Ni en capacité de poser un diagnostic ni référents sociaux, les médiateurs en santé sont au carrefour du monde social et du monde sanitaire. Leur mission : faciliter la rencontre entre des publics aux problématiques spécifiques et les professionnels de santé.
Reconnaissance réciproque
« Il y a d’un côté des personnes avec des vulnérabilités mais aussi des ressources. De l’autre, des acteurs de santé avec des représentations parfois erronées de ces usagers, qui peuvent méconnaître leurs difficultés ou utiliser un jargon peu accessible. Ce qui se joue à travers la médiation en santé, c’est bien la (re)connaissance entre les deux, dans un objectif de promotion de la santé et de lutte contre le non-recours aux soins », résume Frédérique Quirino Chaves, responsable du pôle Santé de la Fédération nationale des associations solidaires d'action avec les Tsiganes et les gens du voyage (Fnasat-Gens du voyage) qui coordonne le Programme national de médiation en santé (PNMS). Ce dispositif met en synergie une vingtaine de médiateurs, répartis en France dans des associations agissant auprès des habitants des bidonvilles ou des gens du voyage. Parti d’une expérimentation à Nanterre élargie à plusieurs départements, ce programme, principalement axé sur la santé maternelle et infantile, bénéficie du soutien du ministère de la Santé et de l’agence Santé publique France. Coordination la plus formalisée en matière de médiation santé, elle réfléchit à se développer vers d’autres publics.
D'autres expérimentations locales de médiation en santé existent, que ce soit auprès de migrants ou d’habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville. À Saint-Denis, le centre de santé communautaire La Place Santé agit pour améliorer la santé des habitants du quartier Franc Moisin-Bel Air. Depuis vingt ans, des médiatrices en santé y inventent leur métier. « Elles agissent pour l’accès aux droits en santé, mais aussi via des ateliers collectifs de prévention comme l’apprentissage du vélo », décrit la coordinatrice Sophie Naud, qui salue ce travail pionnier.
Des parcours très variés
La formalisation de cette profession a fait un grand pas. La loi de modernisation du système de santé de janvier 2016 lui a donné une définition réglementaire et l’a fait entrer au Code de la santé publique. Dans la foulée, la Haute Autorité en santé (HAS) a élaboré en 2017 un référentiel des compétences, formations et bonnes pratiques de la médiation en santé. « C’est une vraie reconnaissance et un cadre commun pour des pratiques jusque là disparates », salue Frédérique Quirino Chaves.
Reste à mettre en place une formation spécifique qualifiante. Si quelques diplômes universitaires (à Sorbonne Paris Nord, Paris Descartes et Bordeaux) abordent la médiation en santé, la plupart des professionnels se forment d’abord à la médiation sociale ou culturelle (à l’histoire plus longue et dotée en formations diplômantes), puis sur le tas à la spécificité de santé. Les médiateurs sanitaires ont des parcours et profils très variés, parfois ils sont des pairs. Ceux affiliés au PNMS bénéficient de plusieurs journées communes de formation continue pour monter en compétences.
Apprendre à « aller vers » et « faire avec »
Mais c’est surtout la question de la posture qui est valorisée. En effet, ils doivent avant tout savoir « aller vers » et « faire avec », pour viser le pouvoir d’agir des personnes et leur autonomie dans le droit commun. Le métier souffre aussi d’une absence de financements pérennes. Les postes sont le plus souvent financés dans le cadre des programmes régionaux d’accès à la prévention et au soin (Praps), très inégalitaires d’une agence régionale de santé (ARS) à l’autre. Le métier doit donc encore être consolidé. D’autant que cette crise sanitaire – révélatrice des inégalités de santé – a un peu plus souligné sa nécessité.
Armandine Penna
En savoir plus
- Code de la santé publique, article D1110-5
- « La médiation en santé pour les personnes éloignées des systèmes de prévention et de soins », référentiel de compétences, formation et bonnes pratiques de la HAS, octobre 2017, sur www.has-sante.fr
- Programme national de médiation sanitaire (PNMS) : www.mediation-sanitaire.org
Point de vue
Éléna Dalibot, médiatrice en santé, Les Forges, intervenant dans les bidonvilles de l’agglomération nantaise
« Nous sommes huit médiateurs en santé, trois sur des quartiers populaires et cinq auprès des habitants des bidonvilles et gens du voyage. Nous rencontrons les mêmes freins parmi tous ces publics, liés non à leur culture mais à leur environnement social et leur habitat : méconnaissance des lieux de santé et de leurs droits, isolement, difficultés de mobilité, dans la maîtrise de la langue ou pour se repérer dans l’espace et le temps. Au plus proche de ce que vivent les personnes, notre rôle est de faire lien. Nous allons vers les personnes et les accompagnons dans leurs démarches en nous appuyant sur leurs compétences, sur le principe de l’adhésion volontaire. Nous allons aussi vers les acteurs de la santé afin de pallier les difficultés et trouver des solutions. Il s’agit de rééquilibrer le rapport avec les soignants. Comme un équilibriste, nous sommes un peu sur un fil, dans l’écoute et le non-jugement. Nous échangeons beaucoup en équipe de notre posture, pour ne pas faire à la place mais rendre autonomes les personnes. Le but est de leur donner toutes les cartes pour qu’elles puissent décider elles-mêmes de façon étayée. Et à terme, de nous effacer. »
Publié dans le magazine Direction[s] N° 197 - mai 2021