Christian Berthuy, directeur général de la Fondation OVE
« Demain, le directeur aura la tâche de manager l'évolution des missions des structures. Dans le mouvement de désinstitutionnalisation à l’œuvre, il devra mobiliser les équipes dont les fonctions sont amenées à se transformer voire à disparaître. Enfin, il aura à se saisir de l'opportunité du numérique pour améliorer les pratiques, alors que les budgets du médico-social n'ont pas vraiment intégré cette dimension. »
Albane Trihan, responsable du service Autonomie, direction de l'Organisation médicale de l’AP-HP
« Afin de mettre en œuvre les parcours des usagers, les équipes de direction devront maîtriser les règles et cultures à la fois des champs sanitaire, médico-social et social. Sans oublier de s’approprier les nouvelles opportunités d’offre de soins comme l'hospitalisation à domicile ou la télémédecine. »
Jean-Claude Bernadat, formateur et évaluateur externe, ancien directeur d'établissement public pour personnes âgées et de foyer de l'enfance
« La pérennité de la conduite du changement sera conditionnée à l’émergence d’une gouvernance éclairée, ancrée sur ses valeurs de solidarité et ouverte aux évolutions de son environnement socio-économique. Dans ce même mouvement, les structures pourraient s’appuyer sur une organisation apprenante, être vivant qui se nourrit d'informations et construit des savoirs pour ajuster ses prestations aux besoins des usagers. Un tel processus suppose la disponibilité d’un leader reconnu, à l’écoute, capable de mobiliser, de faire confiance. En somme, il s’agit de promouvoir l’intelligence collective. »
Patrick Enot, formateur et administrateur de Nexem, ancien directeur général
« Les directeurs doivent, plus que jamais, être des porteurs de projets. Leur ambition n’est pas tant d’être d’efficients gestionnaires que de transmettre aux équipes des repères éthiques en leur ouvrant des espaces pour interroger le sens de leurs missions au regard des attentes des personnes accompagnées. Par leur façon de penser leur rôle, de garder un regard critique sur les politiques publiques, ils gagneront à être des conducteurs d’âmes pour leurs collaborateurs. »
Fernand Le Deun, responsable de la formation des directeurs établissements D3S à l’École des hautes études en santé publique (EHESP)
« Au-delà des compétences techniques, la fonction de direction nécessite de déployer des qualités humaines telles que la patience, la persévérance et la quiétude. S’engager avec courage, c’est être prêt à soulever des montagnes pour créer les conditions d’un accompagnement individualisé, qui favorise l’accès aux droits et l’exercice effectif de la citoyenneté.»
Michel Laforcade, directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) Nouvelle Aquitaine
« Les directeurs sont particulièrement attendus pour mettre en œuvre les parcours des usagers au travers d’actions tournées vers l’accompagnement, mais aussi la prévention et la préservation des capacités d’agir de la personne. Bien évidemment, ces actions doivent être conciliées avec les impératifs de gestion, les normes et les recommandations de bonnes pratiques. Les directeurs doivent aussi être capables d’apporter une forte plus-value dans leurs domaines de compétences en étant force de proposition face aux pouvoirs publics. »
Philippe Gaudon, coach, délégué général du cabinet de conseil Efects
« Avant de prendre ses fonctions, le directeur de demain veillera à bien étudier son cadre de travail. Du simple executive manager inscrit dans des organisations très structurées au dirigeant isolé aux responsabilités lourdes et variées, le périmètre de ses missions pourra, selon ses choix, être très large. Deux qualités fonctionnelles seront primordiales dans les deux cas : la conduite du contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens (CPOM) et l’aptitude au travail en réseau et partenariat, y compris au sein même des organismes de gestion. »
Dominique Decolin, directeur du pôle éducatif Val de Saône de l’association du Prado Bourgogne
« Comment être directeur clinicien face aux difficultés des usagers (notamment aux problématiques des jeunes victimes de violences sexuelles) qui imposent d’inventer des prises en charge qui transcendent les modèles traditionnels ? Comment être un directeur suffisamment "sécure" pour accompagner des équipes fragilisées et de plus en plus exposées ? Comment enfin relever le défi de faire face à tous les défis qui sont autant d’injonctions à faire quels que soient les moyens alloués ? »
Philippe Lemaire, consultant, ancien directeur de SIAO et de Cada
« Un changement de paradigme est en cours avec le passage d’une logique de moyens à une logique de résultat. L’efficacité de l'action sociale au regard de son coût est de plus en plus remise en cause, jusqu’au plus haut niveau de l’État. L’enjeu pour les directeurs ? Démontrer l’utilité sociale des actions menées pour et avec les bénéficiaires. »
Propos recueillis par Noémie Colomb
Publié dans le magazine Direction[s] N° 168 - octobre 2018