Les opposants à la loi Travail (ou El Khomri) publiée le 9 août 2016 sont appelés à manifester pour la treizième fois à Paris et dans une quarantaine de villes en France le 15 septembre prochain. Les organisations syndicales notamment - la CGT en tête - gardent l'espoir que le texte reste inappliqué. Ce, alors que bon nombre de ses dispositions sont déjà inapplicables ! Selon le Sénat, environ 150 textes réglementaires (décrets ou arrêtés) sont "en attente de publication", tous domaines confondus. Reste à y voir un peu plus clair sur les grandes lignes de cette loi de 100 pages impactant les structures sociales et médico-sociales privées en tant qu'employeur. Nous reviendrons sur quelques mesures spécifiques au secteur, telles que le travail de nuit, dans nos prochaines publications.
Refondation du droit du travail
Au nom de cette "refondation", la loi prévoit notamment :
- une réécriture du code du travail sur la base des travaux d'une commission d'experts et de praticiens des relations sociales qui devront rendre leur copie au Gouvernement dans un délai de 2 ans ;
- la possibilité (non l'obligation) d'ajouter dans le règlement intérieur de l'entreprise des dispositions inscrivant le principe de neutralité et restreignant la manifestation des convictions des salariés ;
- une nouvelle architecture des règles en matière de durée du travail et de congés ; à droit quasi constant (le travail de nuit est partiellement réformé par exemple), sont distinguées les normes relevant de l'ordre public, celles relevant du champ de la négociation collective et les dispositions dites "supplétives" qui sont applicables en l'absence d'accord ou convention collectif.
Réforme de la négociation collective
En matière de négociation collective, la loi :
- fixe un nouveau cadre pour la négociation d’entreprise (préambule, clause de suivi, durée de l’accord fixé à 5 ans par défaut, publicité des accords, généralisation des accords dits de méthode) ;
- revisite les règles de validité des accords (généralisation des accords majoritaires mais recours facilité au référendum d’entreprise) ;
- favorise la renégociation en cas de mise en cause des précédents textes conventionnels et abandonne la notion d’avantages acquis ;
- modifie une nouvelle fois les règles de négociation en l’absence de délégués syndicaux et sécurise les accords de groupe et interentreprises.
Une disposition peu commentée jusqu'à présent : la consécration, à compter du 1er janvier 2017, d'un "droit à la déconnexion" du salarié dont les modalités devront être définies par accord ou, à défaut, par l'employeur au moyen d'une charte.
Sécurisation des parcours professionnels
A ce titre, la mesure emblématique de la loi est la création d'un compte personnel d'activité (CPA) qui entrera en vigueur au 1er janvier 2017. Il regroupera le CPF (compte personnel de formation), le CPPP (compte personnel de prévention de la pénibilité), et le tout nouveau compte d’engagement citoyen qui recensera les activités bénévoles ou de volontariat de son titulaire et permettra d’acquérir des heures inscrites sur le CPF à raison de l’exercice de ces activités, et des jours de congés pour l’exercice de ces activités.
Des dispositions spécifiques sont en outre prévues pour la mise en oeuvre du CPF pour les personnes handicapées accueillies en établissement ou service d'aide par le travail (Esat). Enfin, la loi institue un dispositif d'emploi accompagné pour les personnes handicapées afin de favoriser leur insertion dans le milieu ordinaire de travail.
Promotion de l'emploi
Pour favoriser l'emploi, sont notamment prévus :
- un droit à l'information juridique des entreprises de moins de 300 salariés ;
- une nouvelle définition du licenciement économique qui entrera en vigueur au 1er décembre 2016 ;
- un encouragement au recours à l'apprentissage.
Réforme de la médecine du travail
Enfin, l’organisation des visites médicales est précisée, la surveillance des salariés à risques ou handicapés étant renforcée. Les conditions de licenciement pour inaptitude sont par ailleurs revues et précisées.
Source : loi du 8 août 2016 (n° 2016-1088), JO du 9 août.
Sybilline Chassat-Philippe