Instauré en 2017 comme « équivalent » du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), le crédit d’impôts sur la taxe sur les salaires (CITS) vise à encourager le développement des activités des organismes du secteur non lucratif et la création d’emploi dans ces structures. Pour les employeurs du secteur social et médico-social concernés (gestionnaires associatifs), les effets attendus ont été rapidement limités par les positions divergentes d’autorités de tarification comptant « reprendre » ses bénéfices dans le cadre de la tarification. Certains départements ont même décidé de le faire dès l’exercice 2017, alors même que ses effets ne se feront sentir pour les employeurs qu’à partir de cette année. Si la loi de finances pour 2018 supprime le CITS au profit d’un allègement des charges salariales à compter du 1er janvier 2019, la question demeure d’actualité puisque les employeurs continueront de bénéficier du dispositif jusqu’en 2019. Or, il convient d’apporter une réponse juridique claire sur cette reprise du CITS par les autorités de tarification, celle-ci ne pouvant être apportée exclusivement par les arbitrages budgétaires nationaux et locaux : le CITS ne peut légalement être repris dans le cadre de la tarification.
Ni un produit, ni une recette en atténuation
Par définition, le CITS ne constitue pas un produit ou une recette en atténuation des charges d’exploitation d’un établissement, mais un crédit permettant de s’acquitter de tout ou partie de la taxe sur les salaires, amorti sur une période de trois années. Ce crédit d'impôt ne saurait être comptabilisé comme une recette dans la mesure où il ne s’agit ni d’un remboursement de charges, ni d’une exonération totale ou partielle de charges sociales, mais d’un crédit d’impôt permettant de favoriser le développement et la création de l’emploi. Imputer le CITS aux produits autres que ceux de la tarification revient à réduire les charges de fonctionnement d’un établissement ou d’un service au profit de l’autorité de tarification et, surtout, à annihiler les effets attendus de ce dispositif. En effet, il ressort expressément de l’instruction de la Direction générale des finances publiques du 4 mai 2017 [1] que « le CITS a pour objet d’encourager le développement des activités non lucratives des organismes du secteur non lucratif et de favoriser l’emploi dans ces structures ». De sorte qu’il ne saurait par définition venir en diminution des charges des établissements et services sociaux et médico-sociaux soumis à une tarification réglementaire, sauf à méconnaître directement l’objet de ce dispositif.
Il convient d’ailleurs de souligner que le CITS concerne tous les employeurs du secteur non lucratif visés à l’article 231 A du Code général des impôts (CGI). Le fait qu’ils relèvent en outre réglementairement, notamment en matière de tarification, du champ social et médico-social demeure indifférent, sauf à créer une discrimination entre ces employeurs et les autres dans l’application du dispositif. Ce que la loi n’a pas entendu opérer. La décision de tarification qui affecte le CITS aux produits en atténuation serait donc manifestement illégale.
Une utilisation à la main de l'employeur
Ce d’autant plus qu’une autorité de tarification ne saurait mécaniquement imputer le CITS aux produits en atténuation des charges d’un service ou d’un établissement tarifé, alors même que l’organisme employeur, s’il assure certes la gestion d’une structure sociale et médico-sociale, peut tout à fait utiliser le bénéfice retiré du CITS à des activités non lucratives qui ne relèveraient pas de celles financées par l’autorité de tarification. En effet, aux termes des dispositions précitées de l’article 231 A du CGI, le crédit d'impôt est assis sur les rémunérations que l’employeur verse à ses salariés, et il est imputé sur la taxe sur les salaires que ce dernier verse sur ces rémunérations quelles que soient ses activités, dès lors qu'il est éligible à ce dispositif. Si une autorité de tarification décide ainsi d’imputer automatiquement le CITS aux produits en atténuation, cela revient à décider en lieu et place de l’organisme gestionnaire de l’utilisation de ces marges de manœuvre, alors même qu’en sa qualité d’employeur il peut librement décider de développer et de créer d’autres activités non lucratives.
[1] Instruction n° DGFIP BOI-TPS-TS-35-20170504 du 4 mai 2017
Nadia Ben Ayed, avocate à la Cour, directrice du secteur Économie sociale et solidaire, cabinet Seban et Associés
Publié dans le magazine Direction[s] N° 162 - mars 2018