qualification des faisant-fonction. Sur la table ? Un « pacte de responsabilités » entre État et opérateurs, destiné à lever des blocages, comme sur la validation des acquis de l’expérience (VAE), en contrepartie, par exemple, d’un meilleur accompagnement vers la diplômation des aides-soignants. « De nombreuses pistes peuvent être investiguées : un socle de formation unique pour faciliter des parcours, certains devant être spécifiquement accessibles aux demandeurs d’emploi et effectués en grande partie en situation de travail », suggère Marie-Sophie Desaulle.
Impératifs pour le Gepso ? Développer l'apprentissage, simplifier les passerelles entre structures et en leur sein, et adapter la formation à la transformation de l'offre. Cette dernière « peut être une opportunité d'évolution vers le milieu ordinaire, mais elle peut aussi être mal vécue par certains, pas préparés à la réalité », prévient Jeanne Cornaille. Autres nécessités : revoir les taux d'encadrement dans tous les champs et valoriser les apports et impacts des métiers. « ll faut une reconnaissance des technicités mais aussi de la pénibilité morale et psychique. Tant que ce n’est pas le cas, tout le travail de prévention sera bloqué », insiste Evanne Jeanne-Rose. Selon lui, le rôle du Haut Conseil du travail social devrait être renforcé. Son livre blanc sur la modernisation des métiers, attendu pour juillet, apportera une nouvelle pierre à l'édifice de l'attractivité.
Laura Taillandier
« Rattraper le Smic dans le domicile»
Julien Mayet, vide-président de l'union nationale UNA
« L'avenant 43 a été la grande avancée pour le domicile, mais ses aspects financiers restent problématiques. Une partie des départements ne joue pas le jeu : certains sont hors la loi, d'autres l'appliquent aux services hors accord de branche, le limitent aux tarifés... Avec l'inflation galopante, les bénéfices de l'avenant ont du mal à être conservés. La hausse du point nous a permis de rattraper celle du Smic mais uniquement à son niveau de juillet 2022. A minima, nous espérons l'agrément de l'avenant permettant une nouvelle augmentation. Côté patronat, nous ouvrons des chantiers pour améliorer les conditions de travail (égalité homme-femme, modulation du temps de travail...) qui n'auront d'impact qu'avec l'ouverture d'une réflexion sur la pénibilité. Surtout dans le contexte de la réforme des retraites. »
Publié dans le magazine Direction[s] N° 217 - mars 2023