À quels défis se heurtent les gestionnaires du logement accompagné depuis le 11 mai ?
Arnaud de Broca. Même s’ils diffèrent selon les dispositifs (pensions de famille, foyers de jeunes travailleurs – FJT, de travailleurs migrants – FTM, résidences sociales…), les enjeux restent plus ou moins les mêmes que durant le confinement. Comme la difficulté d’expliquer les gestes barrières et la nécessaire distanciation physique dans ce secteur où tout l’intérêt réside dans la proximité et dans le lien. Beaucoup d’organismes s’interrogent encore sur l’opportunité de reprendre les activités collectives. Par ailleurs, la mise en œuvre des consignes nationales de déconfinement n’est pas toujours évidente. Notamment en matière de conduite à tenir face aux personnes présentant des symptômes : rappelons que dans le logement accompagné, celles-ci sont chez elles, et donc rien ne les oblige à ouvrir leur porte au gestionnaire. Et comment faire respecter une quatorzaine aux entrants le cas échéant ? Et quid des masques, difficiles à fournir aux résidents, voire des tests… ? Au-delà, la question de la santé économique et financière des structures reste un réel motif d’inquiétudes.
Comme pour le reste du champ Accueil, hébergement, insertion (AHI), le principe d’une prise en charge de leurs surcoûts est pourtant validé ?
A. de B. En effet. Mais comment seront-ils objectivés ? Quelle sera la tuyauterie budgétaire ? Et surtout, quelle sera la période de référence retenue ? Car si les dépenses supplémentaires des deux derniers mois sont simples à identifier, l’impact économique ira bien au-delà ! Tous ces éléments sont en train d’être travaillés en lien avec la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS). Par ailleurs, se pose aussi la question des pertes de recettes, due à la baisse de revenus des résidents. Nous nous dirigeons vers une forte crise sociale qui impactera les personnes logées, lesquelles ont souvent déjà vu leurs contrats précaires s’interrompre. Un grand nombre d’entre elles perçoivent certes les aides APL, mais les impayés de loyers risquent d’augmenter à terme – même si nos adhérents ont souvent développé de la prévention en la matière. Et que dire des vacances de gestion qui grèvent les budgets ? Outre l’arrêt des nouvelles entrées pendant le confinement, certains logements doivent être neutralisés pour, si besoin, isoler des malades. Sans compter les incertitudes relatives au marché du travail saisonnier ou même à la rentrée universitaire susceptibles de peser sur les taux d’occupation… C’est pour objectiver tous ces éléments que nous avons mis en place des indicateurs permettant aux gestionnaires de remonter les difficultés à venir.
La crise doit-elle aussi être l’occasion d’une meilleure reconnaissance du secteur ?
A. de B. C’est évident. Il a fait la preuve de son utilité sociale, en absorbant le choc pour les personnes accueillies. Il est urgent de lui redonner toute sa place, via la relance du plan de traitement des FTM. Lancé en 1997 pour cinq ans (!), il vise à transformer en résidences sociales modernes (aux logements individualisés) ces foyers suroccupés au bâti vieillissant, aux sanitaires collectifs et accueillant des publics fragiles. Si une telle crise avait eu lieu il y a dix ans, les conséquences auraient été pires ! Au rythme actuel, il faudrait encore dix ans pour parvenir à convertir les quelque 150 FTM restants. Y aboutir en cinq ans est possible, pour peu qu’on en fasse un des objectifs du Logement d’abord, qui doit lui aussi être accéléré.
Propos recueillis par Gladys Lepasteur