Comment le secteur de la protection de l'enfance fait-il face à l'épidémie ?
Fabienne Quiriau. Nous avons été pris de court, bien plus que le champ médico-social. Si nous avions des inquiétudes sur quelques cas de contamination, rien n'était comparable avec le niveau de gravité pour les structures accueillant des publics vulnérables (personnes âgée, en situation de handicap...). Pour nous, le virage a été l'annonce du confinement, avec sa conjonction de difficultés : fermeture des écoles, d'établissements médico-sociaux, les salariés devant interrompre leur activité pour garder leurs enfants...
S'y est ajouté un manque total de réactivité des pouvoirs publics ! Si certains départements organisent des réunions de crise, dans la majorité des cas, il y a un effet de sidération et c'est silence radio ! Tout repose sur les associations ! Pourtant, les enjeux sont énormes...
Quels sont-ils ?
F.Q. La situation est explosive. On se retrouve avec des enfants, parfois difficiles, confinés dans des établissements, avec un phénomène de cocotte-minute. Quand d'autres restent à domicile avec une suspension des visites sauf dans les situations particulièrement complexes. Il faut que nous puissions maintenir le contact. Et il n'est pas acceptable que des enfants soient renvoyés chez eux alors que l'on sait qu'ils seront en danger !
Comment éviter ces situations dramatiques ?
F.Q. La priorité est que nous puissions bénéficier du système de garde d'enfants pour les professionnels de la protection de l'enfance. Nous avons estimé un sous-effectif de 20 à 30% pour ce début de semaine. Et l'absentéisme va encore s'aggraver surtout que nous craignions l'exercice de droits de retrait face au manque de matériels de protection. Si le gouvernement a annoncé que le dispositif de garde nous serait accessible progressivement, dans les faits, on nous a fait comprendre que nous ne serions concernés qu'une fois l'urgence sanitaire passée.
Concrêtement, comment les établissements s'organisent-ils au quotidien ?
F.Q. Pour l'instant, nous cherchons des palliatifs. Dans les associations où les structures sont fermées, des professionnels médico-sociaux se mobilisent, par exemple. Mais ce sont des cas isolés et cela ne pourra durer qu'un temps. Car ce que l'on voit poindre aussi, ce sont les familles se retrouvant en difficulté avec leurs enfants habituellement en accueil de jour. Et donc des rappels de personnels ! ll faudrait donc dans un permier temps que les associations mutualisent leurs moyens par l'intermédiaire de plateformes collaboratives. Ce, avec l'accord des Agences régionales de santé (ARS).
Le gouvernement a récemment transmis des consignes aux structures de la protection de l'enfance. Répondent-elles à vos attentes ?
F.Q. En partie, notamment sur les règles sanitaires et d'hygiène pour ne pas aggraver l'épidémie et veiller à la sécurité des personnels. Mais, les notes, les instructions, ce n'est pas suffisant. Le défi, c'est la mise en oeuvre ! Nous avons aujourd'hui un gros problème de coordination. Il faut des cellules de crise dans tous les départements pour travailler de concert avec la Justice ou l'Education nationale, pour, par exemple disposer des outils permettant le télé-enseignement.
D'une manière générale, nous devons aussi assouplir les règles. Nous faisons face à une situation exceptionnelle et nos modes d'action ordinaires doivent être revisités. On ne peut plus "faire comme avant" ! Nous devons trouver le bon équilibre, nous permettant de concilier l'exigence de protection des enfants avec l'urgence sanitaire. Dans un dernier temps, nous devrons aussi nous pencher sur le financement des associations. Il va y avoir un problème pour celles qui sont tarifées à la journée (pas d'enfant, pas de paiement...) Mais parons d'abord à l'urgence : un système de garde pour les enfants des personnels et l'équipement de nos professionnels !
(1) Convention nationale des associations de la protection de l'enfance (Cnape)
Propos recueillis par Laura Taillandier