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MDPH
Second souffle

16/01/2025

Les maisons départementales pour les personnes handicapées soufflent leurs vingt bougies. Non exempt de critiques, ce guichet unique, bien identifié des familles, n’est pourtant pas remis en cause. L’enjeu : parfaire aujourd’hui un modèle en tensions.

L’enjeu pour les MDPH est d’accompagner les familles dans la concrétisation des parcours.

Vingt ans, le bel âge ? Les maisons départementales pour les personnes handicapées (MPDH) fêtent leur anniversaire le 11 février 2025. Accueil, information, évaluation des besoins, suivi et accompagnement… Créées par la loi Handicap [1], elles ont vu en deux décennies leurs missions grossir tout comme le poids des dossiers à traiter. Selon l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), le nombre d’avis et de décisions rendus aurait été multiplié par près de trois entre 2006 et 2020. Une charge de travail exponentielle liée, notamment, à l’ouverture de droits relatifs aux enfants (+ 40 %) et à la prestation de compensation du handicap (PCH, + 36 %). « De plus en plus de personnes se tournent vers les MDPH, avec un handicap aussi de plus en plus complexe. Cela illustre une meilleure couverture des droits », observe Florence Magne, à la tête de celle du Nord et de l’association des directeurs des MDPH (ADMDPH).

Desserrer l’étau

Revers de la médaille ? « Vingt ans après, les MDPH sont devenues des machines administratives, entravant parfois les parcours des personnes en situation de handicap, ne prenant pas en compte leur projet de vie et le rôle des associations y est souvent réduit », assène le Collectif Handicaps. Si personne ne remet en cause leur place, les critiques ne manquent pas. « Prises dans la dynamique de l’inclusion, les MDPH sont au cœur de rapports de tensions », analyse Stéphane Corbin, directeur général des services du conseil départemental de la Gironde. La première : « Couvrir l’ensemble des besoins, ce qui donne un effet de masse, tout en répondant à la volonté de personnalisation des parcours. Cela entraîne des délais de traitement inconcevable. » C’est le point de crispation dans les enquêtes de satisfaction. Même si le délai moyen a été stabilisé à 4,4 mois en 2022, il reste toujours plus long que la norme et est très variable selon les départements. « Les MDPH font face à des difficultés conjoncturelles, notamment des problématiques d’attractivité, qui impactent les process malgré la mobilisation des équipes », témoigne Florence Magne. Pour desserrer l’étau, les acteurs appuyent les recommandations de l’Igas : miser sur l’intelligence artificielle et les systèmes d’information pour décharger les professionnels d’actes administratifs et les remobiliser sur l’évaluation. Cette dernière, cœur du processus de traitement, a été affectée par la massification des demandes. « Les équipes peinent à appliquer l’approche pluridisciplinaire et globale prévue par les textes », relève l’Igas, soulignant l’enjeu de la formation et celui de la simplification des procédures dont « la complexité dépasse l’entendement » pour certaines.

Les associations en ont bien conscience. « Les MDPH n’ont pas la main sur les notifications peu compréhensibles transmises. Elles n’ont pas non plus de souplesse au regard du cadre de l’évaluation dont les critères diffèrent selon les prestations, concède Nadine Maudet, vice-présidente du réseau Unapei. Il faut réduire les délais mais ce n’est pas l’alpha et l’oméga. Le service doit être mieux rendu. La lisibilité et l’accompagnement dans la mise en œuvre du plan d’aide font partie du défi. Les familles souffrent du poids des démarches. La reconnaissance du droit à vie partout doit permettre d’accélérer les notifications grâce à l’automatisation. »

Quel pilotage ?

La simplification a aussi ses limites. « La loi s’est construite autour de l’individualisation de la réponse. Ce qui explique parfois l’hétérogénéité des réponses entre MPDH. Nous avons toutes le même barème mais la répercussion de la pathologie sur la vie de personne, tout comme sa situation familiale et son logement, interfèrent dans la notification. Ce n’est pas facile à faire pour les équipes, ni à comprendre pour les familles », développe Florence Magne. C’est là où se niche l’autre tension, selon Stéphane Corbin : « La volonté de décentralisation avec une entité, le groupement d’intérêt public (GIP), qui a une forme d’autonomie, et de l’autre le souhait d’une certaine homogénéisation sur le territoire. »

Pour corriger la donne, l’Igas observe que la logique de branche conduirait à des mutualisations inter-MDPH et à un positionnement de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) en pilote du réseau. « Je suis en faveur d’une coordination plus forte. Si la caisse vient en appui des lignes directrices, oui. Si le message est une recentralisation avec l’État et ses satellites, non », répond Stéphane Corbin. Le modèle actuel a en effet ses défenseurs. « On continuera à se battre pour un GIP, avec un département chef de file, et des points d’accueil délocalisés en proximité, comme prévu par leur feuille de route 2022, mais en donnant plus de place aux associations au sein du comité exécutif », illustre Malika Boubékeur, conseillère à l’APF France handicap.

