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Formations sanitaires et sociales
Vers des diplômes plus transversaux

19/03/2014

Comment adapter les cursus initiaux des professionnels soignants et éducatifs aux nouveaux besoins du secteur ? Le débat est relancé à la faveur des états généraux du travail social et de la future loi Autonomie qui devraient modifier l’architecture des diplômes et le contenu des enseignements tant théoriques que pratiques.

Engagée en 2011, l’évaluation de la réingénierie des diplômes du travail social de niveau I à IV [1] est enfin achevée. Ses résultats ont été rendus publics début février [2]. Dans le même temps, un bilan d’étape de l’intégration des formations paramédicales dans le dispositif Licence master doctorat (LMD) était diffusé [3]. Impulsées par l’Europe, ces démarches ont conduit à revoir les référentiels d’activité, de compétences et de certification des professions soignantes et éducatives. Au final, les constats se recoupent : le niveau de connaissance et de compétence des nouveaux diplômés s’est élevé, mais au sein de chaque champ – sanitaire ou social –, les cursus restent trop cloisonnés. L’année 2014 pourrait bien voir les lignes bouger. Les états généraux du travail social, annoncés pour l’automne, et le premier volet du projet de loi Autonomie, attendu en avril, doivent en effet être l’occasion de s’attaquer aux formations initiales. Avec une ambition commune : mieux répondre à l’évolution des besoins du secteur.

Consolider la culture commune

La Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) n’a pas attendu les états généraux pour avancer. Dans une note datant de septembre 2013, face à la « complexité et [au] foisonnement de l’offre de certification », elle prônait la transformation de l’architecture des diplômes afin notamment de renforcer « la culture commune aux professionnels ». En partie soufflés par l’Union nationale des associations de formation et de recherche en intervention sociale (Unaforis), des scénarios étaient alors proposés. Avant même que la commission professionnelle consultative du travail social et de l’intervention sociale (CPC), qui doit se prononcer d’ici à la fin de cette année, ne soit mandatée pour y réfléchir. « Cela ressemble davantage à un programme qu’à un projet, regrette ainsi Alain Denis, représentant CFDT dans cette commission. Il laisse peu de place aux idées nouvelles, comme celles qui pourraient émerger des états généraux. »

La solution présentée dès 2013 par la DGCS ? Construire un tronc commun d’enseignements par niveau (I, II, IV et V), qui représenterait la moitié de chaque cursus. Il serait ensuite complété par une période de spécialisation, afin de retrouver certaines spécificités des titres actuels.

Former au savoir être

« Nous avons besoin de formations transversales pour garantir la polyvalence du personnel, estime Yves Chkroun, président de l’association de directeurs et cadres ADC. Cela pourrait aussi favoriser la mobilité des professionnels, une bonne manière de prévenir les risques psychosociaux, ajoute Diane Bossière, directrice générale de l’Unaforis. Ces socles communs permettraient notamment de répondre aux employeurs en matière de savoir être et de posture, en travaillant plus particulièrement par exemple sur la notion même d’accompagnement. » Le rapport d’évaluation de la réingénierie pointe justement les efforts à faire en la matière. Il relève par ailleurs que les nouveaux diplômés semblent mieux armés pour faire face aux appels d’offres, exercer en partenariat ou satisfaire aux démarches qualité. « Il y a des exigences paradoxales de la part de certains employeurs, constate toutefois Alain Denis. D’un côté, ils demandent aux professionnels d’innover, de s’impliquer et de s’adapter à de nouvelles réalités. De l’autre, de respecter scrupuleusement la prescription, les protocoles ou les procédures. Cette tension est inhérente à l’activité et les pouvoirs publics doivent donner aux travailleurs sociaux les moyens d’y répondre. »

Répondre à l’évolution des publics 

Au niveau V, la fusion des diplômes d’État d’auxiliaire de vie sociale (DEAVS) et d’aide médico-psychologique (DEAMP) est enclenchée et devrait aboutir d’ici à la fin de l’année. Comme promis en août dernier par le gouvernement, la fonction d’auxiliaire de vie scolaire devrait constituer l’une des spécialisations du futur titre. Ce afin de mieux remplir l’objectif d’inclusion sociale des personnes handicapées. Les futures orientations doivent aussi répondre aux enjeux liés au vieillissement de la population. Le plan Métiers associé au projet de loi Autonomie prévoit ainsi de créer un nouveau titre sanitaire de niveau IV pour des professionnels dont l’exercice serait « indépendant de la collaboration avec l’infirmier », afin de remédier à « la limitation des ressources en soins ». Des aides-soignants nouvelle génération ? Le plan appelle également à remanier les formations sanitaires pour mieux prendre en compte l’évolution des publics. « Concernant les infirmiers, l’approche est encore très hospitalière, alors que l'on sait qu’ils vont être confrontés à des personnes de plus en plus âgées, porteuses de maladies chroniques, polyhandicapées, note Cécile Kanitzer, conseillère paramédicale à la fédération hospitalière de France (FHF). En outre, il faut développer les stages dans le secteur médico-social. »

