Un nouveau cadre est fixé pour prévenir la commission d’actes de pédophilie. Deux textes encadrent le nouveau dispositif : la récente loi du 14 avril 2016 "relative à l'information de l'administration par l'autorité judiciaire et à la protection des mineurs" et son décret d’application du 18 mai 2016, en vigueur depuis le 20 mai, qui rend le dispositif opérationnel.
Côté politique, Najat Vallaud-Belkacem – ministre de l’Education nationale – et Jean-Jacques Urvoas – Garde des Sceaux – se sont félicités de la parution de ce texte lors d'une communication en conseil des ministres le 18 mai. Et réaffirmé à cette occasion qu’il « n’y a aucune place pour les prédateurs sexuels dans les écoles ou dans quelque lieu fréquenté par les mineurs ».
Procédures pénales
La loi du 14 avril 2016 ont apporté plusieurs modifications au cadre légal fixé notamment dans le code de procédure pénale (CPP) et le code de l’action sociale et des familles (CASF) visant à renforcer le contrôle des antécédents judiciaires des personnes exerçant des activités ou professions impliquant un contact avec des mineurs, ou, de façon plus générale, des personnes exerçant une activité soumise au contrôle des autorités publiques (dont ceux exerçant au sein de certaines structures sociales ou médico-sociales, voir tableau ci-dessous).
La loi tente de répondre à plusieurs questions : à quel moment convient-il de transmettre les informations ? Quels sont les agents concernés par cette transmission ? Quelles infractions rendent cette transmission nécessaire ? En réponse, deux nouveaux articles ont été introduits dans le code de procédure pénale :
- l'article 11-2 qui pose le cadre général de la transmission - facultative - de l’information par l'autorité judiciaire à toutes les administrations et concerne tous les agents. Il prévoit que le ministère public "peut" (ce n'est donc pas une obligation) informer par écrit l'administration des décisions rendues contre une personne qu'elle emploie, y compris à titre bénévole, "lorsqu'elles concernent un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement". L'information pourra être transmise en cas de condamnation (même non définitive), mais également en cas de mise en examen ou de poursuites engagées ;
- l'article 706-47-4 du CPP qui définit un régime d'information renforcé visant les personnes exerçant une activité en contact habituel avec des mineurs et pour des infractions spécifiquement énumérées. Contrairement à la règle prévue par l’article 11-2 du CPP, cette disposition oblige le procureur de la République à informer les administrations, en cas de condamnation (même non définitive), mais également pour certains contrôles judiciaires.
Par ailleurs, la loi introduit dans le CASF une incapacité juridique, en levant la condition de quantum. Jusqu'ici, il fallait une condamnation de plus de 2 mois pour déclencher une incapacité juridique pour les personnes qui exercent dans des établissements, services ou lieux de vie accueillant des mineurs, ou qui dirigent de tels établissements. En supprimant cette condition de quantum, la loi élargit le champ de l’interdiction.
Les modalités d’agrément des assistantes maternelles et des assistantes familiales sont elles aussi aménagées.
Personnes et secteurs concernés
Outre les établissements scolaires et les lieux d'exercice d'activités sportives et culturelles, voici les professions et activités visées dans le champ social et médico-social (mise en oeuvre de l’article 706-47-4 du CPP), ainsi que les administrations devant être informées par le ministère public.
Professions ou activités concernées
| Administrations devant être informées |
Personnes exerçant une activité dans : - des accueils collectifs de mineurs à caractère éducatif pendant les vacances et les loisirs ;
- ou dans les établissements d'accueil d'urgence, les foyers de jeunes travailleurs (FJT), les centres d'accueil pour demandeurs d'asile (Cada), les services mettant en œuvre les mesures de protection des majeurs... dès lors qu'ils accueillent des mineurs.
| Préfet de département (direction départementale chargée de la cohésion sociale) Et, s’il s’agit d’une personne employée par une collectivité territoriale ou un établissement public de coopération intercommunale (EPCI), l’exécutif de la collectivité territoriale concernée ou de l'EPCI |
Personnes exerçant une activité dans les établissements ou services mettant en oeuvre les mesures éducatives, les mesures d’assistance éducative, les mesures d’investigation préalables à ces mesures.
Personnes travaillant dans les services de l'aide sociale à l'enfance (ASE) et celles prenant en charge les mineurs dans les services qui assurent des activités d'aide personnelle à domicile ou d'aide à la mobilité des familles fragiles.
| Président du conseil départemental
Ou, s’il s’agit d’établissements ou de personnes dépendant de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse, le directeur interrégional de la PJJ
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Personnes exerçant l’activité d’assistant maternel ou d’assistant familial, et personnes majeures vivant à leurs domiciles.
Personnes exerçant une activité dans les établissements accueillant des enfants de moins de 6 ans (crèches collectives, haltes garderies, crèches parentales et autres jardins d'enfants).
| Président du conseil départemental
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Personnes exerçant une activité dans les établissements ou services d’enseignement et d’éducation spéciale, dans les centres d’action médico-sociale précoce (CAMSP).
Personnes exerçant une profession de santé et personnes faisant usage du titre d’ostéopathe, de chiropracteur, de psychothérapeute.
| Directeur général de l’agence régionale de santé (DGARS)
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Le champ de cette obligation d'information est donc particulièrement large... Reste à savoir si le système judiciaire pourra réellement accomplir cette nouvelle mission qui lui incombe.
Contenu de l'information
L'information, transmise par le ministère public (procureur de la République ou procureur général selon le cas) comportera l'identité de la personne, son adresse, la nature de la décision judiciaire le concernant et la qualification juridique des faits reprochés. Le ministère public informe sans délai la personne concernée de sa décision de transmettre l'information à l'administration ou à l'organisme compétent.
Pour les décisions définitives de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement, le ministère public doit rappeler à l'administration son obligation de supprimer de tout dossier relatif à l'activité de la personne concernée les éléments d'information déjà transmis. Cette dernière doit, en outre, être avisée par écrit de cette destruction.
Source : décret du 18 mai 2016, JO du 19 mai.
Véronique de La Touanne et Linda Daovannary