La vie d’un établissement ne se déroule pas toujours aussi bien que les dirigeants et le personnel le souhaitent. Certaines situations sont difficiles à vivre. Elles peuvent être dues à des causes qui se cumulent et interagissent. Mais le dire et le repérer pour important que ce soit, n’est qu’une première étape pour y remédier.
Une analyse globale et approfondie liée au projet d'établissement
En effet, pour pallier à des dysfonctionnements de plus ou moins grande ampleur, il est nécessaire de procéder à une analyse globale et approfondie de tous les aspects du fonctionnement de l’établissement concerné, en se référant bien évidemment, au projet de l’établissement avec le sens à donner aux actions mises en place ou à mettre en place. Et si nécessaire, il s’agit de le redéfinir avec tous les professionnels et décideurs de l’établissement.
C’est pourquoi une méthodologie d’analyse institutionnelle, rapidement et facilement utilisable, est nécessaire aux différentes composantes d’un établissement inhérentes à sa bonne marche. Et c’est à partir des enseignements de nombreuses expériences professionnelles dans différents établissements du secteur social et médicosocial, ainsi que l’analyse des pratiques de directeurs et d’éducateurs spécialisés avec leurs contextes institutionnels, que cette méthodologie a été élaborée et spécifiquement conçue.
Elle prend en compte le réel, le symbolique et l’imaginaire (RSI) d’une organisation, en lien avec la vie psychique de tout un chacun, ainsi qu’avec les phénomènes de groupe.
En effet, la célèbre répartition conceptuelle, le réel, le symbolique et l’imaginaire (RSI) du psychiatre et psychanalyste Jacques Lacan (1901- 1981) peut être étendue aux organisations, avec les nécessaires adaptations et développements liés à chacun des trois pôles.
Sont abordés et énumérés avec cette méthodologie les différents contenus du RSI : leréel de l’organisation dans sa réalité avec ,entre autres, les salariés, les conditions de travail, les bâtiments, le matériel… Puis le symbolique, domaine, entre autres,de la pensée, du cadre, des valeurs et qui détient une importance spécifique en étant en constante interaction avec les deux autres dimensions, dont l’imaginaire lié aux représentations, aux mécanismes relationnels ainsi que la sphère psychoaffective. La sphère psychoaffective sous-tend aussi l’ensemble des trois pôles dans le cadre de la spécificité de chacun.
Par son approche globale et approfondie, cette méthode est opérationnelle à l’aide de deux éclairages : celui inhérent à l’organisation avec, par exemple, l’organigramme hiérarchique et fonctionnel, les différents types de réunions. Et celui en lien avec la dimension psychoaffective sur les plans individuels et groupaux.
Les problématiques à l’œuvre dans un établissement se retrouvent au lieu de convergence, où se situe la direction. La marge de manœuvre de l’instance dirigeante peut ainsi être objectivement constatée , par exemple si la délégation de l’employeur à la direction n’est pas suffisante.
La mise en relief et la prise en compte des trois pôles, facilite l’analyse des dysfonctionnements, ainsi que les solutions à étudier et à envisager au niveau de la dimension symbolique, qui est en interdépendance avec les deux autres pôles.
Pour ce qui concerne les dysfonctionnements qui ne sont pas de grande ampleur, et c’est souvent le cas lors des problèmes évoqués lors de réunions de professionnels, il suffit alors de les analyser avec l’équipe à partir des éléments constitutifs du dysfonctionnement, dans le cadre des trois pôles. Les décisions à envisager et à prendre par la direction, sont réfléchies dans la dimension symbolique (espace de la pensée et du cadre…).
L’analyse d’une situation conflictuelle nécessite d’en étudier ses nombreux indicateurs. Par exemple, certains peuvent mentionner l’insuffisance de mentalisation des problèmes, de cadre et de cohérence.
Autre exemple, au niveau de la dimension imaginaire avec ses composantes évoquées précédemment, des situations conflictuelles entre professionnels peuvent perturber la concertation nécessaire au travail d’équipe. Il s’agit alors d’en étudier les causes.
