Dans le bras de fer qui oppose les associations de défense des personnes handicapées aux pouvoirs publics, la décision rendue par le Conseil d'État le 16 mars 2016 pourrait bien faire vaciller non seulement les dispositifs d'accessibilité des bâtiments collectifs d'habitation mais également ceux des établissements recevant du public (ERP) !
Régime particulier des logements temporaires
Si une partie du corpus réglementaire portant sur les ERP existants a échappé aux fourches caudines du Conseil d'État (CE, 3 févr. 2016, n° 386951), tel n'est pas le cas de l'un des arrêtés du 14 mars 2014 fixant les règles d'accessibilité des logements destinés à l'occupation temporaire ou saisonnière dont la gestion et l'entretien sont organisés et assurés de façon permanente.
En fait, les Hauts magistrats ne remettent pas en cause le principe même du régime particulier d'accessibilité réservé à cette catégorie de logements situés dans les résidences de tourisme, les résidences pour étudiants, les résidences hôtelières à vocation sociale ou encore les logements-foyers. Ils ont ainsi rejeté les recours en annulation pour excès de pouvoir du décret n° 2014-337 du 14 mars 2014 et d'un premier arrêté de même date encadrant ce régime dérogatoire. Ont notamment été écartées les requêtes portant sur les entrées en vigueur des textes et la possibilité de mettre en œuvre des dispositions d'effet équivalent en lieu et place des prescriptions techniques d'accessibilité imposées par la réglementation.
Des sas d'isolement aux dimensions insuffisantes
En revanche, une disposition du second arrêté du 14 mars 2014 a été censurée au motif qu'elle renvoie à un arrêté du 1er août 2006, pour la définition des dimensions des sas d'isolement que doivent comporter les établissements accueillant ce type de logements. Les sas d'isolement ont pour fonction d'éviter la propagation des effets d'un incendie provenant de locaux dangereux (parc de stationnement, celliers et caves regroupés, etc.) au reste du bâtiment. Les deux portes s'ouvrent à l'intérieur du sas : lorsqu'un usager handicapé franchit une porte, un autre usager doit pouvoir ouvrir l'autre porte.
L'arrêté du 1er août 2006 précise qu'à l'intérieur de ces sas, devant chaque porte, l'espace de manœuvre doit correspondre à un espace rectangulaire d'au moins 1,20 m x 2,20 m. Or, les juges estiment que ces dimensions ne permettent pas à une personne circulant en fauteuil roulant d'y effectuer un demi-tour pour en ressortir d'urgence. Il en résulte que l'arrêté du 14 mars 2014 est entaché d'erreur d'appréciation en ce qu'il renvoie à des dimensions minimales ne garantissant pas une accessibilité conforme aux exigences de la loi. Selon les magistrats, il n'y a pas lieu de différer l'effet de cette annulation.
Vers des annulations en cascade ?
En censurant cette disposition de renvoi, le Conseil d'État a ouvert aux associations de défense des personnes handicapées une voie de recours supplémentaire contre les dispositifs d'accessibilité de l'ensemble des bâtiments. En effet, quelle que soit la catégorie d'immeubles devant être obligatoirement rendus accessibles (bâtiments d'habitation, ERP), tous les textes reprennent, en leur annexe 2, les mêmes dimensions d'espace de manœuvre en matière de sas d'isolement. Il en est notamment ainsi de l'arrêté du 8 décembre 2014 fixant les règles d'accessibilité des ERP situés dans un cadre bâti existant et des installations existantes ouvertes au public. Texte qui, d'ailleurs, fait aussi actuellement l'objet d'un recours en annulation.
Il reste donc à savoir si ces associations vont s'engouffrer dans la brèche...
Source : arrêt du Conseil d'État du 16 mars 2016 (n° 380267)
Bruno Pérot