En activité, en détachement, en disponibilité, retraités ou en formation : de nombreux directeurs se sont portés volontaires auprès de structures durement touchées par la crise sanitaire. Certains ont répondu à l’appel du Centre national de gestion (CNG), en partenariat avec les agences nationales de santé (ARS) qui devaient concomitamment faire remonter les besoins pour ces postes sur leurs territoires. « Même si cette expression n’a pas été spontanée du fait de la surmobilisation des établissements sur l’urgence sanitaire et de besoins en directeurs moins évidents à définir que ceux en soignants », pointe Ève Parier, sa directrice générale, le message a été reçu cinq sur cinq. Début mai, le CNG recensait 585 volontaires, dont une majorité de directeurs retraités. Sur la soixantaine de missions en cours mi-mai, 38 avaient lieu en établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). À l’ARS des Pays de la Loire, les deux coordinatrices de l’opération, Anne-Cécile Pichard et Danielle Gilles-Garaud notent : « Le bénéfice de cet appui va au-delà de la gestion de la crise, notamment pour des directeurs isolés qui devaient être sur tous les fronts. »
De nombreuses solidarités locales
Autre mobilisation, plus difficile à comptabiliser : les mises en relations interpersonnelles et locales. Certains directeurs en poste dans des territoires peu touchés par la pandémie sont allés prêter main-forte à leurs collègues en difficulté. À l’instar d’Isabelle Gély, directrice adjointe de quatre structures de l’association Apajh du Tarn : « À l’appel du directeur général adjoint, et la situation sanitaire, très calme dans ma région, ne nécessitant pas ma présence continue, j’ai traversé la France pour rejoindre une maison d’accueil spécialisée (MAS) dans l’Aisne. » Sitôt sur place, elle n’a pas chômé. « J’ai dû assimiler rapidement une autre organisation afin de faire le plan de continuité en urgence, évoque-t-elle. Appréhender une nouvelle équipe, les rassurer et être présente sur le terrain pour leur montrer les gestes barrières… Je me sens utile dans ces moments forts où je peux accompagner les personnels. »
D’autres sont simplement revenus au bercail, comme Laure Bellois. Partie depuis presque un an pour se reconvertir, cette ex-directrice à la Fondation des Amis de l’atelier (Seine-et-Marne) s’est proposée en renfort en tant qu’adjointe. « Nous avions un besoin en coordination opérationnelle de nos équipes sur la maîtrise des process de bionettoyage et le suivi des stocks alimentaires et d’équipements de protection individuelle », explique Jody Surier, directeur de pôle. Des missions menées rondement par Laure Bellois. « Cela nous permet d’être au plus près de nos équipes et d’avoir un maillage terrain et opérationnel de qualité. Bref, de consolider notre capacité à sécuriser le quotidien des établissements », apprécie Jody Surier. Et ce, malgré le caractère éprouvant de l’expérience. « En une dizaine d’années à des postes de direction, je n’avais jamais vécu de moments aussi durs », assure Laure Bellois.
Des stagiaires dans le grand bain
Pour les nombreux élèves directeurs d’établissement sanitaires, sociaux et médico-sociaux (ED3S) présents dans les structures en pleine crise, l’expérience relève d’un véritable baptême du feu. La plupart se sont vus intégrés d’emblée à la cellule de crise. C’est le cas de Natty Tran, mobilisée sur les directions des pôles Médecine sociale et Gériatrie du Centre d’accueil et de soins hospitaliers (Cash) de Nanterre. « Mes missions initiales de gestion courante ont été mises en pause dès le début de crise, se souvient-elle. Le rythme s’est intensifié : participation aux cellules de crise, points journaliers avec les chefs de pôle, management de cadres, participation à la création d’une unité Covid pour les plus précaires, réorganisation de services, recrutement de bénévoles et vacataires, organisation d’une collecte de dons, remontée des enquêtes journalières… Avec, à la clé, une présence sur site beaucoup plus importante, week-ends compris. » Issue de la même promotion à l’École des hautes études en santé publique (EHESP), Émilie Thépault, non plus, ne compte pas ses heures dans les deux Ehpad publics des Hauts-de-Seine où elle fait ses premières armes. « Mon stage a nettement gagné en intensité, estime-t-elle. Nous sommes beaucoup dans l’anticipation des stratégies à développer face au virus. S’y ajoute une réflexion sur l’éventualité d’une canicule cet été, qui viendrait complexifier la situation. J’apprends différemment sur la gestion de crise, que je voyais jusque-là d’une manière très théorique. » À 53 ans, après une carrière de cadre de santé, Emmanuelle Gourdin, stagiaire dans trois établissements publics du Loiret, est aussi pleinement dans le bain. « Avec la directrice, nous constituons un vrai binôme, elle me délègue beaucoup. Je ne me sens plus stagiaire, mais directrice à part entière, souligne-t-elle. Je me suis rendu compte qu’il fallait avoir de multiples casquettes : coordonner, innover… tout en sachant mettre les mains dans le cambouis. Et qu’il était très important de communiquer et de rassurer les familles. » Une expérience très formatrice…
Catherine Piraud-Rouet
Publié dans le magazine Direction[s] N° 187 - juin 2020