« Tout est en place », se réjouissait le 12 mai Christian Saout, président de la commission sociale et médico-sociale de la Haute Autorité de santé (HAS), face à la presse. Les dernières pierres ont en effet été portées à l’édifice de la réforme de l'évaluation de la qualité des établissements et service sociaux et médico-sociaux (ESSMS). Le système d’information Synae est en place. La première programmation pluriannuelle sera arrêtée par l’autorité ayant délivré l’autorisation [1] en octobre au plus tard pour les évaluations du 1er juillet 2023 au 31 décembre 2027. Et les conditions d'intervention des organismes pouvant procéder à l'évaluation ont été publiées, finalement par la voie d'un décret [2].
Risque légal ?
C'est le feu vert qu’attendait la HAS pour diffuser le cahier des charges que ces organismes devront suivre pour être accrédités par le comité français Cofrac selon une norme ISO afin de figurer sur la liste dans laquelle tout établissement ou service devra piocher. Au menu : des exigences générales, financières, structurelles – comme le fait de devoir mener au moins quatre missions par an –, destinées à « renforcer l’indépendance et la professionnalisation des évaluateurs », souligne Véronique Ghadi, directrice de la qualité de l'accompagnement à la HAS. Une publication « tout bonnement incompréhensible, tant elle fragilise gravement la validité du nouveau dispositif », juge pour sa part Olivier Poinsot, juriste au cabinet Accens Avocats, dans un billet au vitriol [3]. Car, selon lui, le décret serait « illégal », notamment car le Cofrac ne peut recevoir d’attributions en matière d’accréditation que si l’instrument qui l’en investit est de nature législative. Réponse de Christian Saout ? « Pour l’instant, il ne me semble pas avoir entendu parler d’une saisine. Pour nous, il était hors de question de publier ce cahier des charges sans une norme juridique d’appui et cette dernière s'applique jusqu'à ce que son illégalité soit prouvée. »
Timing serré
La légalité n'est pas la seule zone d'ombre. « Nous n'avons aucune garantie que les surcoûts engendrés soient compensés, relève Tiphaine Vanlemmens, qui suit le dossier pour la Fédération des acteurs de solidarité (FAS). Or, on anticipe une hausse des prix des évaluations liée à une restructuration du marché face aux nouvelles exigences. » Autre inquiétude, la dérogation temporaire donnée à des organismes dans l’attente d'une accréditation. Si ce dernier n'obtient pas son sésame, l'ESSMS devra en informer son autorité qui pourra lui demander de procéder à une nouvelle évaluation dans les six mois. « Un danger » pour les structures, pointe le syndicat des structures pour personnes âgées Synerpa. Quand Véronique Ghadi se veut rassurante : « S'engager dans l'accréditation est déjà une garantie de sérieux. Le système est robuste. »
Reste la question du timing, plutôt serré. Les structures autorisées en 2008 et 2009 et n'ayant pas transmis de rapport relatif à la seconde évaluation externe devront rapidement se mettre ordre de marche. Date de rendu ? Entre janvier et juin 2023, conformément au nouveau référentiel.
Pour épauler les ESSMS, la HAS a publié un guide détaillant les grandes étapes de la procédure, dont l’auto-évaluation, « non obligatoire mais encouragée pour impulser une démarche collective et permettre aux professionnels de s’approprier les exigences », précise Sandra Grimaldi, responsable du service concerné à la HAS. Son instance devra être destinataire du rapport d’évaluation pour contrôler l'activité de l'organisme évaluateur. Avant la publication du document pour une « plus grande transparence vis-à-vis du public », notamment après le tsunami provoqué par l'affaire Orpea.
[1] Décret n° 2022-695 du 26 avril 2022
[2] Décret n° 2022-742 du 28 avril 2022
[3] À consulter sur https://accens-avocats.com/blog
Laura Taillandier
Publié dans le magazine Direction[s] N° 209 - juin 2022