Un nouveau pas en faveur de la lutte contre la maltraitance pourrait être franchi à la faveur d'une meilleure protection des "lanceurs" ou "donneurs" d'alerte opérée à travers l'obligation faite aux employeurs - notamment - de mettre en place des procédures appropriées de recueil des signalements émis par les salariés (ou agents dans le cadre de la fonction publique). Un décret du 19 avril 2017 précise les modalités suivant lesquelles ces procédures doivent être établies au plus tard le 1er janvier 2018.
Les organismes et lanceurs concernés
L'obligation d'établir des procédures spéciales s'applique notamment aux personnes morales de droit public ou de droit privé d'au moins 50 agents ou salariés. Quant aux "lanceurs" d'alerte, il faut s'en tenir à la définition qui en est donnée par l'article 6 de la loi Sapin 2 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. A savoir : une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice graves pour l’intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance.
A noter encore que les règles de protection des lanceurs d'alerte ne s'appliquent pas pour des faits, informations ou documents qui sont couverts, notamment, par le secret médical.
La procédure d'alerte
La loi (article 8) prévoit que l'alerte doit être portée à la connaissance :
- du supérieur hiérarchique, direct ou indirect ;
- de l'employeur ;
- ou d'un référent désigné par l'employeur.
Le décret du 19 avril précise que ce référent peut être extérieur à l'entreprise. Dans la fonction publique, il pourra s'agir du "référent déontologue" dont les modalités de désignation ont été récemment fixées par
décret. En tout état de cause, le référent doit disposer, de par son positionnement, de l'autorité et des moyens suffisants à l'exercice de ses missions. La procédure de recueil devra préciser son identité.
Rappelons qu'en l’absence de diligences de la personne destinataire de l’alerte à vérifier – dans un délai "raisonnable" (non précisé) – la recevabilité du signalement, celui-ci doit être adressé à l’autorité judiciaire, à l’autorité administrative ou aux ordres professionnels. En dernier ressort, à défaut de traitement par l’un des organismes précités dans un délai de 3 mois, le signalement peut être rendu public (facultatif).
Le recueil des signalements
La procédure de recueil des signalements doit préciser les modalités selon lesquelles l'auteur du signalement :
- adresse son signalement au supérieur hiérarchique, à l'employeur ou au référent ;
- fournit les faits, informations ou documents de nature à étayer son signalement lorsqu'il dispose de tels éléments ;
- fournit les éléments permettant d'échanger, le cas échéant, avec le destinataire du signalement.
La procédure doit préciser les dispositions prises par l'employeur pour :
- informer sans délai l'auteur du signalement de la réception de son alerte ainsi que le délai raisonnable nécessaire à l'examen de sa recevabilité et des modalités suivant lesquelles il est informé des suites données à son signalement ;
- garantir la stricte confidentialité de l'auteur du signalement, des faits objets de celui-ci et des personnes visées ;
- détruire les éléments du dossier de signalement lorsqu'aucune suite n'a été donnée, ainsi que le délai dans lequel les éléments sont détruits à compter de la clôture des opérations (le délai de conservation des informations ne pourra pas être supérieur à 2 mois suite à la clôture des opérations de recevabilité).
Remarque : si le recueil des signalements fait l'objet d'un traitement automatisé de données, l'employeur devra s'assurer d'avoir l'autorisation de la CNIL. La procédure devra mentionner l'existence d'un tel traitement.
L'information des salariés
L'employeur devra informer les salariés par tout moyen (voie électronique, affichage ou publication) de la procédure de recueil des signalements établie par lui-même.
Des sanctions pénales
Rappelons, enfin, que toute personne qui fait obstacle, de quelque façon que ce soit, à la transmission d’un signalement s'expose à ces sanctions pénales : 1 an d’emprisonnement et 15 000 € d’amende.
Source : décret du 19 avril 2017, JO du 20 avril.
Jean-Baptiste Davoine