Les causes des dysfonctionnements sont diverses. Il peut s’agir, par exemple, comme nous venons de l’évoquer de la défaillance du symbolique où l’on assiste notamment à un déficit de réflexions, quant aux actions menées ou à mener, une insuffisance de cadre dans l’établissement concerné…
Parmi les causes, il est utile pour les dirigeants et tous les professionnels de connaître un certain nombre de manifestations du fonctionnement des groupes. En effet, le groupe est un lieu de phénomènes psychiques qui ne sont pas seulement liés à tous les inconscients individuels, mais aussi aux relations intersubjectives, d’où résultent des attitudes et comportements en lien avec ces situations (comme les phénomènes deleadership positif ou négatif, les émotions et leurs répercussions et bien d’autres).
La défaillance de symbolique a pour conséquence, entre autres, la prévalence de l’imaginaire avec ses répercussions psychoaffectives. Par exemple, une angoisse d’éparpillement peut être réactivée par l’absence de cohérence de l’ensemble, ainsi que l’insuffisance de cadre à l’origine de conflits dans les équipes.
Les deux approches complémentaires d’une organisation (celle liée aux aspects organisationnels et celle liée à la dimension psychoaffective) sont nécessaires pour étudier les conditions inhérentes à la bonne marche d’une organisation. C’est la raison pour laquelle les aspects organisationnels sont à étudier avec l’organigramme hiérarchique et fonctionnel, les différents types de réunions, la méthodologie du projet d’établissement, la gestion du temps…
Et pour ce qui concerne la dimension psychoaffective ? Elle concerne les mécanismes relationnels, les défenses individuelles et collectives, mais aussi les dynamiques de groupe, la psychologie de la communication, les composantes et différentes techniques d’un entretien, la prise de parole devant un groupe, la prise de distance intérieure (l’être et le rôle) et la gestion des émotions et du stress.
Des conflits utiles
Pour ce qui concerne les conflits, ce sont desrévélateurs qui peuvent présenter une utilité dans la mesure où ils informent, alertent sur ce qui ne va pas. Selon le type de conflit et le niveau de l’urgence, ils nécessitent aussi un temps d’analyse. En effet, un délai de réflexions est nécessaire pour qu’une réelle concertation puisse avoir lieu avec tous les professionnels concernés, préalable aux décisions à prendre par la direction pour y remédier.
Différentes stratégies et attitudes dépendent de la cause et de l’intensité des conflits comme, par exemple, la synthèse des points de vue opposés lorsque c’est possible.
A l’aide de la méthodologie d’analyse institutionnelle, des modalités organisationnelles à visée préventive et curative sont proposées.
Pour ce qui concerne les modalités organisationnelles à visée préventive, penser l’organisation avec un projet, du cadre, une éthique est indispensable, ainsi que définir l’espace du politique et du technique dans l’institution. Parmi les différents types de management mentionnés, celui de type participatif est préconisé, sachant que, par exemple, d’autres styles qui sont évoqués peuvent être parfois adaptés et nécessaires ponctuellement, dans certaines situations de la vie institutionnelle.
Dans la perspective des modalités organisationnelles à visée curative, il s’agit de mettre en œuvre la méthodologie d’analyse institutionnelle en associant le personnel, dans le but d’identifier les problématiques, les causes et les manifestations des dysfonctionnements et d’en rechercher les solutions.
Quand dire les conflits est très difficile, une méthode de conduite de réunion est utile quand c’est possible. Si ce n’est pas le cas, il vaut mieux faire appel à un tiers spécialisé.
Pour différentes raisons d’origines diverses, internes ou extérieures à l’organisation, s’il n’est pas possible de résoudre de graves difficultés et/ou dysfonctionnements en cours, d’autres solutions doivent être recherchées, comme, par exemple, répondre à de nouveaux besoins dans le secteur social, médicosocial ou sanitaire.
Dominique Garnier
Carte d'identité
Nom. Dominique Garnier
Fonctions actuelles. Directeur certifié de l’EHESP, psychologue clinicien, docteur en psychopathologie clinique et psychanalyse, formateur-consultant (analyse des pratiques).
Publication: Les organisations face aux dysfonctionnements :savoir les prévenir, les analyser et les gérer, Chronique sociale, 2023; Le pouvoir à l’épreuve du quotidien », Presses de l’EHESP, 2014.