Assurer la sécurité
Cour d'appel de Montpellier, 18 juin 2008, n° A08.1D 2767
« (...) par lettre du 4 juin 2002, le président de l'Association départementale des parents et amis de personnes handicapées mentales [Adapei] a confirmé le refus d'admission à l'institut médico-éducatif [IME]... en rappelant l'avis du médecin psychiatre et le ratio d'encadrement de l'établissement ne permettant pas d'intégrer normalement l'enfant et d'assurer la sécurité de [celui-ci], ainsi que celle de la structure ; qu'ainsi, ce n'est pas l'épilepsie proprement dite qui est la cause du refus d'admission, mais bien l'impossibilité pour l'établissement, compte tenu de ses capacités et de l'état de santé de l'enfant, de l'accueillir sans danger, motif légitime qui avait fait l'objet d'une réserve par la Commission départementale de l'éducation spéciale [CDES] de l'Hérault et qui n'est pas démenti par les pièces qui sont au dossier ; que Madame Y..., qui avait retiré cet enfant volontairement de l'IME... en 2001, ne justifie pas d'un préjudice en lien de causalité avec un refus de réinscription sur sa demande une année plus tard, d'autant que l'enfant bénéficiait alors d'un accueil dans un autre établissement qu'elle avait choisi. (...) »
L'analyse. Cet arrêt propose une formulation générale des obligations contractuelles des établissements et services sociaux et médico-sociaux à l'égard des personnes qu'ils accueillent ou accompagnent : assurer effectivement la prise en charge, compte tenu des moyens dont ils disposent, dans le respect des obligations que leur assigne la règlementation en vigueur. Ce principe jurisprudentiel vient très opportunément répondre à une attente récurrente des acteurs du secteur, alors que les conditions financières d'exercice de l'activité tendent à se dégrader : on ne peut exiger d'un établissement que ce qu'il est en mesure de proposer compte tenu de l'allocation budgétaire dont il dispose.
En l'espèce, le jeune Carl, accusant un important retard psychomoteur et souffrant d'épilepsie, est admis à l'âge de 12 ans dans un IME sur orientation conforme de la CDES. Aux 16 ans de l'enfant, ses parents décident de le retirer de l'établissement, considérant qu'il a démontré son incapacité à gérer ses crises d'épilepsie de manière adaptée. Carl est alors confié à un autre IME de la région. Un an après la sortie de l'IME initial, et après une intervention chirurgicale destinée à remédier à son épilepsie, ses parents saisissent la CDES d'une nouvelle demande d'orientation et désignent en premier choix, dans leur desiderata, ce même établissement. La CDES répond favorablement à leur attente, sous réserve que l'établissement d'accueil soit en capacité de prendre en compte l'état de santé de l'enfant. Les parents de Carl se tournent alors vers l'IME en question, mais celui-ci leur refuse alors l'admission à raison de sa maladie.
Formaliser l'admission
D'une part et d'un point de vue formel, il est impératif que la procédure aboutissant au prononcé de l'admission soit formalisée. On mesure, dans cet arrêt, l'intérêt d'avoir pu disposer d'un compte-rendu d'entretien de préadmission et d'un avis médical circonstancié.
La cour d'appel de Montpellier constate que Carl et sa mère ont été reçus à l'IME pour un entretien de préadmission, ayant donné lieu à compte-rendu, ainsi qu'à un avis médical du médecin psychiatre de l'établissement. Les juges ont, par ailleurs, manifestement eu accès à certains éléments du dossier de l'enfant dont la CDES avait pu disposer dans le processus d'orientation. La bonne tenue des dossiers médico-sociaux est donc essentielle. Enfin, de manière plus générale et parce qu'il convient d'intégrer la dimension d'évaluation de la qualité obligatoire, il semble tout à fait opportun de bien formaliser le processus d'admission (procédures, modes opératoires, formulaires).
Motifs objectifs de refus
D'autre part et au fond, il est essentiel qu'une décision de refus d'admission soit fondée sur des motifs objectifs dont la prise en compte démontre l'inadéquation entre l'offre de prestations de l'établissement et les besoins et contraintes de l'usager.
En l'espèce, la cour d'appel de Montpellier relève que le refus d'admission a été motivé par l'organisme gestionnaire, au vu des éléments de l'avis médical du médecin de l'établissement, par une insuffisance du ratio d'encadrement de l'établissement ne permettant pas d'intégrer normalement l'enfant et d'assurer sa sécurité et celle de la structure. Poursuivant son raisonnement, la cour déduit que l'épilepsie n'est pas la cause déterminante du refus d'admission : cette cause réside dans l'impossibilité pour l'IME, compte tenu de ses capacités et de l'état de santé de Carl, de l'accueillir sans danger. La cour d'appel y voit un motif légitime de refus d'admission.
Sur ce plan, il faut prévoir de tirer le meilleur parti possible du projet institutionnel et du règlement de fonctionnement pour être en capacité, le moment venu, d'apporter la bonne démonstration, au regard de la notion de spécialité, au titre de laquelle l'établissement a été agréé. C'est en considération de ce concept – qui inclut notamment la définition des populations accueillies et des options techniques et d'infrastructures retenues – qu'un refus d'admission ou le prononcé d'une décision de sortie – sauf dans le cas des établissements et services d’aide par le travail (Esat) – pourra être justifié juridiquement.
Olivier Poinsot, avocat associé Cabinet Grandjean-Poinsot