Cela fait plusieurs années que tout le monde parle du "parcours de santé" de la personne âgée ou de la personne en situation de handicap. L'idée est de ne plus raisonner en silos, mais d'intégrer les différents acteurs intervenant auprès de ces personnes fragilisées. Pas un appel à projet sans que n'apparaisse le "parcours de santé". Alors que la France traverse sa première crise épidémique majeure depuis près de 100 ans, tous les beaux discours, tous ces textes, toutes ces années de conception et de réflexion sont foulées au sol. Comme si la crise devait nous faire perdre le bon sens acquis durant toutes ces années. « TOUS A L'HOPITAL », crie notre gouvernement ! L'Armée, les masques, les bénévoles, les primes ! "L'aval ? L'amont ? L'environnement de l'hôpital ? De quoi me parlez vous ?"
La digue du domicile absente des plans de bataille
Sommes-nous en train de préparer la plus grande catastrophe gériatrique de tous les temps ? Oui et nous l'organisons consciencieusement. Six mois que l'Hôpital agonise ! Deux mois que nous regardons les chinois se faire décimer. Et aujourd'hui ? La digue du domicile est totalement absente des plans de bataille. Quinze jours que les responsables de structure d'aide et de soins à domicile vont de pharmacies en pharmacies avec leur petite copie du décret à la main. Quinze jours que l'on cherche le fournisseur miracle de masques au fond d'une province perdue. Quinze jours que l'on fait appel à la générosité des PME, celles qui payent tous leurs impôts en France. Quinze jours que l'on passe à travers les gouttelettes pour tenter de maintenir nos aînés en vie à domicile afin qu'ils ne viennent pas saturer les hôpitaux et faire exploser les équipes de réanimation.
"Pourquoi n'entend-on pas le terrain?"
Avant l'hôpital, il y a la digue du domicile, mais personne ne la voit et elle s'use chaque jour un peu plus sous les coups de boutoir de ce p____ de virus ! Pas d'équipements de protection individuelle ou si peu. Comment alors intervenir auprès des personnes fragilisées ? Comment alors éviter de les envoyer à l'hôpital avec 15% de probabilité de ne pas les voir revenir ? La digue en amont ? Mais aussi l'aval de l'hôpital ! Qui va accueillir chez eux ces personnes vivantes mais détruites par ce virus encore actif à la sortie de l'hôpital ? Les aides soignant(e)s, infirmièr(e)s et aides à domicile. Comment ça, l'hôpital a un amont et un aval ? Comment ça, le domicile c'est à la fois l'amont et l'aval de l'hôpital ? Des années de réflexions et de construction balayées au premier réflexe Pavlovien. Ce soir, j'ai encore des masques, des lunettes de protection, quelques sur-blouses pour nos intervenantes tellement dévouées et combatives. Pourquoi nos politiques n'arrivent-ils toujours pas à entendre le terrain, celui qui fait et donc celui qui sait ?
Jean-Pierre Coudre