Jocelyne Guidez©Sénat/Cecilia Lerouge
Qu'a changé la loi de 2019 que vous avez portée qui visait à mieux reconnsaître les proches aidants ?
Jocelyne Guidez. On constate un changement de mentalité. Nous n'avons jamais autant parlé des aidants qu'en 2020 et ils sont davantage visibles dans la société. Des numéros verts ont été mis en place, comme en Essonne ou celui des Communautés 360 sur le volet du handicap, pour les aider à trouver le bon interlocuteur. Reste que sur le terrain, c'est toujours compliqué pour eux de savoir de quelle offre de répit ils peuvent bénéficier. Sur ce sujet, les départements ont un vrai rôle à jouer ! Ensuite, cette loi était d'abord en direction des entreprises dans l'objectif de voir comment l'aidant peut être considéré non pas comme une charge mais au contraire comme un atout ! ll y a eu des avancées : un guide très pratique salariés-aidants a été conçu par la caisse de retraite Agirc-Arrco et la crise sanitaire a permis d'amorcer une évolution de la perception du télétravail qui peut améliorer leurs conditions d'exercice et surtout leur enlever un peu de stress. Ce n'est plus un sujet tabou, certes, mais les employeurs ne sont pas encore bien au courant des nouveautés introduites par la loi. Des aidants me contactent souvent pour me dire « mon entreprise ne sait pas que j'ai le droit à ça… » Il y a un vrai problème de communication.
Pourtant, la loi a été suivie d'une Stratégie pour les aidants. Est-elle insuffisante ?
J. G. Le gouvernement a eu de l'écoute, mais effectivement cela reste insuffisant. Un exemple : le congé de proche aidant. J'avais proposé qu'il soit de trois ans sur l'ensemble de la carrière et financé dans le cadre de la solidarité nationale. Or, un autre choix a été fait… Trois mois, ce n'est rien ! On le voit bien devant le faible nombre de demandes : 2750 ouvertures de droit à congés indemnisées sur un objectif de 50 000 bénéficiaires en 2022. Comment cela peut-il aider réellement le parent d'un enfant handicapé ? Et si nous n'y intégrons pas les longues maladies, à quoi cela sert-il ? Les lois sont faites pour être améliorées et j'espère qu'il s'agit là d'une première pierre à l'édifice. Surtout quand on voit que de jeunes aidants prennent encore le relais, avec toutes les conséquences que l'on sait sur leur déscolarisation.
Que faut-il encore améliorer ?
J. G. Il y a toujours une méfiance des aidants à accepter d'être aidés. Il faut continuer à développer les offres de répit, tout en veillant à proposer un soutien psychologique adapté pour éviter qu'ils soient désemparés au moment de la séparation. Il faut être particulièrement vigilant en cette période car ils ont été éprouvés par la crise sanitaire : ils n'ont pas eu accès aux masques en priorité, ont vécu avec la peur de transmettre le virus à leur proche, et n'ont pas pu être vaccinés prioritairement en même temps que l'aidé… Ce sujet montre bien qu'il y a encore un problème d'identification. C'est pour cela que j'avais proposé de délivrer une carte de l'aidant permettant de les identifier notamment par les professionnels de santé. Ce qu'il faut aussi et surtout dans les petites entreprises, c'est développer des espaces de dialogue avec les ressources humaines pour bien repérer les aidants et leurs difficultés, échanger sur leurs conditions de travail, etc. Le principal problème aujourd'hui reste encore son isolement.
[1] Loi n° 2019-485 du 22 mai 2019 visant à favoriser la reconnaissance des proches aidants
Propos recueillis par Laura Taillandier
Publié dans le magazine Direction[s] N° 201 - octobre 2021