Marc Clouvel, expert-comptable associé au cabinet Axiome-Dis.
En quoi ce décret constitue-t-il un revirement ?
Marc Clouvel. Depuis 2018 [1], les excédents comptables dégagés par les établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS) signataires d’un Cpom obligatoire, comme leurs déficits, ne pouvaient plus être repris par les autorités. Une partie de leur dotation globale pouvait toutefois être récupérée en cas de non-réalisation du niveau d’activité prévu par le contrat. Désormais, les règles évoluent pour ceux conclus à partir de 2025 : une structure pour personnes âgées (PA) ou handicapées (PH) qui affichera des réserves (ou des reports à nouveau) « qui ne sont pas justifiées par ses conditions d'exploitation » pourra se les voir reprendre en partie, de façon étalée sur cinq ans.
Pourquoi ces dispositions vous semblent-elles difficilement applicables ?
M. C. D’abord parce qu’il est question de considérer les réserves des ESSMS, là où la logique du Cpom est, au contraire, de s’attacher à la situation financière consolidée de l’ensemble des établissements du contrat. Cela risque d'être un vrai casse-tête pour les gestionnaires. Plus problématique encore : comment sera estimé le niveau « justifié » des excédents, en l’absence de critères objectifs fixés par le texte (comme un niveau de trésorerie, par exemple) ? Il y a fort à parier que toutes les agences régionales de santé ne traiteront pas les choses de la même façon ! En outre, la modulation du tarif sera établie à partir « d’une analyse de la situation financière » de la structure. D’accord, mais c’est loin d’être une science exacte ! Comment se fera cette analyse ? Le contradictoire sera-t-il possible ?... Beaucoup de questions restent sans réponse.
Que préconiser aux gestionnaires ?
M. C. Difficile pour ceux qui auront à renouveler leur contrat l’an prochain. En revanche, les associations qui viennent tout juste d’entrer dans la contractualisation ont cinq ans pour réfléchir à une stratégie de mutualisation des résultats entre leurs structures, afin que les mieux dotées donnent aux moins bien loties.
Décret n° 2023-1428 du 29 décembre 2023
[1] Décret n° 2018-529 du 27 juin 2018
Propos recueillis par Gladys Lepasteur
Publié dans le magazine Direction[s] N° 227 - février 2024