La loi du 30 octobre 2018 "pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous", dite loi EGalim, retouche a minima le cadre juridique de l'aide alimentaire. Inscrites auparavant au sein du code rural et de la pêche maritime, les règles fixant le cadre d’intervention de l’aide alimentaire figurent à présent dans le code de l'action sociale et des familles (CASF, articles L. 266-1 et L. 266-2 nouveaux). Ce transfert ne s'opère pas à droit strictement constant. Explications.
Lutte contre la précarité alimentaire
La lutte contre la précarité alimentaire, dont l'aide alimentaire est l'une des composantes, fait désormais l'objet d'une définition précise mettant en évidence ses dimensions multiples : elle vise ainsi à "favoriser l'accès à une alimentation sûre, diversifiée, de bonne qualité et en quantité suffisante aux personnes en situation de vulnérabilité économique ou sociale". Inscrite "dans le respect du principe de dignité des personnes", elle "participe à la reconnaissance et au développement des capacités des personnes à agir pour elles-mêmes et dans leur environnement".
Les acteurs de cette lutte expressément reconnus par le législateur sont divers, allant de l'État aux centres communaux ou intercommunaux d'action sociale (CCAS ou CIAS), en passant par les incontournables associations.
Remarque : selon les travaux parlementaires, 16 associations, ou plutôt réseaux d’associations, étaient habilitées au niveau national en 2017, dont les Restos du cœur, la Croix-Rouge, le Réseau Cocagne, le Secours catholique, le Secours populaire français ou l’Association nationale de développement des épiceries solidaires (ANDES). Beaucoup plus de structures locales seraient habilitées au niveau régional (Rapport AN n° 902).
Mise en œuvre de l'aide alimentaire
S'agissant plus spécifiquement de l'aide alimentaire, l'essentiel de l'ancienne législation est repris. On notera cependant une évolution concernant la définition de son objet qui est élargi. L'aide alimentaire doit désormais consister :
- d'une part, en la fourniture de denrées alimentaires "aux personnes en situation de vulnérabilité économique ou sociale" (et non plus aux "personnes les plus démunies") ;
- d'autre part, en la proposition d’un accompagnement aux bénéficiaires qui sont libres de l'accepter ou non.
Cette aide peut être apportée non seulement sur le territoire métropolitain mais également outre-mer, précision qui ne figurait pas sous l'empire de l'ancienne législation.
Sans changement, seules les personnes morales de droit public ou de droit privé habilitées par l'autorité administrative peuvent recevoir des contributions publiques destinées à la mise en œuvre de l'aide alimentaire. Cette habilitation reste accordée selon des modalités prévues par la réglementation, un nouveau décret étant toutefois attendu en la matière. Ce texte devra "permettre de clarifier les procédures et les modalités de contrôle qui ne sont pas clairement encadrées par la loi ou par le règlement", a annoncé Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation lors des débats au Sénat. En tout état de cause, seules les associations dûment habilitées pourront, dans le cadre de la lutte contre le gaspillage alimentaire, conclure des conventions avec des grandes et moyennes surfaces pour recevoir des denrées alimentaires.
A noter, par ailleurs, la suppression des dispositions qui autorisaient les associations caritatives à "mettre en place un dispositif de stockage privé consistant à acheter des produits alimentaires en période de surproduction agricole pour les entreposer et les redistribuer ensuite aux personnes les plus démunies". Le vide juridique ainsi créé ne conduit toutefois pas à une interdiction de telles actions.
Enjeu de santé publique
Enfin, l'article 65 de la loi ajoute la lutte contre la précarité alimentaire dans le programme national relatif à la nutrition et à la santé (article L. 3231-1 du code de la santé publique).
Source : loi n° 2018-938 du 30 oct. 2018 (art. 61 et 65), JO du 1er nov.
Sybilline Chassat-Philippe