Dans un arrêt du 14 juin 2016 publié au Journal officiel du 10 juillet, la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF) sanctionne une directrice d'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) public communal pour non-respect du code des marchés publics durant les années 2008 à 2012. Elle a plus précisément condamné à une amende de 1 500 € la directrice de l'Ehpad public de Durtal en fonction au moment des faits reprochés. Une décision qui ne saurait surprendre outre mesure, d'importantes difficultés affectant à l'époque la gestion de la structure ayant été pointées par la Chambre régionale des comptes (CRC) des Pays de la Loire dans un rapport diffusé en juin 2014.
Remise en conformité des bâtiments
Les développements les plus importants de l'arrêt du 14 juin visent la passation - irrégulière donc - d'un marché de travaux de mise aux normes des bâtiments.
Dans un premier temps, la directrice a conclu un contrat en juin 2008 avec une société chargée de réaliser une expertise complète et d'élaborer le programme technique détaillé de ces travaux. Mais cette société n'a pas pu exécuter le marché de prestations dans sa totalité (elle a été mise en liquidation judiciaire en juin 2010 indique le rapport de la CRC). La directrice de l'Ehpad a par la suite procédé au lancement d’une nouvelle opération par avis d’appel public à concurrence publié au Bulletin officiel d'annonces des marchés publics le 18 juin 2010 puis au Courrier de l’Ouest le 1er juillet 2010. Ces avis fixaient la date limite de dépôt des candidatures au 5 juillet 2010 à minuit. Or, pour la CDBF, malgré l'urgence de la situation, ce délai de réponse de 18 jours s'avère :
- insuffisant au regard des "caractéristiques du marché en cause" ;
- et "n'a pas permis de respecter les principes de transparence de la commande publique et d’égalité de traitement des candidats".
Le comble est que, faute de réponses en nombre suffisant, un "nouveau marché" (le périmètre de l'opération a été redéfini de manière substantielle) a été confié finalement à une société "sans nouvelle procédure de publicité et de mise en concurrence" !
Autres commandes irrégulières
La responsabilité de la directrice a aussi été engagée pour d'autres commandes de prestations passées sans publicité ni mise en concurrence :
- recours à une entreprise de travail intérimaire (conclusions de deux contrats dont l'un était "informel", la directrice ayant validé la proposition de la société d'intérim qui n'avait pas chiffré le coût des prestations, ultérieurement facturé) ;
- construction d'une pergola qui était installée au moment où la directrice procédait à la consultation de deux autres fournisseurs potentiels ("vraisemblablement pour respecter a posteriori une forme apparente de concurrence" avait souligné la CRC) ;
- achat de 65 téléviseurs (au demeurant aux caractéristiques inadaptées aux résidents, selon la CRC) ;
- travaux de maintenance sur le groupe électrogène.
C'est bien cette "répétition de manquements caractérisés aux règles de la commande publique et la gravité des infractions commises dans l’attribution du marché de travaux de mise aux normes des bâtiments" qui ont conduit au prononcé de l'amende infligée à l'ancienne directrice de l'Ehpad de Durtal.
Montant limité de l'amende
Deux éléments sont pris en considération par la Cour de discipline budgétaire et financière pour limiter à 1 500 € le montant de cette amende :
- la directrice de l'Ehpad a pu "éprouver un sentiment d’isolement dans l’exercice de ses fonctions", caractérisé en particulier par l’absence de conseils et d’alertes donnés par les comptables publics successifs dans la passation des commandes publiques ;
- elle a fait valider l’ensemble de ses décisions par le conseil d’administration de l’établissement.
Source : arrêt du 14 juin 2016 de la Cour de discipline budgétaire et financière (n° 208-737), JO du 10 juillet.
Sybilline Chassat-Philippe