
Les ministres É. Borne, C. Vautrin et C. Parmentier-Lecocq entourent le Premier ministre, pour ce douzième CIH « sans ambition nouvelle ».
Ce devait être « la » priorité du 12e comité interministériel du handicap (CIH) du 6 mars : l’accessibilité. Face aux attentes exprimées lors des 20 ans de la loi Handicap, l’État n’a visiblement pas convaincu. Voire agacé. « Il n’y aura pas de nouvelle dérogation pour les établissements recevant du public (ERP) », a pourtant réaffirmé la ministre Charlotte Parmentier-Lecocq.
Dynamique territoriale
Les préfets devaient recevoir, en mars, instruction d’« engager une dynamique de mise en accessibilité » sur les territoires. La moindre des choses, vingt ans après l’échéance inscrite dans la loi de 2005, ironise Pascal Bureau, conseiller de la commission Accessibilité de l’association APF France handicap : « Les agendas d’accessibilité programmés ont duré dix ans et, pourtant, on estime à seulement 750 000 à 900 000 le nombre d’ERP conformes ! Résultat, en 2025, l’État annonce… vouloir demander aux préfets de faire leur boulot ! Ils ont pourtant déjà tout pouvoir pour provoquer des fermetures administratives. » Au menu : large information des ERP, priorisation des chantiers et communication sur les aides existantes – à l’image du fonds territorial d’accessibilité, lancé en 2023 [1]. Avec, à la clé, de « possibles » sanctions. « Le Gouvernement entrouvre à peine la porte d’une nouvelle politique », a aussitôt regretté le Collectif Handicaps.
Universalité limitée
Seule véritable annonce de la séquence, juge Pascal Bureau : la publication imminente du rapport d’évaluation du très décrié article 64 de la loi Elan, rendue obligatoire avant … novembre 2023. Pour mémoire, ce dernier impose une proportion de 20 % de logements accessibles dans le neuf, les autres devant être évolutifs. De quoi compliquer encore un peu plus l’accès au logement pour les 221 000 personnes « vivant dans un logement inadapté du fait de leur handicap », a récemment chiffré la Fondation pour le logement des défavorisés [2]. L’exemplarité des Jeux olympiques et paralympiques « permet d’ouvrir un horizon nouveau et d’alimenter la réflexion sur l’accessibilité des logements dans les parcs social et privé », escompte le Gouvernement.
Et au-delà ? « Santé, culture… On est loin de l’accessibilité universelle, balaie Pascal Bureau. La vie des personnes semble cantonnée à l’habitat et à l’espace public. Même l’arrêté sur l’accessibilité des lieux de travail, examiné fin 2024 au Conseil national consultatif des personnes handicapées, n’a toujours pas été publié. » Ce devait être chose faite « en mars », s’était engagé l’État.
[1] Lire Direction[s] n° 234, p. 37
[2] L’état du mal-logement en France 2025, 30e rapport, janvier 2025
Gladys Lepasteur
« Tout un pan oublié »
Luc Gateau, président de l’Union nationale des associations de parents d’enfants inadaptés (Unapei)
« Il a beaucoup été question d’accessibilité universelle mais elle se traduit peu dans les faits pour les personnes atteintes de troubles du neuro-développement, de polyhandicap ou de handicap psychique que nous accompagnons. Pour elles, être autonomes signifie comprendre certains éléments d’information, pouvoir disposer d’un transport facile, effectuer des démarches administratives… Tout ce qui relève du déficit intellectuel reste, en effet, peu considéré par les politiques publiques. Résultat : l’accès aux soins, à la culture, à l’informatique... constitue tout un pan oublié de l’accessibilité et reste un défi quotidien pour les quelque 700 000 personnes concernées. Pourtant, de nombreuses initiatives, essentiellement portées par les acteurs associatifs, permettent d’œuvrer pour une société réellement inclusive et mériteraient d’être soutenues. »
Publié dans le magazine Direction[s] N° 240 - avril 2025