Cette feuille de route portée par la CNSA a déjà permis d’enclencher des changements. Publication d’un baromètre qualité, téléservices, outillage pour garantir l’équité territoriale, formations techniques.... mais aussi appui opérationnel de la caisse. « Vingt-trois MDPH en difficultés en ont bénéficié. Le temps de rétablissement est long car il faut revoir les processus, former et accompagner », détaille Bénédicte Autier, directrice de l’accès aux droits et des parcours. Cette démarche s’est accompagnée d’une revalorisation de 25 % du concours alloué par la caisse. « C’est une bonne méthode d’appuyer là où il y a plus de besoins. Cela a permis à la Gironde de passer sous la barre des quatre mois », note Stéphane Corbin.

« Croisée des chemins »

La feuille de route 2027 poursuivra la dynamique (consolidation des systèmes d’information, formation sur l’appropriation du corpus réglementaire face au turn-over...) tout en mettant l'accent sur la coordination entre les acteurs. « Nous sommes à la croisée des chemins, chargées de l’ouverture des droits mais ce n’est pas nous qui les versons, ni qui mettons en œuvre la politique de l’offre. D’où parfois certaines incompréhensions et un vrai sujet de communication sur notre rôle », observe Florence Magne.

La CNSA mène donc un travail pour que la notification et l’orientation vers les établissements et services soient explicitées en termes de prestations pour permettre aux familles d’y voir plus clair. En parallèle, dans le cadre de la transformation de l’offre, les structures seront en mesure de décrire leur offre selon des nomenclatures de prestations ajustées. Le nouveau cahier des charges des communautés 360 permettra aussi aux MDPH de porter en propre les missions des plateformes. Il faudra enfin compter sur le service public départemental de l’autonomie dont la généralisation va s’ouvrir avec la publication du cahier des charges et d’une instruction. Si l’utilité est perçue dans le grand âge, elle l’est moins dans le handicap. « L’un des enjeux est bien d’inscrire les MPDH en son sein. La vie des personnes ne se résume pas à l’accès au droit à compensation, défend Virginie Hoareau, directrice du pôle Appui à la coordination des acteurs de la CNSA. Cela va permettre aussi d’impulser une véritable réflexion sur ce qu’est l’autonomie quand les personnes âgées, handicapées ou les aidants ont besoin d’un soutien pour concrétiser leur choix de vie. »

Pour renforcer la mobilisation du droit commun, l’Igas propose de confier davantage de responsabilités aux partenaires en aval, comme l’attribution de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé. Chez les acteurs, la prudence est de mise pour que les besoins réels ne soient pas définis au regard de l’offre disponible. « La personne a un parcours de vie et cette vision globale est portée par les MDPH dans le cadre de l’évaluation pluridisciplinaire, replace Bénédicte Autier. Les travaux sur Via Trajectoire avancent pour se doter d’observatoires de la demande et permettre aux agences régionales de santé et aux départements une meilleure adéquation entre offre et demande. » 

Reste un point épineux : celui des moyens des MDPH qui dépendent d’un financement départemental et du concours de la CNSA. « L’augmentation de la valeur du point n’est pas prise en compte pour le GIP. Il y a une variable sur l’activité alors que nous sommes encouragés à délivrer des droits à vie, donc à la diminuer... », énumère Servanne Jourdy, directrice de la MDPH de Paris. Un chantier dans le viseur de la CNSA. « Cela fait partie des enjeux à venir, informe Étienne Deguelle, son adjoint de la direction de l’accès aux droits. Soit construire une allocation de la ressource plus représentative de la charge de travail effective des MDPH. »

Repères

- 8,8 % de la population a au moins un droit ouvert dans sa MDPH.

- 1,7 million de demandes traitées, soit 3,6 millions de décisions et avis rendus en 2022 par les MDPH.

- 2/3 des personnes sont satisfaits de leur MDPH, mais 60 % déplorent le délai de réponse (sources : ADMDPH et baromètre CNSA 2023).

[1] Loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées

Laura Taillandier

Publié dans le magazine Direction[s] N° 238 - février 2025






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