Que reprochez-vous à la méthode de Nexem, dont vous avez pourtant été président délégué ?
Philippe Calmette. Elle n’est pas à la hauteur de la crise que traverse le secteur car elle se fonde sur une analyse d’une autre époque. Nexem a choisi une alliance objective avec les pouvoirs publics contre les professionnels et les associations. Comment comprendre qu’elle ait accepté les maigres enveloppes allouées cette année, avant de les proposer telles quelles aux syndicats et au monde associatif ?
À sa décharge, cela a longtemps fonctionné ainsi. Mais, depuis le redémarrage de l’inflation et les restrictions budgétaires, elle aurait dû représenter les intérêts du secteur et établir un rapport de forces avec les pouvoirs publics. Cette incompréhension d’un monde qui change constitue le péché originel. Même erreur concernant les négociations de la convention collective unique étendue (CCUE), en échec depuis deux ans. Là encore, elle s’est positionnée en supplétive des pouvoirs publics, en acceptant de lier les augmentations salariales à la conclusion d’un premier chapitre. Face à une inflation record, ce marché de dupes a gelé toute revalorisation et est perçu comme une nouvelle injustice, après celle du Ségur.
Nexem n’avance pas seule. Comment changer de braquet en préservant l’unité de la confédération patronale ?
P. C. Ce qui fait l’unité, ce sont des négociations qui aboutissent ! Si Nexem avait proposé un accord sur le seul pouvoir d’achat, les syndicats l’auraient signé, et la Fehap aussi ! La balle aurait alors pu être renvoyée aux pouvoirs publics qui auraient dû prendre leurs responsabilités face à des partenaires sociaux unis. Désormais, l’urgence est d’ouvrir une négociation exclusivement sur les 183 euros et un rattrapage de l’inflation. Une fois un accord signé, il s’agira de mobiliser notre camp (associations, syndicats, unions, fédérations) selon des modalités à arrêter collectivement lors d’États généraux de Nexem. Ce n’est qu’une fois la confiance rétablie entre partenaires sociaux que les négociations sur la CCUE pourront reprendre.
D’autres propositions ?
P. C. Nexem doit se mobiliser politiquement sur deux enjeux. D’abord de nécessaires réformes structurelles, objectifs de court terme : une grande loi de programmation pour l’autonomie et la citoyenneté des publics et une « vraie » cinquième branche conforme aux piliers de la Sécurité sociale (égalité de traitement, universalité des droits, solidarité nationale), afin de sortir de l’action sociale, charité de la République. Il est aussi urgent de mener des combats populationnels en faveur de la protection de l’enfance, de l’inclusion, de la transformation de l’offre…
C’est pour cela qu’avec d’autres administrateurs nous avons créé le collectif, décidés à se présenter aux élections de juin. Notre objectif ? Repositionner Nexem comme un acteur fort, capable d’obtenir des résultats dans l’intérêt du secteur.
Propos recueillis par Gladys Lepasteur
Publié dans le magazine Direction[s] N° 230 - mai 2024