Renforcer les centres de formation

La formation pratique fait d’ailleurs l’objet de nombreuses critiques. Pour les seuls étudiants infirmiers, le bilan d’étape relaie les difficultés à accéder à des stages diversifiés. Quant aux futurs travailleurs sociaux, la qualité de l’encadrement et les relations avec les centres de formation interrogent également. « La distance avec le terrain est en train d’augmenter », relève Yves Chkroun. Pour inverser la tendance, la DGCS envisage d’accorder davantage de responsabilités aux sites qualifiants dans le processus de certification. Ainsi qu’aux établissements d’enseignement. Pourraient-ils alors délivrer les diplômes pour le compte de l’État, comme l’a longtemps revendiqué l’Unaforis ? « Comme une telle délégation n’était pas possible juridiquement et qu’il faut conserver la notion de diplôme national, il s’agirait plutôt de développer les évaluations intermédiaires », explique Diane Bossière.

Mais cette perspective inquiète les financeurs. « Le contrôle continu est une bonne idée, reconnaît Florence Perrin, vice-présidente de la commission des formations sanitaires et sociales de l'Association des régions de France (ARF). Mais quel est son coût et pour quelles contreparties ? »

Difficile encore de savoir si les Hautes Écoles professionnelles prônées par l’Unaforis verront le jour. Si les plateformes régionales censées les préfigurer continuent à se structurer (au nombre de onze à la mi-mars), aucune expérimentation n’a encore été lancée. « Nous devrions en savoir plus lors des états généraux », avance prudemment Diane Bossière. Mais la révision de l’appareil de formation, du contenu et de l’architecture des diplômes ne fera pas de miracle. Manuel Pélissié, président du groupe Formation professionnelle du syndicat patronal Syneas, insiste : « C’est aussi la responsabilité de l’employeur de mener l’adaptation des compétences des salariés aux besoins de l’organisation. Et cette responsabilité est de plus en plus forte. »

[1] Niveau I : bac+ 5 ; II : bac+ 3 et 4 ; III : bac+ 2 ; IV : bac ; et niveau V : CAP et BEP)

[2] Évaluation de la réingénierie de dix diplômes d’État de travail social, rapport des cabinets Geste et Louis Dubouchet Consultant pour la DGCS, décembre 2013.

[3] Les formations paramédicales : bilan et poursuite du dispositif d’intégration dans le dispositif LMD, rapport des Inspections générales des affaires sociales (Igas) et de l'administration de l'Éducation nationale et de la recherche (IGAENR), juillet 2013.

Aurélia Descamps

Stages :une aide pour les employeurs publics

Accusée de limiter l’offre de stage en travail social, la gratification continue d’alarmer employeurs et étudiants. L’obligation, qui s’applique depuis 2008 aux associations, devrait être étendue aux fonctions publiques territoriales et hospitalières à la rentrée 2014. Face à la mobilisation du secteur, le gouvernement a annoncé qu’un fonds de 5,3 millions d’euros seraient débloqué pour accompagner sa mise en œuvre. « Y seront éligibles les établissements […] qui justifieront d'une difficulté particulière à prendre en charge cette gratification », explique le cabinet de la ministre des Affaires sociales et de la Santé, qui précise aussi : « Il s'agit [d’une enveloppe] de secours ».  Sous-entendu non pérenne. De son côté, l’Assemblée des départements de France (ADF) craint que le budget de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) ne soit ponctionné.

Repères

  • 14 C'est le nombre de diplômes d’État en travail social
  • 74 % des travailleurs sociaux exercent des métiers correspondant à des diplômes de niveau V, selon la DGCS.
  • 2012 C’est l’année de sortie de la première promotion d’infirmiers bénéficiant du grade de licence.

Publié dans le magazine Direction[s] N° 119 - avril 2014






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