« Un an après le déclenchement de la guerre, la stratégie nationale d’accueil des déplacés ukrainiens doit évoluer et s’adapter à l’inscription dans la durée du conflit », a confirmé Matignon en réponse à l’audit flash publié par la Cour des comptes fin février. Plus de 115 000 personnes ont été accueillies depuis février 2022 [1]. Ce, grâce à une réaction « immédiate » des pouvoirs publics, au déploiement de « réponses massives et spécifiques pour l’hébergement et le logement », mais aussi à un accès aux droits élargi, permis par le statut de la protection temporaire, octroyé pour la première fois par l’Union européenne.
Hébergement citoyen
Parmi les préoccupations de la Cour ? L’hébergement citoyen financé par l’État qu’il convient de mieux encadrer. Un dispositif bénéficiant aujourd’hui à près de 14 000 personnes, qu’il faut continuer à soutenir, approuve Georges Bos, directeur de la mission Logement de la délégation interministérielle Dihal : « L’enjeu est d’aller au-delà des 260 associations qui participent à l’accompagnement social, en leur proposant, par exemple, d’offrir des programmes de formation aux moins expérimentées. En outre, pour pouvoir répondre en cas de nouvelle crise, l’idée est aussi de s’appuyer sur les familles déjà engagées. » « Pourquoi ne pas réfléchir à professionnaliser ce type d’accueil pour d’autres publics, à l’image des familles d’accueil de la protection de l’enfance ?, appuie Gilles Loubier, directeur général de l’Association nationale d’entraide féminine (Anef) 63. Ces ménages doivent être évalués, accompagnés et défrayés. » L’indemnisation, mise en place fin 2022 à titre expérimental, suffira-t-elle [2] ?
Visibilité financière
Au début de la crise, les intervenants ont parfois dû naviguer à vue. Désormais, il est urgent de leur donner de la visibilité, juge la haute Cour. Or, si l’État avait pris soin l’an dernier de débloquer 400 millions d’euros [3], rien dans la loi de finances 2023... « Nous signons des conventions pour quelques mois, la dernière ne nous garantit un financement que jusqu’au 30 juin, rapporte Gilles Loubier. C’est intenable ! »
Pas d’inquiétude, rassure la Dihal : les reliquats de crédits 2022 assurent un soutien au moins jusqu’à la fin du premier semestre, en attendant les arbitrages en cours. De quoi asseoir la stratégie nationale en préparation, formalisée au sein d’une instruction interministérielle qui listera des orientations jusqu’en 2025, année de la fin de la protection temporaire.
Nouvelle phase
Et après ? Il faut d’ores et déjà anticiper, préconisent les magistrats. « Même si le pic de l’urgence est passée, la crise, elle, ne l’est pas car le conflit se poursuit, appuie la directrice générale de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS), Nathalie Latour. Nous sommes entrés dans une nouvelle phase : l’enjeu est de se projeter sur le moyen et long termes, mais aussi d’envisager comment capitaliser sur ce qui a fonctionné depuis un an. Tout cela doit nous inspirer sur la façon dont on structure la prise en charge des personnes accueillies, en particulier en vue de l’examen du projet de loi Immigration [4]. »
L’accueil et la prise en charge par l’Etat des réfugiés d’Ukraine en France en 2022, sur www.ccomptes.fr
[1] Lire Direction[s] n° 208, p. 4
[2] Décret n° 2022-1441 du 17 novembre 2022
[3] Dépenses 2022 évaluées à 634 millions d’euros.
[4] Il devait être discuté au Sénat à partir du 31 mars.
Gladys Lepasteur
Publié dans le magazine Direction[s] N° 218 - avril 2023