En quoi le texte est-il aujourd’hui peu adapté aux TPE-PME ?
Sébastien Darrigrand. De nombreuses avancées contenues dans la version initiale, en matière de simplification de leurs modalités d'exercice du dialogue social notamment, ont malheureusement disparu. Comme la possibilité d’instaurer des forfaits-jours par décision unilatérale dans les entreprises dépourvues de délégué du personnel. A l’inverse, le principe des accords majoritaires est maintenu. Il est pourtant très éloigné de la vie des TPE-PME, souvent dénuées de représentation syndicale, et il risque in fine d'y paralyser le dialogue social.
Est-ce aussi le cas de la primauté des accords d’entreprise sur ceux des branches ?
S. D. Absolument. 90 % des entreprises ne disposent pas des moyens qu’ont les plus grandes structures pour négocier des accords ! En outre, dans l’économie sociale et solidaire, et dans le secteur social et médico-social en particulier, la branche détient une place essentielle en matière d’organisation du travail notamment. Facteur de régulation de la concurrence entre les entreprises, elle remplit aussi une fonction majeure dans la relation avec les financeurs dans le cadre des procédures d'agrément. Ce rôle pivot doit être conservé. Cette nouvelle empreinte des grandes entreprises sur ce texte, assortie de la rationalisation du nombre de branches prévue selon des critères essentiellement quantitatifs, risque d’obérer la capacité de représentation des TPE-PME à terme.
Vous dénoncez aussi la révision des règles de représentativité patronale ?
S. D. C’est un déni total de démocratie, le sujet n’a jamais été abordé lors des consultations préalables ! Le projet prévoit d’asseoir la mesure d’audience à 80 % sur le nombre de salariés et à 20 % seulement sur celui des entreprises adhérentes. Destinée à rééquilibrer le dispositif au bénéfice des secteurs à forte masse salariale, cette disposition fera de nouveau la part belle aux organisations représentant les grandes structures. La nécessité d’une pondération peut s’entendre, mais pas au détriment de la philosophie de la loi du 5 mars 2014, qui fait du nombre d’entreprises le critère majoritaire. Nous proposons une autre répartition : 70 % en fonction du nombre d’entreprises et 30 % de celui des salariés. Car le statu quo est intenable. Soit on trouve un compromis, soit on applique la loi actuelle. Les députés de la commission des Affaires sociales l’ont bien compris : ils ont supprimé la disposition, sans exclure d’y revenir en séance, début mai.
Subsiste-t-il, tout de même, des avancées ?
S. D. L’introduction d’accords type de branche reste pertinente, en permettant aux employeurs de les appliquer sans repasser par une négociation interne. A voir toutefois si les syndicats seront prêts à une telle souplesse… La clarification des motifs de licenciement économique est aussi bienvenue. Enfin, nous nous félicitons de la création du compte personnel d’activité (CPA) qui comprend des dispostions sur l'engagement citoyen : la fongibilité des heures de formation et l’abondement du dispositif par l’Etat pour les personnes plus éloignées de l’emploi doivent être développés. Plus globalement, le travail de long terme engagé en faveur de la lisibilité du Code du travail est une bonne chose.
Quid de la sur-taxation obligatoire des contrats courts, qui devrait être introduite par amendement ?
S. D. Déjà prévue dans la convention Unedic de 2014, elle était clairement antiéconomique à l’époque, et elle le reste. De fait, tout cela manque singulièrement de cohérence, au moment où le gouvernement déploie son Pacte de responsabilité et multiplie les grandes déclarations en direction des entreprises.
Propos recueillis par Gladys Lepasteur
Publié dans le magazine Direction[s] N° 142 - mai 2016