Pour Brice Alzon (Fesp), les critères retenus ressemblent à ceux prévus par la circulaire Valls.
« Dans sa rédaction initiale, cette mesure répondait à un enjeu majeur, la problématique d’emploi dans le secteur : 100 000 postes sont à pourvoir dans l’économie sociale et solidaire, dont 50 000 dans le seul champ médico-social, rappelle Hugues Vidor, président de l’union des employeurs de l’économie sociale (Udes). Force est de constater que le législateur est passé à côté. » Disposition particulièrement discutée lors des débats sur la loi Immigration, promulguée fin janvier : la possibilité pour certains travailleurs illégaux justifiant d’une expérience professionnelle dans un métier en tension de bénéficier d’une carte de séjour temporaire, et ce, jusqu’à fin 2026.
Des profils si fréquents dans le secteur ? « Les personnes recrutées dans les services à la personne sont censées être toutes dotées d’un titre de séjour, mais il faut tenir compte d’une marge d’erreur dans nos métiers à forte intensité de main-d’œuvre, précise Brice Alzon, président de la Fédération du service aux particuliers (Fesp). Le risque est particulièrement élevé pour les particuliers employeurs qui, après avoir contrôlé le titre lors de l’embauche, peuvent omettre d’en vérifier la validité un an plus tard. Et ainsi se retrouver, de bonne foi, avec un salarié en situation irrégulière. »
À la main des préfets
Reste que les conditions initiales ont été sérieusement durcies. Le candidat, résidant en France depuis au moins trois ans, doit être toujours en poste et avoir exercé une activité salariée durant douze mois au moins (pendant les deux dernières années) dans un métier et une zone géographique soumis à des tensions de recrutement [1]. Aux préfectures d’évaluer la demande sur la base de nombreux éléments (durée de résidence, respect de l’ordre public, intégration, casier judiciaire…), avant d’envisager la possible délivrance « à titre exceptionnel » d’une carte d’un an. « Insuffisant, si on se place dans une logique d’intégration et de gestion prévisionnelle des emplois et compétences », objecte Hugues Vidor.
Tout ça pour ça, balaie finalement Brice Alzon : « Tous ces critères ressemblent fortement à ceux déjà prévus par la circulaire Valls de 2012. C’est donc une occasion ratée. Pour autant, le pays n’aura pas d’autre choix que d’accepter d’ouvrir ce débat car, déjà massifs, les besoins le seront encore plus demain. Et nous ne trouverons pas de quoi y répondre sur le territoire. »
Loi n° 2024-42 du 26 janvier et circulaire du 5 février 2024
[1] Arrêté du 1 avril 2021
Gladys Lepasteur
Publié dans le magazine Direction[s] N° 228 - mars 2024